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![]() ![]() ![]() ![]() Jeudi
dernier, la salle d'audience du tribunal criminel d'appel d'Oran a rassemblé
les protagonistes de la tentative de meurtre de la rue Marcel Cerdan pour un
procès en appel voulu aussi bien par la défense que par le ministère public.
10 coups de ciseaux Le vendredi 29 avril 2016, aux environs de 12h00, la rue Marcel Cerdan est secouée par la nouvelle d'une dispute qui a envoyé le jeune L. Mohamed Amine à l'hôpital, le corps transpercé par une dizaine de blessures provoquées par un instrument coupant. Selon les premiers éléments de l'enquête, l'auteur de cette agression est un certain D. Othmane, 20 ans, ouvrier dans une fabrique de chaussures appartenant à son père. Profondément épris de Zahira, ancienne employée de la manufacture et voisine de Mohamed Amine, le jeune homme n'aurait pas apprécié que celui-ci s'interpose entre lui et la «femme de ses rêves» : « Zahira et sa mère s'étaient plaintes à moi de ce garçon qui venait importuner la jeune fille, fiancée à un autre homme. Avant ce vendredi-là, je lui avais demandé de ne plus ennuyer Zahira et il s'en était allé. Mais ce jour-là, il a été pris d'une grosse colère, il s'est attaqué à moi et m'a donné plusieurs coups de ciseaux à la gorge, à la tête et au torse», racontera plus tard la victime qui passera près de deux mois à l'hôpital. Zahira : «J'étais fiancée à un autre» Le frère de Mohamed Amine, Halim -qui se trouvait dans un café avant d'être alerté par le jeune frère de Zahira- rapportera qu'en arrivant près de chez lui, il avait trouvé Othmane qui frappait avec les ciseaux : «Je lui ai retenu la main pendant que le père de Zahira lui arrachait l'arme. Ensuite, j'ai tiré mon frère vers moi et Othmane en a profité pour se glisser dans notre cuisine pour y mettre le feu». La mère de la victime confirmera les accusations de ses enfants en affirmant que D. Othmane avait d'abord frappé chez elle pour demander à voir Mohamed Amine : «Quand j'ai ouvert, il m'a lancé : ?où est-il, où est-il ?'. Après il est allé frapper à la maison de Zahira et j'ai entendu les cris de la jeune fille et de sa mère, j'ai vu qu'il tentait d'agresser Abdellah, le jeune frère de Zahira. C'est à ce moment-là que Mohamed Amine est sorti?». Zahira, elle, niera entretenir une quelconque relation avec Othmane qu'elle accusera de harcèlement : «Je suis fiancée à quelqu'un d'autre», dira-t-elle. Othmane : «On parlait de mariage» Quand il est interrogé, le suspect reconnaîtra avoir porté les coups à la victime mais jurera ne pas avoir eu l'intention de tuer. Il soutiendra que ce sont les deux frères qui l'avaient agressé et entraîné à l'intérieur de leur maison pour le battre : «J'avais une liaison avec Zahira et nous parlions même de mariage. Quand elle a arrêté de travailler dans l'usine de mon père, j'allais souvent la voir chez elle en présence de sa mère», relatera-t-il, niant avoir frappé à la porte de la maison voisine, celle de Mohamed Amine, ce vendredi-là. Il dira avoir été invité par la mère de Zahira pour un couscous : «Quand je suis arrivé, les deux frères sont sortis et m'ont agressé», déclarera-t-il. Les analyses sanguines pratiquées sur le suspect révèleront des traces de consommation d'alcool et de cannabis. Après instruction, Othmane sera inculpé de tentative de meurtre avec préméditation et incendie volontaire. Au cours d'un premier procès aux assises, il sera condamné à dix ans de réclusion criminelle pour tentative de meurtre. Devant le tribunal criminel d'appel, Othmane répètera qu'il avait une relation sérieuse avec Zahira, que le mariage était un sujet qu'ils avaient déjà abordé et que, le jour des faits, il avait été invité à déjeuner par la mère de Zahira : «Je suis allé directement chez elle et en frappant à leur porte, les deux frères sont sortis et m'ont agressé», soutiendra-t-il en réaffirmant qu'il n'était pas animé d'intentions meurtrières et que son «comportement violent» résultait de son état de santé : «Quelques temps, j'ai eu un accident de moto et j'ai été blessé à la tête. Depuis, je souffre de problèmes psychiques». Quant aux ciseaux, il dira qu'elles font partie d'un trousseau de travail que tous les ouvriers de la fabrique de chaussures possèdent. La culpabilité de l'accusé est établie, estime la partie civile Appelé à la barre, le plaignant, Mohamed Amine, a rappelé les événements du vendredi 29 avril en expliquant qu'il était sorti de chez lui en raison des cris de femmes : «J'ai trouvé ma mère, Zahira et sa mère qui hurlaient alors que l'accusé essayait de jeter Abdellah (15 ans, Ndr) contre un mur. J'ai intervenu pour l'arracher à ses mains et c'est là qu'il a commencé à me donner des coups de ciseaux», relate-t-il en montrant désignant son torse, sa gorge et l'arrière de sa tête : «A cause de ma longue hospitalisation (un mois et demi, Ndr), j'ai perdu mon travail». La mère et le frère comparaitront également pour redonner leur version des faits et réaffirmer que l'accusé avait également tenté de mettre le feu à leur cuisine. L'absence de Zahira et de sa mère, également partie civile dans ce procès, ont malheureusement privé le tribunal et l'opinion publique de témoignages capitaux dans une affaire qui, en son temps, a ébranlé le tout-Oran. Ce qui n'a pas empêché l'avocate du plaignant Mohamed Amine d'affirmer que la culpabilité de l'accusé ne faisait aucun doute : «Les 10 coups de couteaux témoignent de la détermination de l'accusé à tuer. Il ne peut pas venir aujourd'hui prétendre qu'il n'avait pas l'intention de donner la mort», déclarera-t-elle en substance en soutenant que sa responsabilité dans l'incendie volontaire était également engagée. Très succincte, la représentante du parquet se contentera de déclarer que les faits étaient avérés avant de requérir la peine maximale, soit la condamnation à mort. Il n'y a pas eu préméditation, affirme la défense Pour l'avocat de la défense, si la culpabilité de son client dans les coups et blessures volontaires ne fait aucun doute, il en est autrement pour la préméditation : «Il n'a pas frappé à la porte des voisins de Zahira, il n'avait aucune raison de le faire. Il avait été invité à déjeuner par la mère de la jeune femme -qu'il avait d'ailleurs l'habitude de visiter-, il est allé directement chez elles. Ce sont les deux frères et un troisième prénommé Fethi, qui l'ont agressé et entrainé de force chez eux», martèlera-t-il en indiquant que du sang ?celui de son client- avait été retrouvé dans la cuisine. Cuisine où il n'y avait, dira-t-il encore, aucune trace de feu : «Des expertises ont été effectuées, qui ont démontré qu'il n'y avait aucune trace d'incendie. En revanche, il y avait du sang qui appartenait à mon client», assènera-t-il en demandant au tribunal de croire l'accusé quand celui-ci affirme qu'il avait l'habitude de se rendre chez Zahira en présence de sa mère : «Ce qui est arrivé est un peu aussi de leur responsabilité». L'avocat évoquera également l'accident de moto et la blessure à la tête -qui ont eu des conséquences sur la santé mentale de Othmane: «Ce vendredi-là, il n'était pas dans son état normal et il ne portait pas les ciseaux pour donner la mort», dira-t-il en terminant par demander au tribunal d'acquitter son jeune client de l'accusation d'incendie volontaire, de ne pas retenir la préméditation et de lui accorder ses plus larges circonstances atténuantes. Au retour des délibérations, le tribunal criminel d'appel énoncera le même verdict prononcé en première instance : D. Othmane, 22 ans, sera condamné à dix ans de réclusion criminelle et 100 millions de centimes de dommages et intérêts au profit de la victime. |
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