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La politique
étrangère de Hillary Clinton serait plus proche de
celle de Bush que de celle de Obama.
La tradition pacifiste des Démocrates violée par Hillary Clinton Depuis les primaires présidentielles de 1968 où Eugene McCarthy, le candidat démocrate, appela à un retrait rapide du Vietnam, le parti démocrate moderne a eu une puissante aile anti-belliciste. Les faits marquants de l'anti-bellicisme de ce millénaire incluent l'opposition à l'invasion de l'Afghanistan en 2001 par Barbara Lee, représentante démocrate de Californie, et le vote des 126 membres de la Chambre des Représentants américaine contre la résolution de 2002 sur la guerre en Iraq. Malheureusement, Hillary Clinton a rompu avec cette tradition ; elle laisse les Démocrates, qui veulent «donner une chance à la paix» face à un choix difficile le 8 novembre, date des élections présidentielles américaines. La liberté de décision du président américain limité par les groupes de pression militaristes Au cas où elle est élue, Clinton succéderait à une administration Obama qui n'a déclenché aucune nouvelle guerre terrestre de grande envergure et a entamé un repli pour ce qui est des guerres lancées par G. W. Bush, son prédécesseur. Obama a également fait des avancées avec Cuba et l'Iran, mais en a déçu beaucoup, à la gauche du parti démocrate plus particulièrement par ses décisions d'intensification des frappes de drones, par les bombardements sur la Libye, et par l'intervention en Syrie en vue de changer le régime. Les espoirs du mouvement pour la paix, placés en la personne d'Obama, étaient trop ambitieux, et n'ont pas factorisé les limites placées sur la liberté d'action du président, en ces temps, par «l'Etat Profond»- un regroupement d'intérêts des milieux financiers et de l'industrie de l'armement, des experts dans les «think tanks» et des responsables gouvernementaux qui donnent forme à la politique étrangère et échappent à tout contrôle des citoyens. Bien qu'Obama n'ait peut-être pas totalement mérité son prix Nobel de la Paix, il n'en demeure pas moins qu'il a mieux fait que ses prédécesseurs les plus récents- et probablement mieux que ce que feraient une «présidente Hillary Clinton» ou un «président Donald Trump» Les échecs de G. W. Bush continuent à hanter les esprits, mais nous ne devons pas oublier les campagnes de bombardements lancées par Bill Clinton contre la Serbie et l'Iraq, ni l'attaque aux missiles contre une usine de médicaments à Khartoum, en 1998, attaque dont l'objectif était de détourner l'attention loin de la procédure d'empêchement lancée contre ce président en liaison avec l'affaire «Monika Lewinsky» La préférence donnée par Obama à la diplomatie et à la paix n'est reprise par aucun des deux principaux candidats à la présidence des USA. Trump qualifie de manière routinière Obama de supposé faiblesse, exige que Daesh «soit réduit en cendres» et appelle à un renforcement du potentiel militaire américain. De l'autre côté, ce même candidat s'est exprimé avec véhémence contre la «construction d'Etat» contre la subvention de la défense de l'Alliance atlantique- bien que, tout récemment, il ait déclaré qu'il a changé d'opinion quant à l'obsolescence de l'OTAN et qu'il collaborerait avec ce groupe de pays pour défaire Daech. Les convictions militaristes de Hillary Clinton datent de longtemps A l'exclusion de Daesh, certaines autres déclarations de Trump sur sa future politique étrangère ont donné l'occasion à Hillary Clinton de le contourner à droite. Et, de toute façon, son expérience dans ce domaine implique qu'elle s'y sent plus à l'aise que son rival. Son vote, en 2002, pour la guerre en Iraq est une vieille information, mais il compte toujours. Et le fait qu'elle ait poussé, en 2011, à un changement de régime en Libye est pire encore ! A cette époque, les USA avaient déjà deux projets échoués de régimes en Afghanistan et en Iraq, mais apparemment, Hillary Clinton n'avait «pas reçu les rapports relatifs à ces deux échecs !» Le site internet d'information «Politico» a récemment révélé que la campagne de cette candidate tente d'obtenir l'appui des «anciens» grands maîtres de la politique étrangère des Républicains, comme Henry Kissinger ou Condolleza Rice- et cette démarche est indice des convictions profondes en matière de politique étrangère qu'Hillary Clinton entretient. Le fort soutien des Républicains néo-cons à Hillary Clinton Bien que ces appuis tardent à venir, le penchant militariste de Hillary Clinton a été récompensé par le soutien d'un certain nombre de néo-conservateurs et d'autres Républicains s'intéressant aux problèmes de sécurité nationale. En mai de cette année, Max Boot- rédacteur contribuant à l'hebdomadaire Weekly Standard a écrit : «Clinton serait de loin préférable à Trump» la qualifiant de «démocrate centriste qui est plus portée à la guerre qu'Obama». Robert Kagan, un autre néo-cons, a récemment pris la parole lors d'une réunion de collecte de fonds en faveur de Hillary Clinton. L'épouse de Kagan, Victoria Nuland, a travaillé pour Mme Clinton au Département d'Etat et a joué un rôle crucial dans le renversement de Viktor Yanukovych, le président d'Ukraine. Yanukovych semble avoir été très corrompu et un simple pion de Poutine, mais en même temps, il était le leader élu de l'ancien Etat satellite de l'Union soviétique. Le rôle des USA dans le coup d'Etat anti-constitutionnel contre son gouvernement et son remplacement par un régime opposé à Moscou ont été considérés par la Russie comme des actes de provocation. L'Ukraine partage une longue frontière et une longue histoire d'interaction avec la Russie. Donc rien d'étonnant à ce que Poutine ait pris des mesures agressives pour établir une zone tampon sur le territoire ukrainien. Plutôt que de pousser à la dé-escalade dans la situation, les «faucons néo-cons» qui se sont déplacés vers le camp de Hillary Clinton exigent des mesures de rétorsion, en riposte à l'annexion de la Crimée par la Russie et de sa livraison d'armements aux irrédentistes en Ukraine orientale. Vers de nouvelles guerres pour nourrir le complexe militaro-industriel américain Une réaction raisonnable de la part des Américains fatigués d'une guerre sans fin est de demander pourquoi nous devons nous mêler de cette affaire. L'Ukraine n'est pas un membre de l'OTAN ; elle n'est pas non plus un partenaire commercial important. Elle a aussi été partie de l'Empire russe ou de l'Union soviétique pendant des centaines d'années, et cela ne nous a pas empêchés de survivre ! Trump et ses alliés, qui voudraient envisager de meilleures relations avec la Russie, sont mis au pilori par les «faucons» les accusant de déloyauté envers les USA. Ces militaristes ignorent que la guerre froide s'est terminée il y a 25 années et qu'il n'y a plus aucune raison de traiter la Russie de «menace existentielle» Une inimitié inutile à l'égard de la Russie complique la position américaine en Syrie. Pour coller la Russie à ce pays et maintenir notre politique désastreuse de changement de régime, les «faucons militaristes» tiennent «mordicus» à l'opposition au «brutal régime de Assad» et au soutien aux groupes terroristes liés à Al-Qaïda. La politique américaine d'armement de groupes d'opposition non fiables a commencé pendant la période où Hillary Clinton occupait le poste de Secrétaire d'Etat et avec son soutien actif ! De la même façon, les interventionnistes qui pénètrent dans l'orbite «clintonienne» pourraient fabriquer une crise avec la Chine, qui réclame des îles et des droits aux ressources au sud de la Mer de Chine, ce qui la met en mauvais rapports avec le Vietnam, les Philippines et d'autres pays de son voisinage. Comme Secrétaire d'Etat, Clinton a exprimé sur cette question un point de vue très dur lors d'un discours prononcé à Hanoi en 2011. Comme pour ce qui est de la crise de l'Ukraine, la Mer du Sud de la Chine est à des milliers de kilomètres des côtes américaines. Les USA n'ont aucun intérêt attaché à cette question. Dans les deux cas, une position agressive sans nuances de la part de Hillary Clinton pourrait déboucher sur un regain de tension, des guerres «par délégation» ou même une autre guerre froide qui ne servirait aucun autre objectif que de nourrir le complexe «industriel militaire» Les Démocrates qui soutiennent Hillary Clinton ouvrent donc la porte à des confrontations douteuses avec la Russie, la Chine, la Syrie, et bien d'autres régimes qui ne répondraient pas aux «critères de bonne conduite» fixés par l'ancienne Secrétaire d'Etat. C'est là une recette pour un conflit que les partisans du pacifisme avaleront avec difficulté. *Directeur de recherche au Centre californien sur la politique, ancien directeur senior à Moody's Analytics (texte publié sur le site internet theFiscalTimes.com en août 2016, traduit par Mourad Benachenhou) |
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