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Après un pourvoi en cassation : l'affaire du trafic d'un demi-million de comprimés ?Rivotril' devant le tribunal d'appel

par M. Nadir

  Le tribunal criminel d'appel près la cour d'Oran a examiné, jeudi dernier, une affaire de trafic de psychotropes dans laquelle cinq inculpés avaient été condamnés en 2010 à 20 ans de réclusion criminelle pour des chefs d'accusation allant de la tentative d'exportation de produits psychotropes à la détention, transport et entreposage de produits stupéfiants en bande organisée. La défense avait introduit un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême et c'est ainsi qu'après plusieurs reports, le procès été réexaminé par le Tribunal criminel d'appel.

Allures d'un trafic de psychotropes

Les faits remontent à septembre 2008 lorsque, agissant sur information, les services de lutte contre les stupéfiants de Tlemcen ont mis la main sur un demi-million de comprimés psychotropes de marque ?Rivotril 2mg', entreposés dans un hangar de Maghnia, exploité par la société ?Maghni Pharm', dirigée par B.Ahmed et B. Fethi. Dans la foulée, plusieurs personnes sont interpellées et interrogées sur l'origine et la destination de cette importante quantité de psychotropes dont une partie, non emballée, se trouvait, en vrac, dans des sacs. Chacun des huit suspects arrêtés donnera sa propre explication sur ses liens, avérés ou supposés, avec ce qui avait, toutes les allures, d'un trafic de psychotropes, et sur ses rapports avec les autres personnes.

Au cours de leur enquête, les services de lutte contre les stupéfiants de la wilaya de Tlemcen établiront que les 503.000 comprimés de ?Rivotril' avaient été vendus par ?Pharma Center', une Sarl basée dans la wilaya de Blida, à « Maghni Pharm », société avec laquelle elle avait déjà effectué plusieurs transactions portant sur divers médicaments dont des produits psychotropes.

Tentative d'exportation vers le Maroc

Les enquêteurs établiront, également, que le jour de la saisie, le 20 septembre 2008, les suspects s'apprêtaient à vendre les substances psychotropes à des trafiquants marocains. Enfin, les services de lutte contre les stupéfiants arriveront à cette conclusion que les personnes arrêtées formaient une bande spécialisée dans l'exportation de produits psychotropes en direction du Maroc voisin et soumettront au magistrat instructeur un dossier allant dans ce sens. Magistrat qui, après instruction, décidera d'inculper les suspects et les 2 sociétés à responsabilité limitée, pour divers crimes, dont l'exportation de substances psychotropes, selon l'article 19 de la Loi 04-18 relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes, la détention, le transport et l'entreposage de produits stupéfiants en bande organisée, suivant l'article 17 (alinéa 3) de la même loi, la tentative criminelle, selon l'article 30 du code pénal. Le 3 février 2010, les accusés seront jugés et condamnés, par le Tribunal criminel, à 20 ans de réclusion criminelle.

Le parquet requiert la confirmation des peines

Jeudi dernier, au tribunal d'appel, les 5 accusés comparaîtront pour la 2ème fois, à la suite du pourvoi en cassation, pour tenter de convaincre la cour de leur innocence. A la barre, B. Mustapha, 43 ans, B. Mourad, 39 ans, A. Mohamed, 46 ans, H. Mustapha, 54 ans, et S. Mohamed Amine, 46 ans, clameront leur innocence et jureront n'avoir aucun lien avec un quelconque trafic de psychotropes. Certains reviendront sur des aveux «extorqués sous la torture par la police», d'autres nieront connaître leurs co-accusés avant leur arrestation en 2008, et d'autres encore dénonceront une arrestation et une détention arbitraires.

En l'absence des témoins (dont la représentante de Saïdal, fournisseur de Pharma Center, et de représentants des Douanes algériennes, qui auraient pu apporter un éclairage supplémentaire), le représentant du ministère public affirmera que les éléments rapportés par l'accusation établissent la culpabilité des accusés : «La quantité de psychotropes saisie est très importante et les faits sont extrêmement graves», dira-t-il en soutenant que les accusés font partie d'une bande spécialisée dans l'exportation de produits stupéfiants. Il requerra la peine à laquelle ils avaient été condamnés en première instance, soit 20 ans.

Pas de preuves tangibles, selon la défense

Dans leurs plaidoiries, tous les avocats de la défense demanderont l'acquittement, pur et simple, de leurs clients. Certains s'interrogeront sur la validité de l'inculpation pour possession de psychotropes alors qu'aucun comprimé n'a été trouvé chez leurs mandants alors que d'autres affirmeront que les éléments constituant la tentative d'exportation n'existent pas, aucune preuve tangible n'ayant été fournie par l'accusation. Affirmant que les 2 Sarl activaient en toute légalité (avec un registre de commerce et une carte client), un avocat s'interrogera : «Puisque l'accusation estime qu'il y a trafic de psychotropes, pourquoi Saïdal ne se trouve-t-elle pas aussi sur le banc des accusés ?». Bref, les avocats de la défense useront de tous les arguments pour démontrer qu'aucune preuve, étayant les charges retenues contre leurs clients, n'a été apportée par la défense, les accusés étant, par conséquent, détenus de manière arbitraire.

A l'issue des délibérations, le Tribunal criminel d'appel déclarera les accusés coupables des faits reprochés et les condamnera à des peines de 10 à 15 ans de réclusion criminelle. La peine de 10 ans couvrant presque la période passée en détention, 4 accusés seront bientôt libérés.