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FAF - De Raouraoua à Zetchi: Instabilité au sein de l'EN et absence d'une stratégie de formation

par Kamel Mohamed

Le limogeage de Madjer de l'équipe nationale risque une nouvelle fois de détourner le débat sur cette équipe, mais aussi sur le football algérien de manière générale. Il est vrai que le passage de Madjer a été calamiteux et a fait perdre un temps précieux à l'équipe nationale dans la mesure où celle-ci a régressé. Toutefois, il est faux d'accabler Madjer qui a hérité d'une situation difficile à laquelle il ne pouvait pas faire grand chose en raison de son manque d'expérience en tant qu'entraîneur.

En vérité, l'EN souffre de l'absence d'une réelle stratégie et ce, depuis l'époque de l'ancien président de la FAF Mohamed Raouraoua. Obnubilé par le résultat, il avait opté pour la politique du tout-professionnel pour engager des binationaux formés dans l'école française. En parallèle, il avait laminé les joueurs locaux qu'il accusait de ne pas jouir d'un niveau technique leur permettant d'évoluer dans le haut niveau.

Le constat de Raouraoua est juste, mais il s'était contenté de recruter des binationaux, et non remédier à la situation en faisant l'impasse sur la formation en Algérie. Il avait même décidé de fermer les académies de la FAF, lancées au temps de l'ancien président Hamid Haddadj.

Ces académies avaient donné leurs fruits dans la mesure où elles avaient permis à l'Algérie à l'équipe nationale de football de participer aux Jeux Olympiques de Rio de Janeiro en 2016. Raouraoua a oublié que les premiers jalons de l'équipe qui avait participé aux deux phases finales du Mondial en 2010 et 2014 ont été mis par des joueurs locaux et un staff technique local. C'est Saâdane qui avait formé l'équipe qualifiée au Mondial 2010 en Afrique du Sud avec une sélection composée de joueurs locaux et professionnels. Au lieu de fructifier la participation au Mondial sud-africain, Raouraoua avait misé sur le tout-professionnel, engageant exclusivement des joueurs évoluant à l'étranger et un staff technique étranger. Même l'équipe nationale disputait ses matches amicaux à l'étranger. Raouraoua avait réussi dans sa mission, à savoir obtenir des résultats immédiats mais sans lendemain, ce qui avait permis à l'équipe de décrocher sa seconde qualification consécutive au Mondial. Cela avait permis aussi à la FAF de s'enrichir et l'argent coulait à flots.

Les joueurs étaient gâtés, surtout après la qualification historique au deuxième tour lors du Mondial brésilien en 2014. Encore une fois, Raouraoua, qui était obsédé par le résultat immédiat, avait vite fait de pousser le sélectionneur de l'époque, Vahid Hallilhodzic, au départ pour le remplacer par un technicien, Christian Gourcuff, qui était venu faire son apprentissage dans une sélection. C'est à partir de la rupture intervenue après le Mondial et en l'absence d'une politique de formation et d'une stratégie à même de former des joueurs locaux pour l'équipe nationale que la cassure avait commencé.

Gourcuff avait cassé la discipline instaurée par son prédécesseur en gâtant certains joueurs au détriment d'autres. Une politique qui avait brisé l'esprit du groupe, créant des antagonismes entre joueurs. C'est à partir de là que la gestion du groupe avait commencé à échapper à Raouraoua, lequel avait tenté de rétablir la discipline quand il avait engagé le Serbe Milovan Rajevak. Les joueurs gâtés par Raouraoua s'étaient alors rebellés contre lui, pour avoir poussé Gourcuff au départ, et contre Rajevac qui voulait réhabiliter la discipline au sein du groupe. Cette situation d'instabilité avait précipité le départ de Raouraoua, lequel a été remplacé par un président inexpérimenté. Khereddine Zetchi avait commis l'erreur d'engager l'Espagnol Lucas Alcaraz avant que Rabah Madjer ne lui soit imposé. Entre 2014 et 2018 l'équipe nationale a connu cinq entraîneurs, Gourcuff (2014 - 2016), Rajevac (Juin 2016 - Octobre 2016), Georges Leekens (Octobre 2016 - Janvier 2017), Lucas Alcaraz (Avril 2017 - Octobre 2017) et Madjer (Octobre 2017 - Juin 2018). Un 6ème entraîneur étranger sera désigné prochainement pour que la sélection nationale batte le record d'instabilité.

Cela confirme que la FAF risque de répéter les mêmes erreurs. Elle aurait pu mettre en place une stratégie de formation avec l'objectif suprême de former dès à présent des joueurs pour la sélection nationale A.

Du côté de la FAF, on continue de croire que les entraîneurs étrangers ont une baguette magique alors que la réussite n'a pas de secret. Il suffit de se remettre au travail et d'adopter une stratégie sur le moyen et le long terme.