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«Between the idea and reality? falls the shadow», 2
T.S. Eliot, The Hollow Men, 1925 Le compte rendu des travaux de la dernière Conférence nationale des universités posté sur le site du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) informe, entre autre contenu, que «[p]our ce qui est des enseignants débutants, le ministre a indiqué que la 1ère année de recrutement serait consacrée à l'approfondissement de leurs connaissances autour du système LMD.»3 Pris dans son sens figuré, «approfondir» signifiant «pénétrer plus avant dans la connaissance de qqch.»4, il s'agirait donc lors de cette première année de son recrutement non d'instaurer quelque savoir nouveau mais d'aller plus avant dans un savoir chez une population qui sait déjà ; d'où cette indication non d'apprentissage mais d'approfondissement. Qu'en est-il vraiment de ces «connaissances autour du système LMD» ainsi admises comme déjà en place, et que cette formation post-recrutement aurait pour tâche d'approfondir ? C'est à cette question que tente de répondre la présente petite étude récente, aux prétentions modestes, menée auprès d'un échantillon aléatoire représentatif de deux cent soixante-quatorze (274) étudiants sur une population globale de trois cent cinquante-trois (353) étudiants -soit 77,62%- inscrits en 3ème et dernière année de licence au Département des lettres et langue anglaise, faculté des lettres et langues, université des Frères Mentouri de Constantine. L'étude s'intéresse à identifier ce que ces étudiants savent, au terme de leur passage en licence, de certains éléments du système LMD qui interviennent directement dans leur scolarité. Elle part de l'idée qu'une telle connaissance n'attendrait pas, pour s'élaborer, les derniers cycles de formation que sont le ?M' et le ?D' du système, mais le ferait surtout -ou ne le ferait pas-, sinon durant la première année de séjour à l'université5, du moins tout au long du cycle ?L' de licence : la massification de l'admission en master semble en effet ne pas trop plaider en faveur de l'idée d'un changement qualitatif véritable dans la population estudiantine qui y accède, et de là, de la naissance chez elle d'un intérêt nouveau pour ce qui ne l'aura pas intéressé, ?connaissances autour du système LMD' inclus le cas échéant, durant son passage en licence ; les paradigmes ayant présidé au séjour de cette population en ?L' continuant vraisemblablement largement à sévir pendant son séjour en ?M'. En d'autres termes, ce qui n'a pas montré de bourgeons en cycle de licence n'a que très peu de chance d'éclore dans le cycle suivant. Quant aux ?D', fines fleurs du système sélection aidant, trop pris dans leur recherche, couperet du délai de dépôt de leur mémoire intimant, force est de pencher vers la probabilité qu'ils n'auront que très peu de temps à investir dans l'acquisition supplémentaire d'un savoir sur un LMD dans lequel ils auront de toute manière jusque-là prospéré, le cas échéant sans même avoir à en connaître les fondamentaux, si ce savoir n'était déjà là. D'où l'idée du cycle de licence comme étape charnière pour l'acquisition d'un seuil minimum de ces ?connaissances autour du système LMD' éventuellement à ?approfondir'. 1. Des unités d'enseignement Le LMD, comme le souligne le MESRS sur son site expliquant la réforme6, s'articule autour de l'idée clef des ?unités d'enseignement' : regroupées en semestres d'études, peut-on y lire, ces dernières organisent les cursus dans chacun des cycles du LMD et composent les semestres qui organisent les enseignements supérieurs. Autre caractéristique qui peut influer directement sur la scolarité des étudiants et en fait un élément essentiel de la réforme, ces unités d'enseignement «possède[nt] la qualité d'être capitalisable[s] et transférable[s] permettant ainsi l'ouverture de passerelles entre plusieurs cursus de formation et induisant une mobilité des étudiants.»7 La première question de la présente étude tombait donc, semblait-il, sous le sens : que savaient les étudiants de 3ème année de licence en lettres et langue anglaise de la faculté des lettres et langues de l'université des Frères Mentouri de Constantine, des unités d'enseignement qui fondaient leur année d'étude ? Savaient-ils pour commencer au moins de combien d'unités d'enseignement se composait le cursus de l'année d'étude qu'ils avaient entamé depuis un semestre ? Voici comment ils ont répondu. (Tableau 01) Ainsi, pour étonnant que cela puisse paraître, seuls quatre-vingt-dix-neuf (99) étudiants sur les deux cent soixante-quatorze (274) de l'enquête, soit juste 36,13%, répondent qu'ils savent de combien d'unités d'enseignement le cursus qu'ils suivent depuis plus d'un semestre se compose. Les autres, cent soixante-quinze (175) entre ceux qui répondent ne pas savoir et ceux qui sont incertains quant à ce qu'ils savent, soit 63,86%, naviguent, du moins pour ce qui est des unités d'enseignement, pour ainsi dire à vue depuis le début de leur année, sinon le début de leur scolarité universitaire. Un autre tri, quand il est demandé aux participants à l'étude d'énoncer les intitulés de ces unités, ajoute à la préoccupation créée par leurs réponses à cette première question. C'est que les unités d'enseignement n'ont, dans le système LMD, pas la même valeur, et qu'elles influent donc différemment sur l'évaluation des étudiants, subdivisées qu'elles sont, selon les termes mêmes qu'utilise le MESRS sur son site, en «unité d'enseignement fondamentales ou majeurs (sic) ; de découvertes ou mineurs (sic) et transversales».8 Aucun participant ne semble en mesure d'énoncer ces intitulés. Les seuls proposés, quand ils le sont, sont des bribes d'intitulés, pour certaines fantaisistes, telle cette unité ?décorative', vraisemblablement pour unité de ?découverte', ou encore cette unité ? ?orientale', pour on se demande bien quoi ! Même quand sont assimilées à de ?bonnes' réponses celles qui, en l'absence d'intitulés, font état de regroupement de matières sous ce qui sont en fait des unités mêmes si ces unités ne sont pas nommément identifiées, cette relative ?largesse' dans l'appréciation de la qualité des réponses des participants à l'enquête donne les résultats suivants :(Tableau 02) En d'autres termes que leurs réponses soient erronées ou qu'ils n'en aient pas, deux cent soixante-neuf (269) étudiants sur les deux cent soixante-quatorze (274) interrogés, soit 98,17% de la population de l'enquête, sont dans l'incapacité de citer les intitulés des unités d'enseignement qui composent leur cursus, ou de proposer un regroupement des matières qu'ils étudient en ce qui, de fait, constitue des unités d'enseignement. Lorsqu'elles sont recoupées avec les réponses à la première question, les réponses à la question des intitulés se subdivisent comme suit : seulement quatre (04) ?bonnes' réponses émanent d'entre les quatre-vingt-dix-neuf (99) étudiants qui y avaient répondu par l'affirmative, soit 04,04%. Les quatre-vingt-quinze (95) restants d'entre ces ?oui', soit 95,95%, émettent des réponses erronées. Une (01) ?bonne' réponse est à mettre au compte des ?incertains', soit 02,43%, contre quatorze (14) réponses erronées, soit 34,14%. D'entre les cent trente-trois (133) étudiants qui disaient ne pas savoir de combien d'unités d'enseignement se composait leur cursus, deux (02), soit 01,50%, ont aventuré des réponses, erronées par ailleurs, quant aux intitulés de ces unités dont ils écrivaient ne pas connaître le nombre. Enfin, d'entre la totalité des acteurs de ces réponses, seize (16), soit 05,94%, ont ce qui pourrait être décrit avec bienveillance comme une vague idée de la notion d'unités d'enseignement, en cela qu'ils font mention de ce ?vocable' même si de manière grossièrement incomplète sinon totalement erronée dans leurs réponses. Parmi eux, sept (07) ont répondu de manière affirmative à la première question, et neuf (09) ont dit être incertains quant à leur connaissance. Restent alors deux cent cinquante-trois (253) étudiants sur les deux cent soixante-quatorze (274) de la population de l'enquête, soit 92,33%, pour qui la notion d'unité d'enseignement est, sur l'évidence de leurs réponses, totalement étrangère, soit qu'ils admettent n'en avoir aucune idée -pour cent cinquante-huit (158) d'entre eux, soit 62,45%-, soit que leurs réponses dénotent de quelque importante confusion -pour les quatre-vingt-quinze (95) étudiants restant, soit 37,54%. Pour ces derniers, la confusion autour de la notion d'unité d'enseignement prend les formes suivantes : (Tableau 03) Quatre-vingt-deux (82) des quatre-vingt-sept (87) étudiants qui confondent unités d'enseignement et matières, et deux (02) des quatre (04) étudiants qui confondent unités d'enseignement et anciennes options offertes en 3ème années de licence ont, peut être faut-il le souligner, répondu de manière affirmative à la première question. Comment alors expliquer le caractère massif de ces confusions, surtout celle entre ?unités d'enseignement' et ?matières', chez une population qui étudie pourtant dans le système LMD depuis son accession à l'université, qui n'a jamais rien connu d'autre en matière d'enseignement supérieur, et qui s'apprête, du moins pour une partie d'entre elle, à quitter l'université au terme de la présente année universitaire ; ce qu'elle fera vraisemblablement sans jamais avoir eu la moindre idée du contenu du système de formation qui a présidé à son destin ? Peut-être est-ce au moins en partie parce que, dans la réalité, la scolarité des étudiants continue à être nourri à l'idée des ?matières', visibles elles, face au manque de visibilité et à un impact plutôt relatif des ?unités d'enseignement'. Cette visibilité commence au tout début du parcours des étudiants avec l'affichage d'emplois du temps qui font état des modules, donc des ?matières', et ignorent superbement toute référence aux ?unités d'enseignement' alors que les deux pourraient apparaître ensemble, participant ainsi à induire à force de répétition sur une même affiche la curiosité estudiantine autour de cette ?idée neuve' du regroupement de plusieurs matières sous un même ?chapeau', une même unité. Quant au caractère relatif de l'impact des ?unités d'enseignement' sur le devenir réel des étudiants, il n'est, dans un système qui officiellement affirme leur pouvoir ?capitalisable et transférable', qu'à se référer par exemple à la réponse à la question 38.46.49 «Capitalisation de la matière ou capitalisation de l'unité d'enseignement ?» dans la Foire Aux Questions (F.A.Q) du MESRS sur le LMD qui lit : « La quasi-totalité des établissements appliqu[ent] sur le terrain la capitalisation des matières [?] L'application de la capitalisation des unités définitivement acquises seulement aurait des conséquences dramatiques sur le taux de réussite (le taux d'échec peut augmenter de 30 à 50% selon certaines filières.)»9 D'autres questions dans cette même F.A.Q., telles les questions 23, 37, 38, et 50, dénotent par ailleurs de la confusion qu'a fait -et continue de faire ?- naître, jusque chez des gestionnaires pourtant rompus au système LMD, cette notion d'unités d'enseignement. Qu'attendre alors des étudiants ! 2. Des coefficients et des crédits Les coefficients, les étudiants connaissent. Au moins depuis le baccalauréat. Ils se seraient donc possiblement accommodés de toute question afférente pour peu qu'elle ait été reliée à ce qu'ils connaissent aussi dans leur scolarité, c'est-à-dire aux ?matières' et non aux ?unités d'enseignement'. Mais voilà ! Les unités d'enseignement, informe le MESRS expliquant la réforme, sont dotées de coefficients qui sont égaux à la somme des coefficients des matières qui les composent. La notion de ?crédit' ajoute quant à elle à son tour à la confusion : tout comme les ?unités d'enseignement', les crédits sont en effet un autre élément nouveau de la réforme. Le texte sur le LMD posté par le MESRS sur son site informe ainsi que les crédits remplacent les années d'études dans la mesure des enseignements et de la formation reçus par les étudiants. Ils sont, écrit ce texte, «l'unité de compte qui permet de mesurer le travail de l'étudiant pendant le semestre (cours, TD, TP, stage, mémoire, travail personnel?) [et sont] capitalisables et transférables d'un parcours à un autre»10 ; caractéristique essentielle qu'ils partagent ainsi avec les unités d'enseignement. Enfin, continue d'expliquer sur son site le MESRS, comme pour son coefficient, le crédit d'une unité d'enseignement est égal à la somme des crédits des matières qui la composent. Ces crédits sont d'un nombre de 180 pour la licence ou le ?L' du LMD ; 60 pour chacune des trois années d'études. Nouvelles inconnues donc qui, additionnées à la confusion induite par la méconnaissance de la notion d'unité d'enseignement, risquent de se répercuter sur l'information que les étudiants de l'enquête ont des coefficients et des crédits qui se rattachent à chacune des unités d'enseignement de leur cursus, objet des deux items suivants du questionnaire qui leur a été distribué. A la question s'ils savaient de combien de coefficients et de crédits étaient dotées les unités d'enseignement de leur cursus, voilà comment ils ont répondu : (Tableau 04) Ainsi, entre ceux qui disent ne pas savoir, quatre-vingt-seize (96), et ceux qui sont incertains quant à ce qu'ils savent, quatre-vingt-quatorze (94), cent quatre-vingt-dix (190) étudiants sur une population de deux cent soixante-quatorze (274), soit 69,34%, ne sont pas vraiment à l'aise quant à cet aspect du LMD qui devrait concerner plutôt directement leur scolarité. Quand il s'est agit d'identifier les coefficients, tous ceux qui ont répondu à la question précédente par la négative, soit quatre-vingt-seize (96) étudiants n'ont aventuré aucune réponse. Les réponses des incertains se sont subdivisées quant à elles entre celles qui dénotent encore une fois d'une confusion entre unités d'enseignement et matières, celles qui font référence à certaines unités d'enseignement, pas toutes, et se trompent dans leurs coefficients, celles qui proposent des non-sens, et enfin celles qui s'abstiennent de toute réponse. La confusion entre ?unités d'enseignement' et ?matières' chez les incertains donne à son tour des réponses pour les coefficients de matières, justes pour certaines, erronées pour d'autres. Un résumé chiffré de ces réponses est proposé dans le tableau synoptique suivant : (Tableau 05) Enfin, les réponses des quatre-vingt-quatre (84) étudiants que l'on aurait crus plus à l'aise suite à leur affirmation quant à leur connaissance des coefficients attachés à chacune de leurs ?unités d'enseignement' dénotent surtout de la même confusion entre unités d'enseignement et matières. Ces réponses se subdivisent comme suit : (Tableau 06) A suivre *Professeur au département des lettres et langue anglaise, faculté des lettres et langues, université des Frères Mentouri de Constantine. Notes : (Tableaux : voir version PDF) 1- J'emprunte l'idée de ce titre à la comédie dramatique américaine de Susan Seidelman Looking for Susan desperately, 1985. 2- «Entre l'idée et la réalité? tombe l'ombre». Notre traduction. 3- Cf. https://www.mesrs.dz/-le-pr-hadjar-preside-les-travaux-de-la-conference-nationale-des-universites?redi. 4- Dictionnaire Hachette, Hachette Livre 2007, Paris, p.82. 5- Cf. À cet effet L. Kouloughli, Être étudiant en première année de licence?, in Le Quotidien d'Oran, 16 mars 2014, pp. 10 & 11. 6- Cf. https://www.mesrs.ds/la-reforme. 7- Ibid. 8- Cf. Le système LMD, organisation de l'offre de formation, in https://www.mesrs.dz/le-système-lmd. 9- https://www.mesrs.dz/faq-lmd?p_p_id=110_INS. Cette remarque reste d'actualité même si la dernière mise à jour de ce site date du 25.01.2013. 10- Cf. https://www.mesrs.ds/le-systeme-lmd, Op. cit. |
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