|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Le Maroc est en
passe de devenir un acteur de premier plan dans l'industrie automobile. Pendant
ce temps, l'Algérie continue de faire de beaux discours sur la stratégie
industrielle.
Le Maroc a remporté le jackpot. A la fin de la décennie en cours, ce pays se placera comme leader africain de l'automobile, doublant des pays qui semblaient mieux placés, comme l'Egypte, l'Algérie ou encore le Nigeria. Dans la foulée, le Maroc va se doter d'une base industrielle qui va confirmer une première phase de transformation de l'économie marocaine, et accélérer la prochaine étape. L'impact ne se limitera pas au développement d'un véritable tissu industriel. Il débouchera sur un bouleversement de l'économie du pays, avec un poids significatif de la production industrielle, une intégration de plus en plus poussée dans l'économie mondiale, et peut-être, à terme, l'émergence d'une « société industrielle » qui va générer de nouveaux comportements, une nouvelle culture et un nouveau pays. La démarche, pragmatique, a été construite pas à pas. Ce fut d'abord un projet que le Maroc a réussi à vendre à ses partenaires, en premier lieu la France. Dans cette aventure, le Maroc n'a pas négocié. Il a étudié les besoins de ses partenaires industriels, et il a fait une offre. Des terrains, des facilités, des avantages innombrables ont permis de séduire les grands groupes industriels. Dans le même temps, le Maroc avait anticipé pour transformer son système bancaire, son administration, sa législation et même ses acteurs politiques, pour les adapter à la nouvelle donne. Le résultat est là : tous les partis marocains sont favorables à l'évolution en cours. Le premier grand coup réussi a été celui de l'investissement de Renault à Tanger. Lancé en 2007, le projet a été inauguré en février 2012, pour produire 200.000 véhicules par an, avant de passer à 400.000 véhicules dans une seconde phase. La réussite du projet a incité Peugeot à lui emboîter le pas, pour s'engager dans un projet à Kenitra, près de Rabat. 200.000 véhicules y seront fabriqués chaque année. Bientôt Ford, mais aussi de grandes compagnies opérant dans d'autres secteurs, comme le chinois Huawei, promettent de débarquer. EFFICACITE Comment le Maroc a-t-il obtenu ce résultat ? Grâce à une action concertée, bien conçue et parfaitement organisée, menée sur tous les fronts. Tous les acteurs politiques, économiques et sociaux ont travaillé dans la même direction. Le roi du Maroc lui-même s'est transformé en ambassadeur de l'industrie marocaine en Afrique. Il a effectué plusieurs tournées, et mis en place un vaste réseau fait de banques, d'entreprises, et de représentations économiques. Le tout s'appuyait évidement sur une action diplomatique efficace et un lobbying très moderne. L'offensive était si bien menée que l'affront marocain à l'Afrique, à travers le refus d'abriter la phase finale de la Coupe d'Afrique des nations de football, a été rapidement oublié. Le Maroc le clame aujourd'hui haut et fort : il a mis en place une base industrielle pour exporter vers l'Afrique, et il compte réussir son pari. L'entreprise ne pouvait cependant réussir sans la contribution des partenaires français. Et c'est là que se situait le premier succès marocain : offrir aux entreprises françaises ce qu'elles cherchaient. L'industrie automobile étant devenue trop coûteuse en France, les constructeurs français cherchaient à délocaliser, pour aller à la conquête de nouveaux marchés avec des marges compétitives. Le Maroc s'est incrusté dans cette niche, discrètement, avec des objectifs précis. Il a convaincu les partenaires français de l'accompagner dans cette démarche. Il a réussi son pari. PATRIOTISME ECONOMIQUE Ces succès marocains renvoient inévitablement à la réflexion sur l'immense gâchis algérien. Car pendant qu'elles s'installaient au Maroc, les entreprises françaises, mais aussi américaines, chinoises, coréennes et autres, continuaient de distribuer des promesses en Algérie et d'offrir des gadgets de compensation. Ces grandes puissances économiques ont développé un discours rudimentaire sur l'Algérie, un discours fait sur mesure pour l'ego du président Bouteflika et du FLN, et répété à l'envi par le RND et la télévision algérienne. Un discours creux qui vante les mérites de l'Algérie, son expertise dans la lutte antiterroriste, sa situation stratégique qui en fait un acteur incontournable pour la préservation de la paix dans la région et pour le rétablissement de la sécurité et de la stabilité au Mali et en Libye. On vante même la liberté de sa presse, le dynamisme de sa société civile et son immense potentiel économique. Mais sur le front économique, rien. Les investissements étrangers, qui n'ont jamais connu de développement significatif, se sont effondrés. Le pays n'a acquis aucun savoir-faire dans la manière de négocier et d'attirer les investisseurs. Sa législation comme son climat des affaires sont hors du temps. La bureaucratie chargée de ces dossiers est si incompétente qu'elle n'arrive jamais à faire aboutir un dossier dans des conditions acceptables. Un maquis juridique et administratif, s'appuyant sur une corruption d'une ampleur insoupçonnée, a été mis en place, empêchant toute velléité d'avancer. Il y a eu même un discours sur le patriotisme économique, en vogue il y a quelques années, un discours qui a notamment servi à justifier la fameuse règle du 51/49. Mais aujourd'hui, les choses apparaissent pour ce qu'elles sont. Derrière ce discours creux campait une incompétence crasse, dont ont tiré profit les réseaux et lobbies pour continuer à aspirer la rente. Le patriotisme économique, lui, s'est installé à Tanger et Kenitra. |
|