|
![]() ![]() ![]() Les objectifs climatiques de l'Europe nécessitent un réseau électrique vert
par Emily Nixon* ![]() LONDRES
- L'Europe arrive à un moment charnière dans la lutte contre le changement
climatique. Les phénomènes météorologiques extrêmes devenant de plus en plus fréquents
à mesure que les températures continuent d'augmenter, la nécessité d'agir est
indéniable. L'année dernière a été la plus chaude jamais enregistrée, et la
première où le réchauffement climatique a dépassé (temporairement) le seuil de
1,5° Celsius établi par l'accord de Paris sur le climat.
En réponse, l'Union européenne a fixé des objectifs ambitieux en matière d'énergies renouvelables, afin de se sevrer des combustibles fossiles. Comme l'électrification est nécessaire pour remplacer le charbon, le pétrole et le gaz, elle constitue un pilier essentiel de la transition énergétique. Si des progrès considérables ont été accomplis dans l'augmentation de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l'UE, qui représentera près de la moitié de la production totale d'électricité en 2024, la demande d'électricité augmente également rapidement. L'adoption des véhicules électriques et l'électrification des systèmes de chauffage et de refroidissement dans les bâtiments entraînent une augmentation de la demande d'électricité. En outre, les centres de données en Europe consomment actuellement environ 3 % de l'approvisionnement en électricité, mais ce chiffre devrait presque doubler d'ici à 2030, en raison de l'augmentation de la demande en matière de traitement et de stockage des données. Rien qu'en Irlande, les centres de données consommeront 21 % de l'électricité totale mesurée dans le pays en 2023, dépassant ainsi les ménages urbains (18 %). Cette augmentation de la consommation a exercé une pression énorme sur le réseau irlandais, laissant présager des défis énergétiques similaires dans toute l'Europe. Pour atteindre les objectifs ambitieux de l'UE en matière d'énergie propre, il faut moderniser le réseau électrique vieillissant du continent, qui est mal équipé pour faire face à la croissance rapide de la demande. Le réseau électrique de l'Union européenne est le plus ancien du monde, avec une moyenne de 45 à 50 ans. La congestion du réseau - lorsqu'une surcharge empêche l'électricité d'atteindre le consommateur - entraîne déjà un gaspillage de l'énergie renouvelable, et des milliers de gigawatts de projets renouvelables restent bloqués dans des files d'attente de connexion. En l'absence d'améliorations significatives, les ambitions de l'Europe en matière de climat resteront hors de portée. Bien que l'UE ait mis en œuvre un plan d'action pour les réseaux électriques, il ne s'agit que d'une première étape. L'Union investit actuellement 33 milliards d'euros par an dans les réseaux de distribution d'électricité, mais les experts estiment que la modernisation et l'extension du réseau nécessiteront au moins 584 milliards d'euros d'ici à 2030. L'Europe doit donc doubler son investissement annuel pour le porter à 67 milliards d'euros dès cette année. Des fonds supplémentaires sont indispensables pour garantir que l'énergie renouvelable puisse être acheminée là où elle est le plus nécessaire et pour éviter les goulets d'étranglement qui freinent les projets d'électrification. Heureusement, l'Europe peut s'inspirer d'autres pays. En décembre, le Royaume-Uni a dévoilé un plan d'action pour une énergie propre qui vise à atteindre 100 % d'énergie propre d'ici à 2030, en débloquant 40 milliards de livres sterling (53 milliards de dollars) d'investissements annuels. Dans le cadre de cet effort, la société britannique National Grid s'est engagée à consacrer 35 milliards de livres au transport de l'électricité, dont 15 milliards pour augmenter la capacité du réseau. De même, l'année dernière, les États-Unis ont lancé l'initiative fédérale-étatique de déploiement d'un réseau moderne, qui se concentre sur les technologies de transmission avancées afin d'accroître la capacité du réseau. Comme le montrent ces initiatives, le problème est d'ordre politique et non technologique. En Europe, les processus d'autorisation et de planification des réseaux sont extrêmement lents. Le déploiement du réseau de transport peut prendre jusqu'à dix ans, même si la construction elle-même ne prend qu'un an ou deux. Et comme des estimations récentes indiquent que l'Europe devra doubler sa capacité d'interconnexion actuelle au cours des 10 à 15 prochaines années pour atteindre ses objectifs en matière de climat et d'énergie, l'accélération du processus d'autorisation est devenue une question de sécurité énergétique. Pour y remédier, les décideurs politiques devraient rationaliser les processus d'autorisation et adopter une approche coordonnée de la planification du réseau dans l'ensemble de l'UE. Il est essentiel de fixer des objectifs législatifs afin de donner de la visibilité aux investisseurs et d'éviter les goulets d'étranglement dans la chaîne d'approvisionnement. Un autre domaine clé à améliorer est l'optimisation et l'allocation du réseau. Les décideurs politiques de l'UE devraient donner la priorité aux demandes de connexion au réseau émanant des projets les plus mûrs, et proposer des orientations et des délais clairs aux gestionnaires de réseau. Le fait d'exiger des engagements financiers pour réserver la capacité de réseau allouée permettrait d'éviter la spéculation et de garantir un déploiement en temps voulu. Suivant l'exemple du Royaume-Uni, la Commission européenne devrait remplacer le modèle obsolète d'attribution du réseau «premier arrivé, premier servi» par une attribution équilibrée de la capacité. Au-delà des changements politiques et de l'augmentation du financement, l'Europe doit adopter l'innovation. Les solutions traditionnelles, comme l'évaluation dynamique des lignes (technologies d'optimisation de l'utilisation) et la construction de nouvelles lignes de transport, ne suffisent plus. L'avenir réside dans les technologies de réseaux «intelligents», comme les applications d'intelligence artificielle, qui peuvent aider à résoudre les problèmes de congestion, et dans le stockage d'énergie de longue durée (batteries) qui peut pallier l'intermittence des énergies renouvelables. L'IA pourrait également améliorer l'infrastructure de réseau existante, ce qui permettrait dans certains cas d'éviter des travaux de construction fastidieux. Mais pour libérer le potentiel de cette technologie, il faudra investir massivement dans la recherche et le développement, et offrir des incitations aux jeunes pousses du secteur. Sans une modernisation majeure de son réseau, l'Europe risque de gaspiller son potentiel en matière d'énergies renouvelables et de compromettre ses objectifs climatiques. Le temps des demi-mesures est révolu. Le pacte industriel propre de l'UE et son plan d'action pour une énergie abordable ont tous deux mis en évidence la nécessité d'investir massivement dans le réseau. Pour transformer son infrastructure énergétique, l'Europe doit doubler son financement, rationaliser ses processus d'autorisation et adopter l'innovation. *ESG & Finance Manager chez noa, un fonds de capital-risque européen tourné ver le monde bâti |
|