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La géothermie est le meilleur choix énergétique de l'Afrique
par Mugwe Manga NAIROBI -
L'Afrique est en quête d'un accès universel à l'énergie et d'une
industrialisation verte, mais elle a encore du mal à fournir une électricité de
base fiable. Les coupures et les pénuries d'électricité coûtent à l'économie
nigériane environ 26 milliards de dollars par an, et l'Éthiopie et l'Ouganda
sont régulièrement confrontés à des pannes d'électricité car les sécheresses
réduisent l'énergie hydroélectrique. Les entreprises nigérianes, par exemple,
dépensent chaque année environ 22 milliards de dollars en carburant hors
réseau. Il existe toutefois une technologie d'énergie renouvelable qui pourrait
contribuer grandement à répondre à la demande africaine : la géothermie.
La plupart des énergies renouvelables sont inconstantes. L'énergie solaire, l'énergie éolienne et l'énergie hydraulique ne peuvent être produites que dans certaines conditions météorologiques, ce qui signifie que des interruptions sont toujours possibles. En Afrique, où les opérateurs de réseaux manquent de ressources et où les infrastructures sont fragiles, de tels chocs peuvent être paralysants. L'énergie géothermique évite ces problèmes en exploitant la chaleur interne naturelle de la Terre. La vapeur emprisonnée dans les formations rocheuses du sous-sol est libérée et utilisée pour actionner des turbines afin de produire de l'électricité. La désintégration radioactive produisant une chaleur extrême constante dans ces réservoirs, l'énergie géothermique peut toujours être produite, ce qui en fait un candidat idéal pour assurer une alimentation électrique fiable. L'énergie géothermique présente toutefois quelques inconvénients. Le forage en profondeur et l'installation de l'équipement nécessaire pour produire de l'énergie est un processus lent et couteux, qui ne peut commencer qu'après une phase d'exploration onéreuse, impliquant des études géologiques approfondies. La production d'énergie géothermique comporte également certains risques pour l'environnement, et les réservoirs géothermiques ne se trouvent qu'à certains endroits, par exemple à proximité des limites des plaques tectoniques. Les avantages l'emportent cependant largement sur les coûts. Une fois l'investissement initial réalisé, les centrales géothermiques fournissent de l'électricité à faible coût pendant des décennies. À une échelle suffisamment grande, la géothermie peut assurer la stabilité de la charge de base, ce qui signifie que les autres énergies renouvelables, comme l'éolien et le solaire, peuvent être exploitées au maximum de leur potentiel sans perturber le réseau. À mesure que les progrès en matière de forage directionnel, d'analyse de données et d'applications d'IA réduisent les coûts et améliorent les taux de réussite, la géothermie deviendra encore plus attrayante. Si la géothermie n'est pas une solution partout, elle peut fonctionner pour l'Afrique, d'autant plus que les techniques de production s'améliorent. Les entreprises pétrolières et gazières, sous pression pour s'orienter vers des énergies plus propres, appliquent leur expertise aux projets géothermiques. Les systèmes géothermiques améliorés, par exemple, appliquent des techniques de forage pétrolier et gazier pour accéder à des roches plus chaudes à de plus grandes profondeurs. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que l'Afrique abrite près d'un cinquième du potentiel mondial des systèmes géothermiques améliorés, soit environ 115 térawatts. L'exploitation de ne serait-ce que 1 % de ce potentiel pourrait, d'ici à 2050, répondre à la totalité de la demande d'électricité de l'Afrique. Le Kenya est à l'avant-garde de la production géothermique. Sa première centrale géothermique, Olkaria I, a commencé à fonctionner en 1981 et a actuellement une capacité de 45 mégawatts. La capacité géothermique installée totale du Kenya s'élève à 985 MW, ce qui place le pays au sixième rang mondial. La géothermie représente aujourd'hui 47 % de la production totale d'électricité du Kenya, ce qui en fait la plus grande source d'énergie renouvelable dans un réseau qui est vert à 93 %. L'adoption de la géothermie par le Kenya a contribué à une expansion rapide de l'accès à l'énergie. En 2013, seuls 37 % des Kényans avaient l'électricité ; aujourd'hui, cette proportion est passée à 76-80 %. Et il y a encore beaucoup de progrès à faire, car le Kenya a jusqu'à présent exploité moins d'un dixième de son potentiel géothermique. KenGen, la compagnie d'électricité soutenue par l'État, prévoit d'atteindre une capacité installée d'un gigawatt d'ici à 2026 et de placer le Kenya parmi les trois premiers producteurs géothermiques mondiaux d'ici à 2030. Les avantages des systèmes géothermiques vont toutefois bien au-delà de la production d'électricité. Tout d'abord, les réservoirs géothermiques peuvent être utilisés pour des applications de chauffage direct dans des secteurs tels que l'horticulture, l'aquaculture et la transformation des aliments, qui nécessitent tous des sources de chaleur stables. Au Kenya, les fermes florales d'Oserian acheminent de la vapeur géothermique dans les serres, ce qui permet d'obtenir des fleurs régulières et de grande qualité. Il est essentiel de noter que ces applications ne nécessitent pas l'accès aux réservoirs géothermiques ultra-chauds situés dans les profondeurs du sous-sol ; des réservoirs à température modérée, plus abondants et accessibles, suffisent. En outre, les saumures géothermiques, un sous-produit de la production d'électricité géothermique, contiennent souvent de fortes concentrations de minéraux critiques, notamment du lithium (essentiel pour les batteries) et des éléments de terres rares (utilisés dans de nombreux appareils électroniques). En extrayant et en exportant ces minéraux de grande valeur, les pays africains pourraient tirer un profit encore plus grand de la transition verte. L'énergie géothermique peut également constituer un puissant moteur d'intégration économique en Afrique. D'ores et déjà, les «pools énergétiques» régionaux, qui coordonnent la production et la transmission d'électricité par-delà les frontières, jettent les bases d'une plus grande cohésion sur le marché fragmenté de l'énergie en Afrique. L'adoption d'une énergie géothermique stable et largement disponible pourrait accélérer ce processus, soutenant ainsi la vision de l'Union africaine d'un marché unique de l'électricité en Afrique. Rien de tout cela ne sera facile, notamment parce que la géothermie ne bénéficie pas d'un soutien politique fort. Alors que l'exploration et l'installation de l'énergie géothermique est un processus de longue haleine, nécessitant un financement important et tolérant au risque, les barrages et les fermes solaires attirent facilement l'argent des donateurs et les gros titres des médias, offrant le genre de victoires rapides dont les politiciens ont soif. Si l'on adopte une vision à plus long terme, le potentiel de la géothermie est cependant indéniable. En ancrant les réseaux, la géothermie peut favoriser l'utilisation d'autres énergies renouvelables. En fournissant de la chaleur, elle peut faciliter la décarbonisation des industries, de l'agroalimentaire au textile. En produisant des minerais, elle peut élever l'Afrique dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Enfin, en soutenant les échanges transfrontaliers d'énergie, elle peut accélérer la mise en place d'un marché africain intégré de l'électricité, ce qui est essentiel pour améliorer l'accès à l'énergie, sa fiabilité et son caractère abordable sur tout le continent. *Conseiller principal en finance verte à la FSD Kenya, membre du conseil d'administration - Et cofondateur de la société d'énergie géothermique Olsuswa Energy Limited, et auteur de The Energy Future of Africa : A Journey Through Africa's Green Revolution and How It Can Change the World (Footprints Press Limited, 2022). |
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