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Union européenne : Prostitution et drogue comme richesses nationales

par M'hammedi Bouzina Med: Bruxelles

L'UE a instruit les Etats membres d'inclure les revenus de la prostitution et des drogues dans le calcul de leurs PIB. Certains le font déjà, d'autres vont suivre.

Economistes, juristes, religieux, philosophes et moralistes d'une manière générale auront, dès la rentrée sociale prochaine en Europe, de quoi alimenter les débats politiques et s'étriper au sujet du bonheur des citoyens européens : peut-on compter la prostitution et l'usage des drogues parmi les éléments de calcul du niveau de vie des citoyens ? Car, en insistant (depuis l'année dernière) pour l'introduction des revenus de la prostitution et des drogues dans le calcul du PIB, « Eurostat », l'organisme de la statistique européen, a bien conscience que le PIB sert aussi de référence pour le calcul PIB par habitant et donc du pouvoir d'achat des citoyens et de leur niveau de vie. Eurostat justifie cette injonction aux pays membres de l'Union européenne (UE) par le fait que des pays comme la Hollande et l'Allemagne le font déjà. Ce qui lèse les autres pays de l'UE et crée une injustice dans le calcul de la participation au budget commun européen, puisque cette participation est proportionnelle au PIB de chaque pays. Du coup, des pays comme la Belgique, l'Italie et d'autres ont annoncé qu'ils incluront ces deux « fléaux » dans le calcul de leur PIB dès la prochaine année fiscale (septembre prochain). Qu'à cela ne tienne, toute la question est de trouver le moyen de calculer les revenus annuels générés par la prostitution et l'usage des drogues, du cannabis aux plus dures, telles la cocaïne, l'héroïne, l'ecstasy, le crack et jusqu'aux substances dopantes consommées par certains sportifs. L'annonce faite par l'UE la semaine dernière ne semble étonner personne, excepté en France où le débat est houleux entre partis politiques, ecclésiastiques, associations etc. Pour forcer les pays à « accepter » la réalité économique liée à la prostitution et la drogue, les comptables de l'UE citent le cas de la Hollande qui compte à ce titre plus de 2,6 milliards d'euros dans le calcul de son PIB. La Grande-Bretagne estime à 22 milliards d'euros la « richesse » produite par les deux fléaux. Elle avance le chiffre de 58.000 prostituées qui auraient, chacune, une moyenne de 30 clients par semaine. Remarquez que le prix moyen de la passe n'est pas indiqué. Dans cette logique, il ne restera plus aux pays de l'UE en retard sur cette question qu'à légaliser et à réglementer la prostitution et la consommation des drogues. Si certains pays, comme la Hollande, le Portugal, la Suède ou l'Espagne, permettent et contrôlent ces deux fléaux, d'autres comme la Belgique ou l'Italie sont à moitié du chemin. Ils autorisent et cadrent la prostitution, mais tolèrent «seulement» l'usage des drogues dites douces (cannabis, herbe) pour les consommateurs. Ainsi, c'est au nom de la rigueur et la précision dans le calcul du PIB européen que les gestionnaires de l'UE insistent pour inclure ces deux activités « économiques » que sont la prostitution et la drogue dans le calcul de la richesse nationale. Sauf que dans le cas de l'usage de la drogue il s'agit, effectivement, d'une activité de commerce, de vente et d'achat de marchandise, alors que dans le cas de la prostitution il s'agit d'êtres humains. Basta ! Il s'agit de liberté individuelle : la femme, comme l'homme ont droit de disposer totalement de leurs corps, en faire ce qu'ils veulent. Dans ces cas, pourquoi ne pas inclure dans le calcul du PIB le trafic d'influence, la corruption, l'émigration clandestine et autres économies souterraines ? Dire que d'autres secteurs socialement utiles ne sont pas pris en compte dans le calcul du PIB, tels ceux des services, du monde associatif et bénévole etc. Comme quoi, en période de crise point de morale. En gonflant les PIB des pays (et par habitant) avec l'ajout des revenus de la drogue et de la prostitution, les dirigeants européens donneront l'illusion aux citoyens d'être plus riches encore et plus heureux. Pourquoi pas ? Les pays producteurs de drogues et pourvoyeurs de prostituées, généralement pays pauvres ou sous-développés feront de même et exigeront des taxes douanières pour équilibrer leurs balances commerciales généralement déficitaires. Cela confirmera une fois pour toutes que la prostitution et la drogue ne sont pas que des fléaux mondiaux elles sont aussi les plus vieilles activités (et métiers) du monde.