Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Il était une fois la Coupe du monde- Allemagne 1974 : l'édition des monstres sacrés

par Adjal Lahouari

Si la finale a mis aux prises les deux meilleures équipes, les amoureux du beau jeu ont déploré la métamorphose de celui qui incarnait le mieux cette philosophie, le Brésil. Or, Zagalo, pourtant ancien attaquant a renié les principes qui ont fait des Brésiliens les « Tricampéao ». Pelé et ses glorieux coéquipiers n'étant plus là, la voie est libre pour Zagalo d'imiter le mauvais côté du football européen en instaurant le physique, la prudence et les contres. Qualifiés au second tour de justesse (au goal-average), face à la Yougoslavie en match d'ouverture les Brésiliens ont confirmé leurs nouvelles dispositions tactiques, avec un troisième défenseur central, Piazza, officiellement milieu, et deux attaquants seulement, Jairzinho et Valdomiro. Le Brésil, surclassé par les Pays-Bas, sera éliminé au second tour. L'Italie fera pire avec une piteuse troisième place dans son groupe, derrière l'Argentine et la Pologne. Justement la Pologne, qui fut l'une des révélations avec les Deyna, Lato, Gadocha, Kasperzak et le gardien Tomaszewski, a été récompensée par la troisième place en battant le Brésil en match de classement. Il serait injuste de ne pas citer la RDA (Allemagne de l'Est) qui a battu la grande RFA lors du premier tour avant de passer à la trappe dans la seconde phase, barrée par la Hollande. Il ne faudrait pas oublier la belle équipe de Yougoslavie, première de son groupe avec un football offensif, bien dans la tradition de ce pays exportateur de grands joueurs. Les Katalinski, Acimovic, Petkovic, Bajevic, Surjak et Djazic ont rivalisé avec les meilleurs et dont les Zaïrois s'en souviendront longtemps (9-0). Par ailleurs, on attendait mieux de l'Argentine qui disposait de joueurs de grand talent tels Perfumo, Brindisi, Ayala, Housman, Tarentini, Yazalde et un certain Kempès qui fera parler de lui quatre ans plus tard. Pays de joueurs doués, l'Argentine a été - et est toujours malheureusement - victime d'un étonnant « décalage ». Brillants en clubs, les joueurs argentins ne parviennent pas à briller en équipe nationale, et ce ne sont pas, à titre d'exemple, les Messi, Aguero, Higuain, Di Maria, Dybala, Icardi et Otamendi qui diront le contraire. Bien avant le coup d'envoi de la Coupe du monde 1974, est apparu aux Pays-Bas le « football total » dont le meilleur exécutant n'est autre que l'Ajax Amsterdam, qui a enlevé les coupes d'Europe des clubs en 1971, 1972 et 1973. Quant à l'équipe nationale de Hollande, c'était l'Ajax renforcé par quelques joueurs d'autres clubs et qui se sont fort bien adaptés à ce système inédit et spectaculaire. Sous la conduite de leurs capitaines Cryuff et Beckenbauer, les deux équipes (Pays-Bas et Allemagne) ont honoré le football par une prestation exceptionnelle suivie par le monde entier. C'était une belle opposition entre deux méthodes. Le « Hollandais volant » par ses fulgurances et ses inspirations, l'Allemand par le rôle qu'elle a joué, redonnant au poste de libéro ses vraies lettres de noblesse. Exit l'engagement physique et la rudesse, place au placement intelligent, à la récupération adéquate et à la relance précise. L'Allemagne a gagné un autre titre, tandis que la Hollande a gagné l'estime des puristes. Il n'y a qu'un seul trophée et il n'y a qu'un seul vainqueur. Ce fut l'Allemagne.

La fiche

Finale : RFA 2 Pays-Bas 1

Attaque : Pologne : 16 buts

Défense : Pays-Bas 3 buts

Buteurs : Lato (Pologne) 7 buts



Echos



Elimination



Dans le groupe 3 des éliminatoires zone Europe, la Belgique n'a pu se qualifier en dépit d'un parcours presque parfait avec quatre victoires, deux nuls (face à la Hollande) et aucune défaite. Explication : avec un parcours similaire, les Pays-Bas avaient un meilleur goal-average, 24-2 contre 12-0 pour les Belges.



Prime



Afin de motiver les joueurs de l'équipe nationale, la fédération des Pays-Bas a promis une grosse prime aux joueurs. Ce qui fut fait. On imagine que les promesses ont été encore plus fortes au cours de cette édition, les coéquipiers de Cruyff n'échouant qu'en finale face à la RFA.



Connaisseur



Le fameux joueur brésilien Léonidas, qui s'était distingué lors de la Coupe du monde 1950 au Brésil, présent en Allemagne, a émis un avis pertinent : « je crois toujours aux qualités de nos joueurs, mais je me pose des questions sur l'efficacité de cette sélection ». Les résultats de l'équipe drivée par Zagalo lui ont donné raison.



Ossatures



Outre son penchant pour le jeu défensif, le sélectionneur Zagalo avait refusé de s'appuyer sur l'ossature du club Palmeiras, qui venait de gagner pour la seconde fois consécutive le championnat du Brésil. A l'inverse, le coach allemand Helmuth Sohen a bâti son équipe avec l'ossature du Bayern, récent vainqueur de la coupe d'Europe. Ils étaient six joueurs de ce club.



Domicile



En Allemagne de l'Ouest, c'est la première fois que la finale de la Coupe du monde ne se déroule pas dans la capitale du pays organisateur. A l'époque, c'était Bonn, mais c'est la ville de Munich qui a abrité la finale. Donc, les six joueurs du Bayern jouaient vraiment à domicile. Un tel contexte, ça compte.



1.143



C'est le nombre incroyable de minutes au cours desquelles le gardien italien Dino Zoff est resté invaincu. Ironie du sort, ce n'est pas une vedette d'une équipe majeure qui a mis fin à ce record, mais un joueur de la sélection de Haïti, Emmanuel Sanon. Malgré ce but, l'Italie avait remporté ce math, mais les Italiens se sont fait peur car c'était l'ouverture du score.





Algérie



Il y a lieu de rappeler que l'EN d'Algérie a vu sa route barrée par la Guinée. Si, à l'aller au stade du 20 Aout, les Algériens s'étaient imposés (1-0 but de Khalem) à Conakry, ils sont passés à côté de la plaque, encaissant cinq buts pour n'en rendre qu'un seul (Gamouh). Un seul changement au sein de l'effectif, Sellami à la place de Khalem, l'entraîneur étant Rachid Mekhloufi. Il est vrai, qu'en face, il y avait trois attaquants d'exception, Petit Sory, Soulaymane et Camara. C'était au mois de mars 1972.



Mobutu



Après la déroute face à la Yougoslavie (9-0), les Zaïrois avaient envisagé de faire leurs valises et de renter au pays. Il a fallu que le président Mobutu intervienne pour que les joueurs affrontent le Brésil. Or, pour ce dernier il n'y avait pas d'autre alternative qu'une victoire par à 3 à 0 car, dans le cas contraire, l'Ecosse se serait qualifiée. A cette époque, le forfait, c'était 2 à 0 seulement et l'élimination du Brésil assurée.



Patron



Après les sueurs froides du premier tour, il y a eu du changement, provoqué par Frantz Beckenbauer, qui est intervenu auprès de l'entraîneur pour éliminer Netzer, le brillant milieu offensif aux redoutables coups francs. Netzer n'aura que très peu joué. Et c'est Overath qui a été imposé par le véritable « patron » de l'équipe.



Légende



Pour le match RFA - RDA, des milliers d'Allemands de l'Est ont été autorisés à se rendre à Hambourg. Ils sont revenus chez eux très heureux puisque leur équipe avait battu le puissant voisin par un but signé Sparwasser. En bien meilleure condition physique, les joueurs de la RDA ont justifié leur belle série d'invincibilité. Quant au buteur Sparwasser, il est entré dans la légende.



Dopage



Au cours de cette édition, il n'a été révélé qu'un seul cas de dopage, concernant un joueur anonyme en départ mais qui ne le sera plus par la suite. Il s'agit de Jean Joseph qui, convaincu de dopage, a été renvoyé sur-le-champ. Cette affaire a beaucoup affaibli la sélection haïtienne, dont il était le meilleur défenseur.



Porte



C'est sur un petit aéroport près de Milan où a atterri la délégation italienne après son piteux parcours. En 1966, les joueurs avaient été reçus à coups de tomates et des œufs. Afin d éviter un tel traitement, les Azzuris ont quitté l'aéroport par une porte dérobée dénommée « porte des morts », celle qui sert à faire passer les cercueils transportés par voie aérienne. Ce qui n'a pas empêché les trois mille supporters de manifester dans l'aérogare.



Nouveau trophée



Dans ce temps là, la présidence de la FIFA était stable. Après le règne de l'Anglais Stanley Rous, ce fut celui du Brésilien Joao Havelange. La particularité, c'était le premier président non européen. La Coupe du monde étant devenue la propriété du Brésil après ses trois victoires, un nouveau trophée, dénommé Fifa Word Cup qui fut mis en jeu pesant cinq kilos d'or 18 carats.