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Dans une contribution
intitulée «L'économie algérienne face à un nouvel ordre énergétique mondial»
parue en octobre 2013 sur Le Quotidien d'Oran, un signal d'alarme a été donné
sur les difficultés naissantes du secteur énergétique.
En 2019 c'est-à-dire 5 ans après, ce scénario apparaît au grand jour et le gouvernement affiche publiquement ses inquiétudes et conforte l'idée selon laquelle ceux qui sont aux commandes de ce pays depuis deux décennies ont fait preuve d'irresponsabilité en tournant le dos aux bouleversements qui ont commencé à affecter la scène énergétique mondiale. La révision de la loi sur les hydrocarbures censée résulter d'une stratégie économique globale s'inscrit toujours dans une logique rentière qui occulte les vrais enjeux. Baisse des réserves, de la production et hausse de la consommation interne des produits énergétiques Les données de la BP Statistical Review of World Energy (June 2019) montrent que l'Algérie est confrontée à une relative stagnation des réserves prouvées totales en hydrocarbures conventionnelles. C'est ainsi qu'entre 1998 et 2018 on enregistre une croissance de 8% pour les réserves de pétrole et 10,3% pour le gaz. Les dirigeants de Sonatrach confirment cette tendance puisqu'ils reconnaissent que 60% de nos réserves initiales en hydrocarbures sont épuisées. La baisse de ces réserves s'est accompagnée d'un déclin de la production en volume même si la production d'hydrocarbures exprimée en valeur peut augmenter sous l'effet de la hausse des prix. Sur la période 2008?2018 la production de pétrole en volume a baissé en moyenne de 2,45% par an alors que pour le gaz l'on note une évolution moyenne de 1,41%. Alors que le déclin de la production d'hydrocarbures s'installe dans la durée, la consommation interne de produits énergétiques évolue dans le sens de la hausse. Entre 2008 et 2018 la consommation de pétrole augmente en moyenne de 3,58% par an alors que pour le gaz elle est de 5,73%. L'évolution divergente entre l'offre et la demande de produits énergétiques fait peser de graves menaces sur l'économie nationale en raison de la baisse des quantités destinées à l'exportation. Si la consommation interne continue à grimper plus rapidement que la production sur un horizon temporel éloigné et qu'il n'y a pas de découvertes de nouveaux gisements importants, l'Algérie s'expose au pire scénario en basculant du statut d'exportateur à celui d'importateur d'hydrocarbures. Rétrécissement des parts de marché de Sonatrach L'exploitation des hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste) est à l'origine d'une configuration d'un nouvel ordre énergétique mondial et dont la caractéristique majeure est l'émergence des USA comme pays producteur et exportateur. Ces changements indiquent clairement que les rapports de force à l'intérieur même du groupe des pays producteurs mais aussi entre ces derniers et les pays consommateurs ne sont plus les mêmes. Tout d'abord l'excédent de l'offre induit par ce changement a engendré le découplage du prix du gaz par rapport à celui du pétrole et la vente du gaz intervient désormais sur un marché spot, marché sur lequel le prix de cette ressource est influencé par l'offre et la demande. Le nouvel ordre énergétique mondial n'est plus à l'avantage des contrats de longue durée alors que ce type de contrats est nécessaire pour rentabiliser les investissements réalisés dans la filière du gaz naturel liquéfié. Après avoir vainement défendu des positions en décalage par rapport à cette évolution, les responsables de Sonatrach sont contraints de négocier la vente du gaz sur le marché spot. Ensuite l'on observe pour l'entreprise pétrolière nationale la perte du marché américain mais aussi une réduction de ses parts de marché sur son débouché principal, les pays consommateurs européens. Cette concurrence ouvre la voie à une bataille des coûts de production et il s'agit alors de savoir si l'entreprise Sonatrach est bien lotie pour s'imposer en termes de compétitivité par rapport à ses concurrents, notamment américains et russes. Face aux sérieuses conséquences produites par le nouvel ordre énergétique mondial sur l'économie nationale, le désarroi s'empare du pouvoir qui voit ainsi se profiler le risque de dissipation de la rente. Cette terrible hantise explique l'acharnement de l'ancienne équipe dirigeante à vouloir développer les sources d'énergie non conventionnelle extraite à partir d'autres formations géologiques : gaz de schiste, gaz de réservoirs compacts et gaz de charbon. La réaction vive des populations du Sud, inquiètes de ses retombées environnementales, a fait reculer le gouvernement. Cette même hantise nous éclaire sur l'empressement de l'actuel gouvernement à réviser la loi sur les hydrocarbures dans un contexte d'instabilité politique et de crise économique en dépit des réserves, voire des oppositions exprimées par les citoyens et de nombreux experts. La finalité de cette révision est un appel pressant lancé au capital étranger pour augmenter la production, préserver les parts de marché de Sonatrach et rassurer ses clients sur sa capacité à honorer ses engagements. D'ailleurs le contenu de cette loi peut être assimilé à un code fiscal et juridique qui s'adresse essentiellement aux compagnies étrangères et observe le silence le plus total sur les enjeux stratégiques pour l'avenir énergétique du pays. C'est encore la confirmation une fois de plus de la tendance des dirigeants algériens à se préoccuper davantage de la sécurité énergétique des pays consommateurs que celle leur propre pays. La gestion de la rente L'élaboration d'une vision prospective relative à l'économie des hydrocarbures aurait permis de produire un modèle énergétique national censé décrypter l'évolution structurelle de cette industrie et apporter un éclairage sur les politiques à mettre en œuvre sur le long terme. Le projet de révision de la loi sur les hydrocarbures s'inscrit dans la continuité d'une conception productiviste consistant à maximiser la rente. C'est la poursuite d'une démarche qui maintient le pays dans une division internationale du travail de type néo-colonial consistant à exporter des produits à l'état brut et importer des produits manufacturés. Sur le plan économique les industries extractives dans le domaine des hydrocarbures nécessitent d'importants investissements mais leurs effets d'entraînement sur les autres secteurs de l'économie nationale sont faibles. C'est un secteur qui utilise des techniques de production capitalistiques et par conséquent il génère peu d'emploi comparativement à l'agriculture ou les industries manufacturières. L'économie nationale est sur cette trajectoire depuis 40 ans et toutes les tentatives de diversification de la production et des exportations ont lamentablement échoué. Elles ont révélé l'inanité d'une politique qui fait du secteur des hydrocarbures le moteur d'une dynamique économique réelle. Sur le plan financier, au-delà des effets de l'augmentation de la production des hydrocarbures, il y a lieu d'engager une réflexion sur la gestion de la rente. L'argent du pétrole en devises ou en dinars n'est pas une richesse en soi ; c'est un moyen de financement qui doit être affecté à des projets économiques qui participent à la diversification des recettes d'exportation. Le manque de transparence relative à l'utilisation des revenus des hydrocarbures a produit des effets désastreux et la meilleure illustration est le financement du déficit budgétaire durant de nombreuses années par des ressources financières puisées dans le fonds de régulation des recettes pétrolières jusqu'à leur épuisement. Le résultat de cette pratique qui relève de l'arbitraire est la manifestation de graves dérives dont la plus évidente est le recours de manière abusive au financement accru des dépenses courantes par les recettes d'hydrocarbures qui constituent des ressources instables. Le taux de couverture des dépenses courantes par la fiscalité pétrolière est passé de 31,8% en 2012 à 50,5% en 2018 et si l'on tient compte des ressources puisées dans le fonds de régulation des recettes pétrolières, ce ratio est encore plus élevé. Il faut préciser que les montants prélevés dans le FRR ne sont pas budgétisées et échappent à tout contrôle, notamment par l'APN et le Sénat. L'épuisement de ces ressources en 2017 qui atteignaient 5633,8 milliards de DA fin 2012 n'a laissé d'autre choix au gouvernement que le recours à la planche à billets. Cette crise financière montre clairement que la volonté de vouloir maximiser la rente sans se soucier de son allocation dans la transparence est une démarche porteuse de graves dangers pour le pays. Pour préserver la capacité de résilience de l'économie nationale et lutter contre les conséquences d'une politique budgétaire expansionniste fortement corrélée à un marché pétrolier de plus en plus incertain, il est impératif de fixer des règles de gestion budgétaire. -1ère règle : budgétiser la totalité des recettes pétrolières mobilisées pour le financement des dépenses publiques. Cela signifie que le prix de référence du prix du baril qui constitue la base de calcul de la fiscalité pétrolière ne sera plus théorique et doit être indiqué en toute transparence dans les projets de lois de finance -2ème règle : plafonner le montant des recettes pétrolières utilisées pour le financement des dépenses publiques en tentant compte de deux contraintes : la préservation des ressources en pétrole et en gaz et la capacité d'absorption de l'économie nationale - 3ème règle : respecter un seuil en matière de déficit budgétaire en fonction du produit intérieur brut hors hydrocarbures -4ème règle : réduire au maximum le financement des dépenses courantes par la rente pétrolière. -5ème règle : affecter les revenus du pétrole et du gaz à des projets qui concourent directement ou indirectement à la croissance économique et participent à la diversification des rentrées en devises. La prise en charge des vrais enjeux passe par la construction d'une stratégie qui précise les grandes priorités nationales mises en évidence par un processus de substitution d'une vision économique à une approche rentière tributaire des hydrocarbures quelle que soit leur origine et sortir du schéma mercantiliste qui perdure depuis des lustres. 1ère priorité : définir une politique énergétique nationale dans le domaine des énergies fossiles et des énergies renouvelables sur le long terme. 2ème priorité : préciser la place du secteur des hydrocarbures dans l'économie nationale de façon à le faire évoluer d'une industrie extractive à une industrie qui participe à une plus grande intégration économique. 3ème priorité : affecter les ressources financières générées par la production de pétrole et de gaz aux activités qui assurent l'entrée de l'Algérie dans l'ère de l'après-pétrole. C'est un grand défi qui attend le pays, car il s'agit de démanteler les bases d'une infrastructure politico-institutionnelle qui est liée organiquement à la rente dans un but d'accaparement des richesses et de maintien de la paix sociale. La force d'attraction exercée par un pouvoir intimement liée à l'économie des hydrocarbures justifie cette obsession à vouloir coûte que coûte assurer sa reproduction et sa pérennité en faisant de la maximisation de la production des hydrocarbures sa grande priorité. Les gouvernants d'hier et d'aujourd'hui sont conscients que la poursuite de cet objectif est incompatible avec l'émancipation de la vie démocratique et les Algériens qui dénoncent avec force les oligarchies régnantes depuis des décennies ont parfaitement compris que la perspective d'une alternative tournée vers le développement du capital humain, l'agriculture, l'industrie, les nouvelles technologies et le tourisme passe irrémédiablement par le rejet de tout le système. |
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