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Les États-Unis sont-ils encore crédibles ?

par Aziz Huq*

CHICAGO - La guerre commerciale mondiale déclarée par Donald Trump le 2 avril est entrée dans une nouvelle phase : la conclusion d'accords.

Un nouveau protocole d'accord avec le Royaume-Uni énonce un certain nombre de « propositions initiales » susceptibles d'évoluer vers un « accord de libre-échange ». Dans une publication en ligne intitulée « l'art du deal », la Maison-Blanche a indiqué suspendre durant 90 jours les droits de douane qu'elle avait unilatéralement imposés à la Chine, et annoncé la fin des « représailles » chinoises. D'après l'administration américaine, des négociations sont en cours avec plusieurs « dizaines » d'autres pays.

Ces différents « deals » suggèrent une capacité et une volonté des États-Unis de conclure de nouveaux accords commerciaux contraignants avec d'autres pays. Seulement voilà, peut-on encore accorder de la crédibilité aux engagements américains ?

Un pays tel que les États-Unis prend habituellement des engagements internationaux contraignants par le biais de textes législatifs ou de traités conclus et ratifiés par les deux gouvernements concernés. Si l'un des deux camps peut se retirer sans prévenir d'une loi ou d'un traité, alors l'engagement perd toute crédibilité. Or, comme le démontrent ses propres agissements, Trump ne se considère pas lié par la loi ou les traités, et personne dans le système juridique américain n'est déterminé ou capable de le contraindre à s'y conformer dans les délais convenus et de manière effective.

Concentrons-nous tout d'abord sur les lois. Depuis le XVIIIe siècle, le Congrès délègue à l'exécutif certains pouvoirs consciencieusement déterminés en matière de commerce. Si les présidents George Washington, John Adams et Thomas Jefferson ont décrété des embargos maritimes, ils l'ont tous fait en vertu d'autorisations clairement définies. Dans la délégation de tels pouvoirs commerciaux, le Congrès impose par ailleurs certaines limites. Ainsi, à la lecture des textes de loi, les partenaires commerciaux des États-Unis savent en temps normal à quoi s'attendre de la part de la Maison-Blanche.

L'administration Trump vient court-circuiter ces limites légales, en contournant sans scrupule les textes qui servent généralement de référence pour les questions commerciales, tels que la loi de 1962 sur l'expansion du commerce. Ces textes législatifs imposent certaines obligations exigeantes, qui prévoient qu'un temps soit consacré à la conduite d'enquêtes ainsi qu'à la formulation de conclusions, avant que ne puissent être appliqués des droits de douane. Or, impatiente de réaliser un coup d'éclat politique, l'administration Trump s'est fondée sur une loi de 1977, relative aux pouvoirs économiques d'urgence, pour tenter de justifier ses droits de douane « réciproques ».

Comme de nombreux autres observateurs et moi-même l'avons souligné, cette loi de 1977 n'autorise tout simplement pas les droits de douane du type de ceux qui ont été instaurés le 2 avril. Ainsi, les droits de douane imposés au Royaume-Uni et à la Chine étant contraires à la loi dès leur conception, comment les négociateurs commerciaux de la Maison-Blanche pourraient-ils prétendre de manière crédible être liés par quelque loi fédérale que ce soit ?

Quid du droit international ? En la matière, ce sont les traités qui constituent la norme de référence. Or, ici encore, Trump démontre un refus de se conformer aux règles. En 2018, sa première administration a insisté pour renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain, puis le Congrès a ratifié en 2020 l'accord États-Unis-Mexique-Canada qui en a résulté, ce qui n'a pas empêché Trump de l'abandonner unilatéralement, et d'imposer cette année des droits de douane généralisés de 25 % aux deux pays partenaires de cet accord.

Le président américain est allé jusqu'à déclarer que le traité frontalier de 1908 entre le Canada et les États-Unis créait une « ligne artificielle », qui n'avait « aucun sens ». Ainsi, ni les lois américaines ni les traités ne garantissent le moindre engagement crédible de la part des États-Unis en matière de politique commerciale.

Une ambiguïté de longue date du droit américain vient compliquer la situation : dans quelle mesure les accords internationaux sont-ils censés être contraignants ? Dans la conception dominante du droit constitutionnel américain, Trump peut se retirer des traités sans en avertir les partenaires internationaux ou le Congrès. C'est ce qu'illustre notamment la décision prise en 1978 par le président Jimmy Carter et consistant à mettre fin au traité de défense mutuelle conclu en 1954 entre les États-Unis et Taïwan. Les sénateurs américains, menés par Barry Goldwater, avaient tenté à l'époque de contester cette décision de Carter devant les tribunaux - en vain. La Cour suprême avait en effet rejeté leur demande pour des motifs procéduraux.

Ce problème de crédibilité des engagements américains serait atténué s'il existait dans le système juridique des États-Unis d'autres acteurs capables de faire contrepoids au président le cas échéant. Le Congrès n'agit malheureusement pas. Les parlementaires républicains éprouvent une telle peur de se retrouver en difficulté lors des élections primaires de leur parti qu'ils n'opposent aucune résistance à Trump, même lorsqu'ils sont confrontés à des candidats manifestement peu qualifiés pour occuper des postes de haut niveau au sein de l'exécutif.

Certains espèrent que les tribunaux exerceront un contrôle sur l'administration. Cette semaine, le tribunal de commerce international des États-Unis de Manhattan a entendu les arguments de la toute première contestation juridique des droits de douane. Je ne suis toutefois pas optimiste dans cette affaire. Même si les juges décident d'agir, la procédure judiciaire sera si longue que Trump aura quasiment toute liberté d'imposer des droits de douane contraires aux lois. Son administration s'est déjà montrée disposée à ignorer les décisions de justice dans d'autres affaires, et ses arguments juridiques pour agir ainsi auraient encore plus de poids dans le domaine des affaires étrangères.

En résumé, aucun autre État ne devrait tenir pour acquis le caractère contraignant et durable des « accords » négociés par Trump. Le reste du monde doit garder à l'esprit l'expérience des cabinets juridiques qui ont conclu des accords avec Trump, et qui ont constaté que le président considérait ces accords non pas comme des certitudes, mais comme des textes malléables à l'infini. Trump n'hésitera pas à revenir sur ses décisions et à imposer de nouvelles conditions comme bon lui semblera.

Bien entendu, certains dirigeants politiquement vulnérables, tels que le Premier ministre britannique Keir Starmer, s'accrocheront sans doute à des accords pour obtenir une brève accalmie en matière de commerce. Ce qu'ils penseront avoir obtenu n'en demeurera pas moins illusoire. Les outils qu'emploie Trump pour mener sa guerre commerciale rendent la paix beaucoup plus difficile à atteindre.



*Professeur de droit à l'Université de Chicago, est l'auteur de l'ouvrage intitulé The Collapse of Constitutional Remedies (Oxford University Press, 2021).