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Que faire des 18 millions de tonnes de déchets prévues en 2025 ou plutôt
des 25 millions de mètres cubes alors qu'on est incapable de gérer seulement 10
actuellement ? Là est toute la question de l'échec de la stratégie nationale
qui a coûté des milliards de dollars depuis 2001 sûrement.
L'estimation des quantités moyennes de déchets domestiques et assimilés produites en Algérie pose un problème de fond puisque les ratios avancés vont du simple au double soit de 0.30 à 1.10 kg/habitant/jr. Ecart difficile à justifier et ce n'est pas la notion de milieu urbain ou rural qui est à l'origine mais la méthode utilisée pour calculer ce ratio (souvent archaïques et sans relation avec l'espace). Les différents bureaux d'études qui on réalisé les schémas directeur d'élimination des déchets n'ont aucun personnel professionnel dans le domaine de la rudologie. Les chiffres avancés par les institutions officielles sur les déchets domestiques et assimilés connaissent une valse difficile à identifiée ; la production moyenne annuelle est estimée par les différents opérateurs entre 8.5 et 11 millions de tonnes. En 2010, la quantité de déchets municipaux solides en Algérie, qui compte quelque 35 millions d'habitants, a atteint les 10,3 millions de tonnes, précise l'Agence Nationale des Déchets et un algérien produit quotidiennement en moyenne 0,85 kg de déchets solides et cette production avoisine 1,2 kg dans la capitale Alger, relève le rapport, qui précise que la collecte des DMS atteint les 85% en zones urbaines et 60% en zones rurales. Tous ces chiffres sont à utiliser avec une marge, jamais calculée, mais qui reste inacceptable au regard de l'absence de méthode unifiée pour calculer ces chiffres. Quels chiffres alors retenir pour avoir des repères et des ordres de grandeur ? Avec une moyenne acceptable de 0.45 kg/hbt/jr le tonnage quotidien pour une population de 38 millions d'habitants sera de 17 000 tonnes soit 6 millions de tonne annuellement. Mais ce chiffre n'est pas à prendre en considération puisque les déchets se gèrent en volume, soit au moins 12 millions de mètre cube. Cette quantité est collectée, transportée et déposée vers des décharges sauvages, des décharges aménagées ou des centres d'enfouissement. Pour régler le problème des déchets l'Algérie, depuis 2001 s'est lancée dans un programme caractérisé par la précipitation et l'amateurisme comme le confirme les schémas directeurs de gestion et d'élimination des déchets confiés à des bureaux peu spécialisés et dans les chiffres avancés et les propositions n'ont pu venir à bout de ce fléau qui défigure nos villes, nos villages et toute l'Algérie. Avec comme objectif un schéma directeur pour toutes les communes, les responsables du ministère en charge de ce volet notent dans leur bilan que les schémas directeurs de ces communes ont tous été réalisés et bien sur les prestataires régularisés. Alors se pose la question pourquoi le problème des déchets n'est pas réglé, il suffisait d'appliquer ces pseudo-études autrement pourquoi faire des études. La politique de gestion des déchets ménagers adoptée depuis 2000 repose essentiellement la création de Centre d'Enfouissement Technique alors que les décharges sauvages s'accaparent plus de 15 000 ha. C'est un concept typiquement algérien, celui du sous-développement, cacher du regard des responsables les malfaçons et les tares, comme dans tous les secteurs que ce soit le bâtiment, les travaux publics ; la gestion des déchets repose alors sur leur enfouissement. Une autre question se pose dans cette politique aveugle et retardataire, comment faut-il de terrain pour enfouir nos déchets domestiques et assimilés ? La gestion des 12 millions de m3 nécessite annuellement plus de 300 hectares de terre souvent indisponibles. Pour s'en rendre compte il n'y a qu'à exploiter les manifestations des habitants et des agriculteurs quand à l'emplacement de ces cimetières de déchets. Un autre problème se pose également avec ce choix d'enfouir, où mettre les déchets déjà stockés dans les décharges sauvages estimées à plus 3000 colonisant 150 000 ha soit une moyenne de 50 ha par décharge. Avec un volume de plus de 500 millions de mètre cube pour enfouir ces déchets dans des CET, le besoin supplémentaire d'espace d'au moins de 2000 ha. Où trouver ces espaces et comment gérer ces bombes à retardement ? Mais un autre handicap nait, les CET seront remplis à plus de 25% avec les déchets des décharges sauvages ; alors là il y a catastrophe économique et écologique. Identification des contraintes majeures Faute d'avoir initié le développement des filières de gestion des déchets ménagers et assimilés, l'Algérie perd chaque année entre 350 et 400 milliards de dinars. L'industrie de la récupération et du recyclage ne représente actuellement que 2 à 5% au maximum des déchets produits chaque année. Dans ce volet aussi, en absence d'études fiables sur les dangers et les risques engendrés par les études des schémas directeurs de gestion et d'élimination des déchets, il est difficile de cibler les aléas et les sources de dysfonctionnement du système mis en place et financé. Selon l'AND, «de réels handicaps et obstacles empêchent la gestion des déchets de s'articuler dans les meilleures conditions d'harmonie et de cohérence». Parler d'harmonie et de cohérence dans un secteur sinistré comme la gestion des déchets relève d'une pièce de théâtre bien orchestrée. Malgré la panoplie de textes réglementaires au nombre de 10 entre lois et décrets et arrêtés, toutes les assemblées populaires communales souffrent de cette opération qui pourtant à été financée et prise en charge au plus haut niveau de l'Etat. Dans ce volet des contraintes les responsables citent des causes imaginaires pour justifier leur échec qui est confirmé en 2014 puisqu'on reparle des déchets d'un programme engagé depuis 2000. C'est d'après eux «l'hétérogénéité de l'intervention des différents acteurs qui évoluent en rangs dispersés usant de procédés, de techniques et de comportements antinomiques entraînant des dysfonctions et des déséquilibres à tous les niveaux». Une autre cause de l'échec est souligné à tord également : «Le caractère limité de la compétence locale, régionale ou nationale a entraîné le recours par les décideurs locaux à des procédés approximatifs et l'acquisition d'équipements motorisés et non motorisés inadaptés». S'il y a eu équipement c'est les études qui ont déterminé et caractérisé ces équipements alors comment remettre en cause des études qui ont été validées ? Les contraintes majeures sont plutôt à rechercher dans l'incompétence et le manque de professionnalisme ayant pris en charge ce domaine. Elles peuvent être classées en 5 ordres : 1. Politique : les instructions des hauts responsables ne sont jamais remises en cause en Algérie d'où des erreurs politiques dans tous les domaines y compris la gestion des déchets. On peut citer la catastrophe de l'autoroute es-ouest avec tous ces déboires techniques et écologiques ou les licences et masters ouverts en total inadéquation avec le responsable en charge etc. 2. Stratégique : la gestion des déchets a été confié des plusieurs acteurs même dans le volet de la rédaction des textes réglementaires ; aucune stratégie moderniste n'a été proposée et le maître mot résidait dans l'enfouissement des déchets. Une manne pour des entrepreneurs du bâtiment qui se sont reconvertis en spécialistes des CET !! 3. Organisationnel : sans une approche organisationnelle axée sur la priorisation des actions induite par le retour d'expérience dans la région et à travers le monde comment avoir opté rapidement pour des schémas directeurs dont aucun n'est appliqué puisque mal fait tout simplement et obéissant un schéma modèle où seulement les chiffres changent. Et si on demandait à ces bureaux d'étude de mettre en application leur proposition ? Personne n'osera franchir de pas puisque toutes les études ont été validées et régularisées et les bureaux d'études s'en lavent les mains. 4. Technique : en absence de spécialistes en rudologie comment pouvoir opter sur une stratégie nationale en donnant la priorité à l'enfouissement tout en sachant que les données des études ne sont pas fiables car ne reposant sur aucune méthode testée et avérée 5. Managérial : en absence d'acteurs réellement formé pour gérer les déchets comment peut-on parler de stratégie, ce n'est pas une formation de quelques jours qui permettrait de régler le problème des déchets en Algérie. Ce n'est qu'à travers la mise en place d'une filière prenant en charge les déchets de la cuisine, le tri sélectif, l'apport volontaire, la déchetterie, le recyclage, la bourse des déchets, la méthanisation, le compostage et enfin l'enfouissement. Mais comme on est rapide dans ce pays on saute les étapes et décidons d'enfouir. 6. Les possibilités de valorisation ignorées : Les emballages représentent une fraction majeure dans la composition des déchets. Ils sont estimés à environ 200.000 tonnes par an dont 95% d'emballages plastiques et 5% d'emballages métalliques. Un véritable gisement de matières premières non exploitées. Seulement 4000 tonnes sont récupérées annuellement alors que la production moyenne annuelle avoisine les 710 000 tonnes (métaux : 100 000 tonnes ; papier : 400 000 tonnes ; verre : 50 000 tonnes et plastique : 150 000 tonnes, 10 000 tonnes produits informatiques). 7. L'incohérence de la fiscalité : la taxe de collecte des déchets reste relativement insignifiante face aux charges réelles engagées dans la gestion des déchets alors qu'elle découle du concept de pollueur-payeur institué par la loi de 2001. Elle est comprise entre 500 et 1000 D.A soit entre 5 et 10 Euros par habitation et par an. Alors que le coût moyen de revient de la tonne de déchets totalement prise en charge (de la collecte à la mise en décharge) dans la ville de Sidi Bel Abbes en 2002 est estimé à 1060 DA la tonne pour l'APC et 1250 DA pour une entreprise privée. A titre de comparaison, le coût en France varie selon l'importance des villes entre 2800 et 4500 DA la tonne, dans la ville d'Agadir au Maroc il est de 1450 DA la tonne. Les 1000 DA de taxe annuelle reste assez éloignés du coût de revient réel puisqu'il est évalué à 5000 DA la tonne de la collecte à l'élimination en 2005 sans compter sa gestion pendant un siècle au niveau des CET. 8. Des options d'enfouissement inadaptées à la typologie de nos déchets : Il est anormal qu'avec une telle composition de déchets, le choix de leur gestion soit l'enfouissement dans des décharges contrôlées. Pour gérer les gisements de déchets estimés annuellement à plus de 8 millions de tonne, la politique adoptée depuis 2001 repose essentiellement sur l'instauration de schémas directeurs débouchant sur la mise en place de 80 centres d'enfouissement techniques avec une évolution devant atteindre une centaine. Avec un volume de 13 millions de mètre cube par an il faut mobiliser au moins une superficie annuelle de 250 hectares. A ce rythme les CET grignoteront tous les 10 ans 2500 ha, superficie difficile à trouver au regard de la situation du foncier à proximité des agglomérations. 9. Que deviendront ces CET dans 10 ans ? Des bombes à retardement vu la qualité dans la réalisation (puisque leur conception ressemble à des bassins de stockage d'eau pour l'agriculture) qu'il faut gérer en prenant en considération tous les dangers et les risques environnementaux et de santé induit par la percolation, les fuites de lixiviats et surtout l'impact sur le paysage. La gestion des CET dans les conditions actuelles puisqu'ils reçoivent toutes sortes de déchets (industriels compris) doit durer plus d'un siècle, ils deviennent des installations classées auxquelles il faut appliquer la réglementation. Bonjour les dégâts !! POIDS ECONOMIQUE ET ECOLOGIQUE DE L'ENFOUISSEMENT Pour remédier à cette situation, une stratégie nationale de gestion des déchets a été mise en œuvre en lançant des chantiers de réalisation d'une centaine de centres d'enfouissement technique (CET) de classe 1, de 102 décharges contrôlées et de 2 centres de traitement des déchets industriels (traitement physico-chimique), la réhabilitation de 14 décharges et les prévisions donnent un nombre de CET de classe 2 de plus de 300 pour une prise en charge de seulement 75% des déchets ménagers. Bilan très mitigé et axé essentiellement sur l'enterrement des déchets avec tous les risques et les coûts que cela engendrera. En faisant un bilan éloigné des statistiques politiciennes et neutre : la stratégie nationale en matière de gestion et d'élimination des déchets a échoué sur tous les plans. Pour preuve il n'y a qu'à analyser les fais divers dans nos quotidiens pour se rendre compte que la problématique des déchets est encore présente et avec acuité ; plus que par le passé au regard de l'état d'insalubrité de nos villes et villages. QUELLE STRATEGIE ADOPTER ? Une politique d'enfouir à plus de 75% ne semble pas être la solution la plus adéquate au vu des caractéristiques des déchets ménagers en Algérie. Avec une composition très approximative de 50-60 % de matière organiques, 8-10 % de papier, 3-5% de plastiques, 2-4 % de métaux ; l'option valorisation aurait du primer sur l'enfouissement. En plus ces déchets sont également caractérisés par un taux d'humidité élevé (plus de 60%), une densité et entre 0.27 et 0.39, un pouvoir calorifique entre 900 à 1100 kcal/kg et un rapport C/N de 20 à 35. Toutes ces caractéristiques physicochimiques ne sont que des atouts socioéconomiques et écologiques appréciables à concrétiser à travers une politique de valorisation. METTRE EN PLACE UN SCHEMA DE COHERENCE « RUDOLOGIQUE » AXE SUR LA RECUPERATION En Algérie, la gestion des déchets solides urbains reste très peu développée d'un point de vue technique et organisationnel. L'absence de tri à la source favorise le tout à la décharge. Les déchets d'emballage notamment le papier et carton et plastique, représentent une fraction importante des déchets solides urbains (entre 20% et 30%), soit plus de 1,2 million de tonnes de plastique et presque autant de papier et carton. Durant ces cinq dernières années, certaines entreprises opèrent dans le recyclage du papier, du plastique et de certains métaux, mais qui restent insuffisant puisque la quantité récoltée ne représente que moins de 10%. Selon la projection du MATE, à l'horizon 2022, 50% des déchets de papier & carton seront récupérés, soit environ: 450 000 Tonnes ; des prévisions peu encourageantes vu l'importance du gisement qui est d'ailleurs très mal connu en absence d'études sérieuses. QUE FAIRE ALORS ? Les déchets restent la première source de pollution en Algérie d'autant plus que toutes les activités humaines productrices de richesses sont génératrices de déchets de diverses classes ; tous ont un impact négatif sur le milieu et sur les êtres vivants. En dépit de la politique engagée dans le domaine, des études réalisées, des équipements acquis, des CET construits, des formations et des budgets alloués ; les résultats restent encore très critiquables et nettement carencés. En Algérie la situation de la gestion des déchets n'est pas brillante malgré la promulgation de la loi n° 01-19 du 12 décembre 2001 relative à la gestion au contrôle et a l'élimination des déchets, des différents décrets et de ses appendices comme le PROGDEM (Programme de Gestion des Déchets Ménagers), l'Eco-Jem (Gestion de l'emballage) et AND (Agence Nationale des Déchets). Il faut se rendre compte que la réglementation seule ne suffit pas en absence de vision technique et organisationnelle de base puisant ses axes sur le retour d'expérience à travers le monde et des particularités du citoyen et des agglomérations algériennes. Seule une stratégie et une vision ethno-écologico-économique à moyen et long terme en dehors de toute visée politique politicienne mettra fin à ce calvaire. Sur les 10 millions de tonnes, d'après les études faites et les chiffres retenus par le ministère mais qui doivent être corrigées par région et par bassin démographique, les possibilités de récupération peuvent être estimées avec une marge d'erreur acceptable de l'ordre de 10% sont : 50 % de matière organiques, 8 % de papier, 3 % de plastiques, 2 % de métaux. 4 % verre La mise en place d'un tri sur seulement deux catégories de déchets (matière organique et le reste) à travers le développement de deux filières de récupération : celle des déchets ménagers organiques et celle des matières recyclables (papier, verre et plastique). Une politique d'encouragement financière (suppression de la taxe et prime au poids) permettra de développer le tri à la source et le lancement de la valorisation. Avec le tri sélectif binaire il est possible de récupérer 3 millions de tonne soit 50% du tonnage global avec des répercussions socioéconomiques (création de 10 000 emplois directs et 5 000 indirects) et une estimation financière de 15 milliards de DA. La mise en place d'une stratégie de valorisation durable des déchets ménagers exige un plan d'action et des actions de soutient comme : La mise en place de coopérative de gestion des quartiers s'impose et constitue le premier maillon de la gestion durable des déchets domestiques La mise en place par quartier d'un point de collecte qu'il faut trouver et localiser avec toutes les mesures sanitaires La mise en place d'un système de collecte basé sur l'apport volontaire et non le porte à porte pratiqué actuellement à plus de 75% Généraliser les déchetteries de récupération et fixer la bourse des déchets avec une publicité auprès des écoles en instituant des primes à la collecte La réalisation d'opérations ciblées dans des quartiers préalablement sensibilisés à travers les comités de quartiers acceptant le concept de quartier durable Doter les ménages intéressés par le tri sélectif de conteneurs adaptés aux trois catégories de déchets : organique, papier et les autres). Taxer fortement l'enlèvement au porte à porte quand le tri est refusé afin de pénaliser les habitants récalcitrants Instituer une prime au tri à travers l'installation de déchetteries et une bourse des déchets : prix au kilogramme des différentes catégories de déchets ménagers et assimilés Encourager l'apport volontaire par la mise en place de déchetterie DE LA NECESSITE DE RECUPERER ET RECYCLER Ce concept datant des années 1920 s'impose en Algérie puisqu'il est dicté par un souci environnemental d'abord et surtout socio-économique. Les possibilités de récupération de déchets recyclables existent et peuvent être scindées en trois classes : Les déchets s'apprêtant au compostage Les déchets récupérables et recyclables Les déchets inertes à réutiliser après traitement en remblais Une estimation globale de ces quantités récupérables sont estimées approximativement à 5 millions de tonnes par an soit l'équivalent de plus de 10 milliards de DA (situation de 2010). Moyennant une stratégie d'encouragement à la récupération utile, il est possible de réduire le tonnage de déchets ménagers de 40% au moins. L'impact tant socio-économique qu'environnemental serait appréciable puisqu'il diminuerait le tonnage à transporter et à enfouir si une stratégie est mise en place diminuerait le tonnage de plus de 40% à travers une opération de compostage. Le résultat est sans commentaire puisque seuls32 millions de tonnes seraient mises en décharges et n'exigeraient que 100 ha au lieu des 250 ha avec la politique actuelle. * Professeur à l'Université de Mascara - Laboratoire Géo-Environnement Université de Mascara |
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