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Gestion du taux de change par les autorités monétaires: eléments d'appréciation

par Brahim Chahed

«Il n'existe pas de moyen plus efficace pour prendre le contrôle d'une nation que de diriger son système de crédit (monétaire).» M. Phillip A. Benson, président de l'Association American Bankers' Association, 8 juin 1939.

1ère partie

Une question taraude l'esprit de tout Algérien: Pourquoi la valeur du dinar algérien est-elle si insignifiante ? Pourquoi, en comparaison, par exemple, avec le dinar tunisien qui se rapproche de l'euro, (31/08/2015 à titre indicatif), (1 euro-2,196569 dinar tunisien), ou encore avec la monnaie marocaine, dont le change est de (1 euro pour 10,891504 dirhams), le dinar algérien est-il si loin de la valeur des monnaies de nos voisins? L'euro (1 euro) est échangé officiellement, à la même date, contre 118,726416 dinars algériens alors que le taux de change sur le marché parallèle dépasserait les 162.5 DA pour 1 euro.

Loin de toute polémique sur les choix des autorités monétaires du pays et les paramètres utilisés, afin de parvenir à ce taux de change, Il est vrai que pour les importateurs et les consommateurs, un dinar moins faible ferait leurs affaires. En revanche, pour les rarissimes exportateurs qui tentent de placer le "made in Algeria", sous d'autres cieux, de toute évidence, un dinar faible par rapport aux autres monnaies est une aubaine.

En fait, ce sont les administrateurs de la Banque d'Algérie qui concoctent une potion magique pour aboutir à ce taux de change officiel. Ainsi le convertisseur officiel sanctionne bien autant le consommateur qui voit son pouvoir d'achat érodé que l'industriel, dont la compétitivité se trouve inéluctablement mise à mort et la trésorerie, souvent, impuissante face au coût des intrants en matières premières.

Mais il semble que l'Etat a ses raisons. Officiellement, une réévaluation du dinar entraînerait la hausse des importations tirées par la consommation interne, propulsée, elle aussi, par l'amélioration du pouvoir d'achat.

Cependant, dans une économie qui fonctionne, normalement, la hausse de la consommation est une bonne nouvelle pour l'Economie. Pas en Algérie, pays importateur par excellence. Seul l'investissement productif, générateur de richesses et d'emplois, voire même d'excédents à l'importation, est en mesure de tirer le pays de ce cercle vicieux. Mais a-t-on cette détermination ? Toute la question est là. Une autre question vient tarauder encore l'esprit de tout Algérien: Pourquoi dispose-t-on d'assez importantes réserves en devises, alors que le pouvoir d'achat est en décroissance continue ?

En 1991 déjà, l'adoption de la convertibilité totale du dinar a été envisagée, pour la première fois . Or, en 1991, la dette extérieure était de 27 milliards de dollars et le service de cette dette représentait 74% des recettes d'exportations. Quant aux réserves de change, elles s'élevaient à 1,61 milliard de dollars et correspondaient à seulement 2 mois d'importations (représentant 7.77 milliards de dollars). Les exportations des hydrocarbures procuraient, annuellement, 96% des recettes en devises.

La situation économique et financière s'est détériorée davantage, par la suite, et il a fallu de nouveau faire appel au FMI, en 1994, et accepter ses programmes de restructuration et de rééchelonnement de la dette extérieure. En fait, il n'y avait aucune chance, compte tenu de la situation difficile, prévalant à l'époque, d'aller vers une convertibilité totale du dinar.

A partir de l'an 2000, la situation financière s'est considérablement améliorée grâce à la hausse du prix du baril de pétrole. Toutefois, en dehors des importants programmes d'infrastructures économiques et sociales, il n'y a pas eu d'actions sérieuses destinées à développer et à diversifier la production nationale, en vue d'avoir des produits variés, de qualité et surtout compétitifs pour être exportables. De même, aucune action n'a été engagée, dans le but de créer un climat d'affaires transparent et sain qui aurait pu stimuler les activités susceptibles de générer des entrées diversifiées de devises. Ces temps-ci, la question de la convertibilité totale du dinar n'est ni abordée ni évoquée auprès des responsables, lesquels hésitaient, encore, à assouplir, seulement, le contrôle des changes, ne serait-ce que pour limiter le recours des citoyens honnêtes au marché parallèle de devises.

Aujourd'hui, encore, et en dépit de l'exceptionnelle aisance financière de l'Algérie, les responsables, à tous les niveaux de l'Etat, confortés par quelques techniciens, tracent un tableau noir de l'avenir du pays en cas de convertibilité du dinar.

Un constat sévère nous interpelle, même les plus grands pays communistes comme la Chine et la Russie ont compris l'importance de la convertibilité d'une monnaie dans la libération des énergies et y ont installé une convertibilité totale. Il ne faut, surtout pas, se méprendre, compte tenu des richesses que recèle notre pays et de ses potentialités, la convertibilité totale du dinar est à notre portée au prix, néanmoins, de mesures appropriées, étudiées, arrêtées et appliquées.

Une dernière question: L'Algérie est-elle une particularité? Procrastination ! Les ingrédients: Un Etat indécis, qui croit détenir l'horloge du temps, d'une part, et d'autre part, un commis de l'Etat incompétent, manquant de confiance et d'imagination, qui de surcroît veut, toujours, faire plaisir à celui qui lui donne du travail.

C'est comme si l'on consommait du temps à crédit. On décide de ne pas commencer parce qu'on n'a pas confiance en soi, parce qu'on ne sait pas organiser les priorités, parce qu'on trouve, toujours, quelque chose de plus important, ou plus facile.

ELEMENTS DE POLITIQUE MONETAIRE: CE QUE NOUS DEVONS SAVOIR:

La politique monétaire est définie comme étant l'ensemble des moyens dont disposent les Etats ou les autorités monétaires (la Banque centrale), pour agir sur l'activité économique par l'intermédiaire de l'offre monétaire. L'objectif est, en règle générale, d'assurer la stabilité des prix qui est considérée comme un préalable au développement de l'activité économique, en essayant, si possible, d'atteindre des objectifs de croissance, de plein emploi et d'équilibre du Commerce extérieur.

Les conséquences de la politique monétaire portent aussi bien sur le niveau des prix que sur le niveau d'activité. L'objectif de la politique monétaire est de contribuer à la sauvegarde de la valeur interne et externe de la monnaie nationale. C'est un paramètre essentiel, intervenant, dans le mécanisme de stabilisation des prix. Le contrôle de la société, sur l'autorité monétaire, s'exprime au travers des objectifs qui sont assignés à sa politique.

On peut distinguer quatre niveaux au sein des dispositifs mis en place par les politiques monétaires : les objectifs finals, les objectifs intermédiaires, les indicateurs et les instruments:

- Les objectifs finals sont les buts ultimes recherchés par la politique monétaire (stabilité des prix par exemple). La politique monétaire ne peut viser, directement, ces objectifs car les banques centrales n'ont qu'un contrôle très indirect de ces grandeurs économiques, qui réagissent, avec des décalages assez longs et variables, aux impulsions de la politique monétaire, et ne sont observées qu'avec un retard important et une périodicité espacée ;

- Les objectifs intermédiaires (les taux de change par exemple) sont, alors, mis en place. Ces cibles intermédiaires n'ont pas de valeur en elles-mêmes, si ce n'est leur corrélation avec les buts finals. Un rapport de cause à effet existe entre ces intermédiaires et les buts. Elles sont, en plus, mieux contrôlables et plus rapidement observées que les objectifs ultimes ;

- Les indicateurs avancés sont des variables économiques qui fournissent à la Banque centrale de l'information sur l'état de l'Economie (par exemple, l'orientation effective de la politique monétaire ou encore le degré de son caractère expansif ou restrictif) ;

- Les instruments, parfois appelés "objectifs opérationnels", sont des variables qui sont, directement, sous le contrôle de la Banque centrale. Le choix des instruments et les règles définies pour les manipuler déterminent la politique monétaire, au jour le jour. Il existe deux principaux moyens d'action pour la Banque centrale : l'action par les liquidités bancaires et l'action par les taux.

La plupart des Banques centrales choisissent le taux d'intérêt, à court terme, comme instrument. C'est le seul taux qu'une banque centrale peut, effectivement, contrôler de manière précise. En effet, les actifs de très court terme sont très proches de la monnaie (liquidité), et la Banque centrale a un monopole pour l'émission de monnaie. En contrôlant les taux d'intérêt à court terme, la Banque centrale a une forte influence sur l'offre de liquidité. En revanche, au fur et à mesure que la maturité augmente, les taux incorporent les anticipations du marché et échappent, ainsi, au contrôle de la Banque centrale.

Chaque pays dispose d'une monnaie dans laquelle sont exprimés les prix de transactions conclues sur son territoire. Une transaction constitue un accord entre un acheteur et un vendeur, portant sur un montant déterminé d'une monnaie particulière livrée en contrepartie d'un montant d'une autre monnaie, selon un taux de change défini d'avance, sur une place donnée, permettant la confrontation des offres et des demandes, appelée marché des changes.

Un régime de change correspond à un ensemble de dispositions qui déterminent l'intervention des autorités monétaires, sur le marché des changes, et l'évolution du taux de change. Le choix d'un régime de change revêt une grande importance puisqu'il met en cause la politique économique d'un pays, ses marges de manœuvre et ses différents ajustements macro-économiques.

Les régimes de change déterminent, également, les conditions d'insertion des économies sur le plan international.

Les principaux régimes de change sont le régime de change fixe et le régime de change flottant, au milieu desquels s'intègrent un certain nombre de régimes intermédiaires.

Trois principales catégories de régimes fixes cohabitent avec, tout d'abord, l'Union monétaire qui est la forme la plus stricte de régimes de change fixe puisque les taux de change des participants sont fixés, de manière irrévocable. Dans une Union monétaire, les monnaies locales peuvent être remplacées par une monnaie commune.

Ensuite, le régime de change fixe traditionnel qui définit la parité fixe entre la monnaie nationale et une devise (ou un panier de devises) et qui laisse, donc, peu de marges de manœuvre à la Banque centrale, en matière de politique monétaire. Enfin, le régime de change fixe, à l'intérieur de bandes de fluctuations, qui permet de fixer une parité d'échange de sa monnaie contre une autre devise ou un panier de devises, tout en autorisant une bande de fluctuations par rapport à ce cours de référence (le forint hongrois avec l'euro).

Dans un régime de change flottant, le cours de la monnaie est déterminé, librement, sur le marché des changes, par le simple jeu de l'offre et de la demande de devises. Les taux de change s'équilibrent, librement, sur le marché. La Banque centrale y exerce ses prérogatives de politique monétaire mais elle abandonne son contrôle sur l'évolution du cours de change nominal. Le régime de change flottant est en vigueur dans de nombreux pays tels que les Etats-Unis, le Japon, la Suisse, le Royaume-Uni ou dans les pays émergents comme le Brésil.

Les régimes intermédiaires se déterminent en fonction des fluctuations que la Banque centrale du pays concerné autorise, autour de sa parité de référence et selon la fréquence des réalignements de sa parité.

Le régime de change avec une parité glissante est un régime dans lequel le taux de change est fixé, périodiquement, avec des ajustements qui peuvent répondre aux changements de certaines variables prédéterminées (à l'exemple du différentiel d'inflation passée avec certains partenaires commerciaux). Le régime de change avec un glissement actif permet un ancrage sur les anticipations de prix et d'annoncer, à l'avance, le taux de dévaluation pour plusieurs mois (exemple dans les pays d'Amérique Latine, dans les années 1980 afin d'enrayer leur inflation galopante).

Le régime de change avec un flottement administré consiste à avoir un taux de change flottant où les Banques centrales informent les marchés sur la parité considérée comme souhaitable et pour laquelle elles réalisent des interventions ponctuelles ou coordonnées (c'est le cas, notamment, de nombreux pays émergents avec entre autre l'Argentine ou Singapour).

Un régime de change flexible peut, ainsi, être inflationniste, dans la mesure où il entraîne moins de contraintes dans les politiques monétaires des pays. Les fluctuations dues aux mouvements de capitaux, à court terme, peuvent être importantes. La devise du pays peut, aussi, inspirer une moins grande confiance qu'une devise à taux de change fixe.

Les pays participants à la zone euro, à l'intérieur de l'Union européenne, ont choisi un régime de flexibilité limitée, par rapport à d'autres monnaies, dans le cadre de mécanismes de coopération monétaire.

Des pays comme l'Algérie, le Brésil, le Chili, la Chine, l'Egypte, la Norvège, la Roumanie, la Turquie et la Tunisie ont choisi un régime de flottement dirigé .

Les Etats-Unis, le Canada, l'Inde, l'Indonésie, le Japon, le Mexique, le Pérou et la Suisse ont quant à eux adopté un régime de flottement indépendant.

Il ne faut cependant pas confondre la convertibilité d'une monnaie avec le régime de change mis en place dans un pays ou une zone monétaire. En d'autres termes, la libre convertibilité n'est pas synonyme d'un régime de change flottant. Ainsi le Brésil ou l'Inde qui ont opté pour un régime de change flottant limitent tout de même la convertibilité respective du real brésilien et de la roupie indienne. On peut observer que le cours de ces monnaies varie chaque jour, comme celui de l'euro ou du yen, mais les banques centrales brésilienne et indienne gardent un contrôle strict sur la masse monétaire de devises en circulation.

La convertibilité est, donc, cette possibilité pour une monnaie d'être, librement, échangée contre une autre monnaie. Si la majeure partie des pays les plus avancés (Etats-Unis, Canada, Grande- Bretagne, Zone euro, Japon, etc.) ont des devises librement convertibles, de nombreux pays continuent d'avoir une politique monétaire qui tend à maîtriser la quantité de monnaie convertible.

A suivre

Notes :

1- Compte tenu de la particularité de la situation de ces derniers mois, je ne voulais pas fonder mon intervention sur la parité Dinar/Dollar. Toutefois, nous avons bien noté que le lundi 31/08/2015, le Dollar a enregistré son plus haut niveau depuis l'indépendance face au Dinar, dans les échanges interbancaires fixés par la Banque d'Algérie. Un Dollar s'échangeait ce lundi-là à 106,10 dinars.

Pour toute explication des baisses successives, le ministre des Finances a rétorqué, le lundi 24/08/2015 que " ce n'est pas le Dinar qui a baissé mais c'est le Dollar qui a augmenté ". Pour mémoire, entre le 05/03/2015 et le 31/08/2015, le Dollar est passé de 94,7071 à 105,5490 dinars. Ce même Dollar, pour les mêmes périodes, n'a, pratiquement ; pas bougé face au Dinar tunisien puisqu'il passe de 1,9522 à 1,9542 et s'est même déprécié face au Dirham marocain, passant de 9.6572 le 05/03/2015 à 9.4616 le 31/08/2015.

2- En relation avec " l'accord de confirmation " signé, en avril 1991, avec le FMI, il est indiqué dans la " lettre d'intention " adressée au directeur général de cette institution, que les politiques économique et financière, que le gouvernement algérien entendait mettre en œuvre en 1991, " visent à accélérer la réforme profonde de l'Economie nationale?, en vue de parvenir, pleinement et rapidement, à une véritable économie de marché, fondée sur une monnaie stable et convertible ".

3- On appelle taux de change la valeur d'une monnaie par rapport à celle d'une autre. Il est exprimé soit à l'incertain c'est-à-dire la quantité de monnaie nationale (cote) équivalente à une unité étrangère (base), 1 Euro = X DZD, ou alors au certain c'est à dire le nombre d'unité de monnaie étrangère que l'on peut obtenir avec une unité de monnaie nationale, 1 DZD = X Euro. On distingue les taux "spot" ou "au comptant" (achats sous 24 ou 48 heures), des taux "forward" ou "à terme" (opérations à échéance future, souvent mensuelle ayant pour but but la gestion du risque de change en fixant aujourd'hui le prix auquel on payera la devise dans le futur. le change est dit direct lorsqu'il met en jeu deux monnaie et croisé s'il fait intervenir plusieurs monnaies.

4- L'autorité monétaire influe sur les mouvements du taux de change par des interventions actives sur le marché des changes, sans spécifier ni s'engager à annoncer, au préalable, quelle sera la trajectoire du taux de change.