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Les rentiers cherchent à
limiter la portée de l'analyse économique pour se rendre invisibles.
Tous les manuels d'économie exclus toutes discussions sur la réforme fiscale et d'autres contrôles ou réglementations concernant la façon dont la rente économique a été obtenue par les droits et privilèges de propriété, par la monopolisation et la corruption politique (accès gratuit par la caste des organisations de l'Etat aux assiettes foncières d'Oran et d'Alger, les rétro-commissions des contrats publics nationaux et internationaux). Les néolibéraux rejettent aujourd'hui fallacieusement et sans aucun argument le contenu théorique de l'école classique. Veblen s'est opposé farouchement à la confusion néoclassique de la rente et des intérêts avec les profits («earnings») pour trois raisons principales : - Les néolibéraux veulent toujours exclure la dimension politique de l'économie classique pour mettre en place «le laisser faire» du marché. La doctrine du «laisser faire» ne laisse aucun rôle à l'Etat, car l'Etat est le seul pouvoir capable de réglementer et de taxer la rente foncière et d'empêcher le secteur financier de se transformer en oligarchie. Le choix de l'option du ?'libre marché'' bloque toute réglementation et des réformes publiques visant à aligner les prix sur les coûts en éliminant les rentes afin de rendre les économies plus efficaces. -La logique pro-rentière de l'économie néoclassique néolibérale utilise un raisonnement circulaire intemporel, désystémisé et décontextualisé de la réalité du monde pour justifier le statu quo comme étant naturel et en équilibre. Selon la théorie marginaliste néoclassique du bien-être ou de la préférence, chaque bénéficiaire de revenus est rémunéré pour une contribution à la production (qui n'en est pas une), cela implique que la répartition actuelle de la propriété et le mode de financement soient optimaux (équilibre Wallrassien du marché joint à l'optimum économique de Pareto). Il ne semble donc pas nécessaire de procéder à une réforme ou une réglementation, ni socialiste ni protectionniste. -Refuser de penser la rente économique comme l'excédent du prix du marché sur la valeur du coût, conduit à un amalgame de la terre avec le capital, du loyer avec les intérêts. La terre est traitée comme un «facteur de production», et non comme un droit de monopole indépendant de la production, un privilège permettant de mettre en place un «péage économique» pour extraire une rente. Il faut convenir que les revenus des rentiers sont injustes et inutiles car ils ne sont pas basés sur l'universalité des coûts techniques de production. Les systèmes bancaires et fiscaux ne sont pas une fatalité, ne sont pas universels mais déterminés par l'histoire de chaque économie et des intérêts mis en puissance. Les privilèges du rentier d'extraction de la rente sont capitalisés sans tenir compte du coût en travail nécessaire sur lequel les économistes classiques s'étaient concentrés pour isoler la composante du «repas gratuit» c'est-à-dire du prix non réductible au travail. Nos fiscalistes savent brillamment poser les règles de calcul et collecter les datas statistiques, mais ont peur d'aller jusqu'au bout (faute de parapluie et de volonté politique) pour resserrer l'étau sur les spéculateurs des constructions immobilières, les revendeurs clandestins des voitures dont le nombre est estimé, en Algérie, entre 5000 et 16000 (une niche fiscale de 2,5 à 5 milliards de $, dérobée à l'Etat) et d'autres activités d'extraction de rentes qui sont de juteuses niches fiscales (ex : l'extraction de la rente des eaux de source, la confiscation du biopolitique, de la vie). Ces extractions de rente sont rentrées en symbiose avec les banques, sachant par exemple que le crédit hypothécaire des banques en Algérie absorbe la totalité de la rente foncière. C'est là ou se situent le nœud gordien et la totale aberration, que les frais de financement sont intégrés dans le prix d'acquisition de la propriété, mais ils ne sont pas intrinsèques à la production et n'ont pas de contrepartie dans la logique industrielle de l'économie. Et là nous notons la critique acerbe de Veblen, mettant en lumière le rôle prédateur des affairistes, des hommes d'affaires et de la haute finance : «Il y a une distinction fondamentale entre la productivité de ?l'industrie' dirigés par des ingénieurs qualifiés, qui fabriquent des biens réellement utiles, et le parasitisme des ?'affaires'', qui n'existe que pour faire des profits pour une classe de loisirs qui se livre à une ?'consommation ostentatoire''. La seule contribution économique de la classe des loisirs est le ?'gaspillage économique'', des activités qui contribuent négativement à la productivité. L'économie américaine est rendue inefficace et corrompue par des hommes d'affaires qui se sont sournoisement mis dans la position d'être indispensables dans la société.» (Thorstein Veblen). Une autre grande tragédie qu'il faut pointer du doigt, le système néolibérale néoclassique a enrégimenté, enrôlé, corrompu et a rendu employables à sa cause, les cadres et les économistes. Cette employabilité et soumission sont dues à leur totale méconnaissance et défaut d'apprentissage du mode opératoire du calcul de la rente qui constitue l'un des principaux freins à la nécessité de réformer les pratiques et les institutions de l'économie. Les écoles de commerce et les business schools dans leurs programmes brossent un tableau irréaliste de l'économie, enseignent des techniques financières qui éludent systématiquement le calcul de la rente. Veblen clame en profondeur, l'employabilité, l'embrigadement et «l'incapacité éduquée» des économistes et des cadres ?'organiques'' enrobés par une incapacité, acquise ou apprise, de comprendre ou même percevoir un problème, et encore moins une solution, parce qu'ils avaient été formatés, décérébrés et transformés en factotums des intérêts des rentiers. Sous la pression des hommes d'affaires et de leurs pairs employés, les experts titrés docteurs honoris causa seront enclins à accepter des explications qui s'écartent des concepts fondamentaux et invariants de l'école économique classique. Les ingénieurs, les sociologues les cadres en général, formatés par les enseignements de l'école classique néolibérale, ont développé une ?'incapacité éduquée'' à comprendre certaines questions qu'elles auraient pu comprendre si elles n'avaient pas eu cette formation. Le capitalisme industriel par l'exploitation des travailleurs salariés a accumulé du capital dans le cadre du processus de production, a été plus productif que le capitalisme rentier, bien qu'il soit aussi cruel envers la classe ouvrière urbaine contrainte de travailler pour gagner sa vie. Au bout d'un certain temps, les industriels ont constaté que l'augmentation de la productivité du travail (afin de créer plus de valeur ajoutée) exige une augmentation des salaires et du niveau de vie pour fournir une éducation supérieure, une meilleure santé et une meilleure alimentation ? et à un moment donné plus de loisirs. L'innovation technologique aidant, a vu naître une main-d'œuvre bien rémunérée peu à peu substituée à la main- d'œuvre pauvre, le tout conjugué à l'essor des marchés intérieurs et extérieurs à mesure que la main-d'œuvre salariée rejoignait les rangs de la classe moyenne. Bien avant Veblen, Marx était plus optimiste sur le fait que les impératifs du capitalisme allaient industrialiser les banques pour financer la production industrielle. Personne à son époque ne s'attendait à ce que le secteur financier monte une contre-révolution contre les réformes de l'ère progressiste. L'intérêt des banques au début du XXe siècle semblait reposer sur l'industrie et non sur la rente ou le commerce informel et l'immobilier (Marx n'a pu prévoir ce glissement vers une économie de casinos, c'est-à-dire la financiarisation de l'économie). La combinaison de subventions publiques et du crédit largement productif, ont contribué à l'augmentation de la productivité et empêché les propriétaires, les banquiers et les monopoles de prélever de lourds frais de rente. Pour cette période, il semblait, selon la théorie matérialiste dialectique marxiste, que le destin du capitalisme allait évoluer vers le socialisme. Le capital industriel a soutenu cette politique comme un moyen de transférer autant de coûts «externes» que possible sur le secteur public. Dans ses écrits Claude Henri Saint-Simon (le premier des socialistes industrialistes) espérait que les banques financeraient l'investissement en capital davantage par des prises de participation que part des prêts à intérêt (remarquez l'analogie avec la finance islamique). A ses débuts le programme économique du capitalisme industriel éclairé consistait à taxer la rente et à développer l'infrastructure de base, y compris les services bancaires, en tant que services publics, et à fournir ses services au prix coûtant ou à des tarifs subventionnés (par exemple des routes gratuites plutôt que des routes à péage). La démocratie économique promettait de libérer la société de la spéculation foncière et immobilière, de la privatisation des ressources naturelles (notamment les carrières minières, les ressources thermales en majorité privatisées en Algérie etc.?) et du monopole (le sucre, l'huile, le verre etc.?). A ce titre, les travaux de Bertrand de Jouvenel sur la démocratie ?'totalitaire'' (l'éthique de la redistribution, édit. les belles lettres 1951, Paris) décrivent la démocratie néolibérale comme une fausse démocratie dont se vantent les Américains et les Occidentaux, car totalement inféodée au capital, induisant une mascarade et une crise de la représentation causant une défection du (le) politique (et non (la) politique) par les populations, aisément vérifiable de nos jours, au vu du très faible taux de participation aux élections (moins de 40%) (Voir aussi les travaux d'Ernesto Laclau et Chantal Mouffe Hégémonie et Stratégie Socialiste, vers une radicalisation de la démocratie, édit. Pluriel, 1985). La guerre et les tiraillements inter-impérialistes (La Grande- Bretagne et la France contre l'Allemagne) ont détourné les pays occidentaux de ce chemin. Les impôts sur la terre, les ressources naturelles et le secteur financier ont été supprimés. Le travail est victime d'une exploitation fiscale par un impôt régressif sur le revenu (à sa création en 1913, l'impôt sur le revenu ne touchait que les riches, pas les salariés), et par des taxes sur la consommation telles que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en Europe, à mesure que les impôts sont transférés de la propriété au travail. La propriété s'est démocratisée ? grâce à un crédit déductible d'impôt, et une imposition sur les plus values à des taux inférieurs à ceux des salaires et des bénéfices, si tant qu'elles le soient. Ainsi les 0,1% (selon les chiffres d'OXFAM 2021) ont réussi à contre attaquer et à endetter les 99% les plus pauvres, notamment grâce à la dette hypothécaire et à l'effacement des impôts sur la propriété et la richesse financière. Au lieu que les investissements industriels et les dépenses publiques stimulent l'expansion économique, la stratégie du capital financier international consiste à trouver des emprunteurs appâtés des perspectives d'achat de postes de ?'péages'' permettant d'extraire une rente. Le résultat final en est l'austérité, car les entreprises et les Etats s'endettent lourdement. Les pressions exercées par la dette incitent les Etats à privatiser les services publics, ce qui permet à une nouvelle catégorie de rentiers prêteurs de faire des gains en gonflant le coût de la vie en faisant des affaires. Le microcrédit pensé et initié à l'origine par Muhamed Yunus pour permettre l'accès au crédit des plus pauvres dans les pays du Sud, mais avec le recul, il a été constaté que ces prêts ont plongé la plupart de leurs bénéficiaires dans le surendettement, l'idée de Yunus aussi noble qu'elle soit a été dévoyée et le microcrédit s'est financiarisé, et détourné entre autres par les banques et les usuriers faute d'institutions étatiques pour prendre le relais. Pourquoi ? Parce que les prêts bancaires ne sont pas le résultat d'une épargne accumulée grâce à la dynamique du capitalisme industriel. Le crédit bancaire moderne est créé sur des claviers informatiques. Contrairement à l'industrie qui emploie de la main-d'œuvre, ce crédit électronique ne supporte presque aucun coût de production. Il s'agit d'un «prix sans valeur», vide, tel que défini par les économistes classiques, et qui est extractif plutôt que productif. Il est prêté contre des garanties d'actifs déjà existantes, et non pour créer de nouveaux moyens de production. Le néolibéralisme actuel a ajouté à l'exploitation du travail salarié, son endettement par des prêts hypothécaires, des prêts automobiles, des découverts bancaires et autres dettes bancaires. Les salariés sont exploités aussi bien en tant qu'épargnants que comme débiteurs, avec leurs maigres économies confiées aux gestionnaires financiers. Le prétexte est que cela transforme le travailleur en capitaliste miniature (l'idée était de Muhammed Yunus). Mais la dynamique depuis la crise de surproduction des années 1970, appartient au capitalisme financier pas au capitalisme industriel. De l'Etat fiscal (fonction distributive) 1945-1975, à l'Etat débiteur emprunteur (1975-2008) et en final à l'Etat d'austérité (2008-2022) avec comme conséquence le rétrécissement des marchés entraînant des défauts de paiement sur les prêts. La crise qui en résulte a été l'occasion d'imposer encore plus de privatisation du domaine public sur des crédits subventionnés par l'impôt. Ni Marx ni Veblen n'imaginaient que le capitalisme prendrait un chemin aussi autodestructeur et désastreux. Contrairement aux attentes de Veblen, l'industrie a été financiarisée et la planification a été centralisée à Wall Street New York, à la City de Londres, à la Bourse de Paris et à Francfort plutôt que dans les mains du secteur public ou des ingénieurs industriels. Les marchés boursiers et obligataires, et même le marché hypothécaires, ont été transformés en casinos et jeux du hasard, le levier de l'endettement devenant le nouveau moyen impérialiste de s'approprier la propriété et les pays, en utilisant des obligations à haut risque et toxiques comme arme de choix. Ces créanciers doivent rendre des comptes ou leurs sous-fifres politiques seront-ils une fois de plus sacrifiés ? Que se passera-t-il quand les gens se réveilleront de la tromperie de cette classe possédante financière ? Les possibilités d'extraction de rentes et de gains en capital ne sont imposées qu'à la moitié du taux de bénéfices, ou même pas du tout. Les ingénieurs industriels ont été remplacés par les ingénieurs financiers en tant que planificateurs économiques. Ce ne sont plus les Etats qui dirigent, mais les banques centrales ? et à travers elles les experts financiers qui travaillent en leur sein et qui sont dotés d'un pouvoir quasi absolu. Paul Samuelson, en énonçant son célèbre théorème de l'égalisation du prix des facteurs de production - qui stipule que, dans le cadre du libre-échange, les salaires et les profits tendent à s'égaliser dans l'économie mondiale, ce qui fût démenti sur toutes les coutures par les chiffres d'OXFAM? dans son célèbre ouvrage «Economics» publié en 1932, Samuelson enseignait et avouait que la science économique est purement abstraite et déductive - précisément ce que Veblen attaquait deux décennies auparavant. Pourquoi s'efforcer d'être logiquement cohérent si les hypothèses de travail et les axiomes sont erronés au départ ? Il est demandé au public d'envisager l'économie comme un univers dans lequel la monnaie est soit dépensée pour acheter la production des biens et services courant, soit épargnée, mais non créée à un usage rentier sous forme de crédits destinés à acheter ou à parier sur l'immobilier, les actions et les obligations. Dans ce conte de fée, il n'y a pas de bulle financière, de fraude hypothécaire indésirable ou de délit d'initié, et par conséquent aucun besoin d'assouplissement quantitatif (quantitative easing). On laisse croire aux étudiants que le niveau des dettes ne tend pas à dépasser celui des moyens de paiement et que toute perturbation de l'équilibre économique sera compensée par des réponses automatiques que par des mesures extérieures à l'économie de marché. La théorique économique néoclassique est une science factice et frauduleuse faisant croire que toutes les dettes peuvent être payées sans perturber les taux de change ou transférer de vastes pans d'actifs aux créanciers. Dernier mensonge, c'est de nous laisser croire que l'offre de monnaie conduira les taux d'intérêt à un niveau permettant de maintenir la croissance des créances de l'économie conformément à la capacité de payer tout en élargissant l'accession à la propriété. Le résultat de ce «jeu économique», comme l'a dit Veblen, n'est pas un investissement en capital dans de nouvelles usines et de nouveaux équipements pour produire des profits en employant du travail, mais des gains spéculatifs «en capital» sur les prix des actifs déjà existants. Ce serait une erreur de considérer le capitalisme financier contemporain comme la «dernière étape» du capitalisme industriel. Le capitalisme financier c'est un nouveau mode d'exploitation qui n'est autre qu'un nouvel asservissement néocolonial par la dette. La déflation par la dette impose austérité économique et chômage et la mise en esclavage de l'humanité entière entre les mains des khazars de Wall Steet NYC et de la City de Londres. (Nota : la déflation par la dette est un concept créé par Irving Fisher en 1933, il montre comment un processus de désendettement des ménages et des entreprises, qui fait suite à une phase d'euphorie durant laquelle la dette privée a gonflé, peut provoquer une baisse généralisé du niveau des prix). La classe financière utilise l'épidémie du Covid 19, le catastrophisme de la mascarade écologique de l'apocalyptique «réchauffement climatique» et la guerre en Ukraine, pour s'imposer par la dette et la déflation comme des opportunités à saisir pour s'emparer d'autres propriétés et devenir la nouvelle élite destinée à régner sur le long le XXIe siècle. A suivre *Docteur en physique - DEA en économie et sciences du management |
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