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L'économie mondiale ne
regroupe-t-elle pas un nombre d'acteurs finis, i.e. des États, des communautés,
qui participent, par leur activité économique, aux échanges multiformes
internationaux ? Ne dépendent-ils pas des possibilités que leur offrent leur
développement scientifique, technologique, le tissu de leurs industries, leurs
ressources en matières premières et énergie, leur niveau démographique, leurs
environnements biologiques, géologiques, climatiques, culturels, socioéconomiques,
dans lesquels ils évoluent ? Et ce sont ces facteurs qui conditionnent leur
évolution dans l'«écosystème économique mondial».
On peut dès lors parler d'écosystème économique mondial naturel, naturellement équilibré, et autorégulée par les forces économiques mêmes qui existent en son sein. Ce qui nous fait dire que l'économie mondiale, par l'activité que les États et communautés déploient, est un « écosystème économique-monde parfaitement autorégulé ». Evidemment, cette définition peut surprendre parce que d'emblée, à nos yeux, l'évolution de l'économie mondiale ne paraît pas régulée, laissée aux forces économiques qui sont souvent chaotiques, aléatoires, difficilement discernables. Mais, en réalité, le mouvement chaotique des forces économiques n'est qu'apparent. En effet, lorsque l'on regarde, par exemple, l'évolution des taux de change des monnaies, ou des indices boursiers dans le monde, leur évolution chaotique, les faillites bancaires, d'entreprises, où de multitude d'agents économiques (entreprises, banques et particuliers) qui ont perdu leurs capitaux, leurs économies, leurs logements, leurs emplois, et qui se répètent à chaque crise économique ou financière, on est enclin de dire que l'économie mondiale n'est pas régulée. Qu'il y a déséquilibre du système. Mais ce qu'on ne peut ne pas souligner que les crises comme les faillites, le chômage, etc. sont aussi des corrections naturelles qui agissent dans l'écosystème économique mondial. En tant que système vivant naturel, ces défaillances économiques peuvent être admises comme des autocorrections dues à une activité économique qui est sortie de la « normale », à une « surchauffe » du système. Aussi interrogeons-nous : « Qu'est-ce qu'une activité économique qui sort de la normale ? Sinon une situation économique nécessaire en vue d'une situation économique tout aussi nécessaire. » Et surtout qui s'inscrit dans le progrès, dans les avancées de l'autorégulation. Les piliers de l'«écosystème économique mondial» Le système économique mondial n'est pas un système figé, il est appelé à se reproduire au gré des forces en son sein, appelé aussi à se développer, à évoluer, à changer, donc, à progresser. Et c'est la raison pour laquelle ces évolutions, ces changements s'inscrivent dans un processus d'auto-développement, d'autorégulation qui, malgré la multitude de défaillances observées, s'opèrent nécessairement « avec ou sans la volonté humaine ». Peut-on dire d'un homme sain qui tombe malade que c'est une « anormalité » ? Il est sain parce que son corps sain assimile tout autant ce qui peut lui faire du bien comme ce qui peut lui faire du mal. Son être comme son corps est conçu ainsi, indépendamment de lui-même. Il est cet « être dans le monde », il est lui aussi un « écosystème humain » dans l'« écosystème économique mondial ». L'homme est un petit univers dans ce grand univers qu'est l'écosystème économique mondial. A l'instar de l'être humain, l'économie mondiale est aussi un écosystème englobant non seulement l'humanité entière, ses avatars, mais aussi sa situation dans l'étant, i.e. ses rapports avec elle-même, les forces en son sein, la nature, le milieu ambiant et les milieux ambiants qui peuvent survenir (guerre, crise économique, séisme, etc.) et les conséquences induites des uns et des autres. Par exemple, la décision de la Réserve fédérale américaine d'augmenter son taux d'intérêt directeur au début des années 1980 a été vécue pour le reste du monde comme un désastre. Du jour au lendemain, les pays d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Asie se sont retrouvés endettés. Des émeutes de la faim et des crises politiques et économiques ont éclaté un peu partout dans le monde. De même, plus récemment, le Printemps arabe et ses lots de souffrances, et le monde arabe n'a toujours pas vu des lueurs de sortie. Peut-on dire que c'était négatif ? C'est oui et non. Ces révolutions ont donné de l'espoir mais ensuite ont été très mal vécues par les peuples. Mais, en revenant à l'écosystème global, l'évolution du monde passant par l'évolution de l'économie mondiale commandait ce changement de paradigme. Une transformation systémique était nécessaire et apparaît comme produite par une « autorégulation économique mondiale » qui s'opère dans le temps. Des conséquences ont résulté. Par exemple, la disparition de l'URSS est due au système de gouvernance soviétique qui n'était plus viable, dépassée par l'histoire. Son rôle historique était terminée, l'URSS n'avait plus raison d'être. Elle a été emportée par une nouvelle situation de l'écosystème économique mondial. L'Afrique, l'Amérique du Sud et une partie de l'Asie endettée n'offraient plus de ressources au commerce extérieur de l'URSS. De plus, la débâcle économique, conjuguée aux déboires de l'URSS en Afghanistan et à l'endettement, s'est transformée en débâcle politique qui a mis fin à l'« écosystème soviétique ». Est-ce que l'« écosystème soviétique » a disparu ? Il l'a certes été en tant que système global pour une aire géopolitique, mais il a généré une multitude d'« écosystèmes économiques, certes moindres, mais viables ». En d'autres termes, le système soviétique a performé en mutant, en donnant plusieurs États, et le passage de l'URSS à une Russie plus ajustée. Ce qui nous fait dire que ces défaillances sont assimilées par l'écosystème qui les a générées, dans le sens que celles-ci participent à l'évolution du monde. Ceci étant, comment peut-on définir l'ossature de l'écosystème économique mondial, mis à part les États et communautés qui le constituent ? Sur quoi repose-t-il ? Il est évident que le premier pilier de l'écosystème est constitué par les quatre grandes puissances monétaires (États-Unis, zone euro, Royaume-Uni et Japon). Ce sont elles qui alimentent l'économie-monde en liquidités internationales. Et les États-Unis, en tant que première puissance économique, technologique, militaire, leur échoit le rôle de premier émetteur de liquidités internationales. Détenant le pouvoir d'émission de la première monnaie du monde, le « dollar », et depuis les Accords de Bretton Woods (1944), les Etats-Unis, via la Réserve fédérale américaine (Fed), auront à alimenter leur économie et aussi à alimenter les économies du reste du monde en réserves de change. Après le retour à la convertibilité en or en 1958, les grandes monnaies européennes (livre sterling, deutschemark, franc?) regagnent leur ancien statut de monnaies de réserves de change, elles seront rejointes plus tard par le yen japonais. Au côté de la monnaie-centre, le dollar, les monnaies européennes et japonaise constituent les paniers de monnaies sur lesquels s'ancrent les monnaies des pays du reste du monde. Si un pays du reste du monde privilégie une monnaie, généralement c'est le dollar, qui se substitue totalement ou partiellement à la monnaie nationale, on dit que son économie s'est dollarisée selon l'option que ce pays a retenue. Un deuxième pilier, c'est le « pétrole ». Il joue un rôle de « pondérateur » dans le système financier et monétaire mondial. Depuis les années 2000, l'« or » s'est rangé au côté du pétrole dans un rôle de pondérateur dans les émissions monétaires américaines. Une hausse ou une baisse des prix de pétrole et de l'or, et par conséquent leurs fluctuations sur les marchés, suivent globalement l'évolution des liquidités en dollars injectées par les États-Unis. Le 6 septembre 2011, l'once d'or cotait 1921,17 dollars, alors qu'en janvier 2000, il n'était qu'à 282 dollars US. Les autres matières premières et produits de base agricoles ont aussi, à l'instar du pétrole, un rôle de « pondérateur, mais à la marge ». Le troisième pilier, c'est la « dépendance des pays du reste du monde des devises internationales » émises par les principales puissances monétaires du monde (États-Unis, zone euro, Royaume-Uni et Japon). Ces trois piliers montrent que l'écosystème économique mondial s'est constitué d'une manière coordonnée, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Progressivement, les quatre puissances, en particulier le pays-centre, les États-Unis, et depuis 1999, la zone euro, constituent les clés dans la régulation économique mondiale. Le pétrole n'est venu s'ajouter qu'après que les États-Unis ont mis fin à la convertibilité du dollar en or en août 1971. Les crises économiques, financières et monétaires qui sont survenues après le Deuxième Conflit mondial, et l'instabilité récurrente, n'apparaîtront que comme situations nécessaires au sein desquelles des forces historiques agissent, « autorégulent » l'écosystème économique mondial. Le découplage des monnaies européennes du dollar Rappelons ce que l'économiste belge Robert Triffin appelait « le secret du déficit sans pleurs », i.e. sans larmes. Le « dilemme de Triffin ou paradoxe de Triffin » tire son origine de la critique que l'auteur a portée sur le système de Bretton Woods des taux de change fixes, lequel rendait « nécessaire le déficit de la balance courante des États-Unis pour alimenter le monde en moyens de paiement internationaux. » Une telle situation contribue à un affaiblissement progressif de la confiance des agents économiques étrangers envers la monnaie de référence. Les besoins importants de l'économie mondiale en une devise fiable aboutissent donc paradoxalement à la perte de confiance envers cette monnaie. Cependant, il faut souligner que la situation post-1945 était particulière. Quand bien même la balance globale des États-Unis qui détiennent la monnaie internationale-centre était déficitaire, elle permettait néanmoins aux autres pays de disposer d'un instrument de paiement fiable. Puisque après la guerre, les pays européens ne disposaient pas de monnaies internationales et devaient se reconstruire des destructions de la guerre. Ce sont paradoxalement les déficits américains financés par la planche à billet mais adossés à l'or qui ont permis à l'Europe d'enregistrer des excédents et d'accumuler progressivement de l'or. Ces excédents et cet or accumulé ont permis aux pays d'Europe, dès les années 1958, à rendre convertibles leurs monnaies en or. Si les États-Unis n'avaient pas enregistré des déficits mais, au contraire, des excédents, l'Europe n'aurait pu accumuler de l'or et rendre convertibles ses monnaies. De plus, sa reconstruction aurait certainement duré. D'autre part, comment les États-Unis pouvaient-ils enregistrer des excédents avec l'Europe, alors que l'Europe sortait meurtrie par la guerre, une industrie en grande partie détruite, des équipements dépassés, et donc très affaiblie. L'Europe n'avait rien à donner sinon ses colonies. Ce qui n'était pas concevable à l'époque, ce n'était pas moral, le monde sortait du nazisme et de l'horreur de la guerre. Et les peuples colonisés aspiraient à la liberté. Ce qui nous fait dire que les États-Unis n'avaient pas le choix. Devenus la première puissance industrielle du monde, ils avaient besoins de débouchés urgents pour écouler leur production industrielle et agricole. On ne peut oublier que, durant la guerre, ils ont suppléé aux puissances européennes en répondant massivement aux besoins du monde. Sans les débouchés que représentaient la reconstruction de l'Europe et l'édification de nouveaux États (décolonisation), les États-Unis auraient certainement enregistré des destructions d'emploi par millions. Ce qui aurait été très négatif pour l'économie américaine d'autant plus que l'Union soviétique était aussi en pleine croissance. Un adversaire redoutable pour la superpuissance. Evidemment, au fur et à mesure que l'Europe se reconstruisait et devenait compétitive, accumulait de l'or qui fuitait des États-Unis, ce processus de déficits américains n'était plus viable, il sapait la confiance sur la monnaie américaine. Des crises monétaires éclatèrent à la fin des années 1960-début des années 1970. Et là le reproche de Triffin était tout à fait justifié. Il énonçait qu'une monnaie nationale ne pouvait servir durablement de monnaie internationale. L'Europe reprochait à la première puissance du monde de financer « gratuitement » ses soldes commerciaux en créant des dollars, i.e. en usant de la planche à billet. Les États-Unis, acculés, ayant perdu une grande partie de leur réserve d'or au profit de l'Europe et du reste du monde, ont finalement décidé de suspendre, en 1971, la convertibilité du dollar en or. Cette date marque la fin du système Bretton Woods. Est-ce que la fin de la convertibilité du dollar en or par les États-Unis a mis fin au processus de déficits américains, devenus structurels, répercutés sur le reste du monde ? Il est évident que le système a continué à fonctionner, même avec l'instauration du change flottant, pour la simple raison que l'Europe et les grands pays qui la représentent, à savoir l'Allemagne de l'Ouest, la France, le Royaume-Uni et l'Italie, n'en sont qu'un acteur parmi les acteurs qui agissent, sur le plan monétaire, dans « l'écosystème économique mondial ». Il reste le reste du monde qui constitue les trois quarts de la population mondiale. Justement, ce reste du monde qui n'a pas de monnaies internationales et dont les monnaies, convertibles ou non, sont toutes ancrées sur un panier de monnaies de réserve, va lui échoir de maintenir le processus commencé avec Bretton Woods. Malgré le passage au change flottant des devises sur les marchés, il va agir en faveur des États-Unis qui, sur fond de déficit, continueront d'alimenter en liquidités en dollars le monde. Une avancée cependant pour l'Europe, la fin de Bretton Woods et l'instauration du change flottant aura permis aux pays européens de « découpler » leurs monnaies du dollar, et en faire des monnaies internationales à part entière. Et si c'est une réussite pour l'Europe, elle ouvre voie à de nouveaux prétendants. Le reste du monde, un «levier économique non attendu» La question qui se pose dans le tournant des années 1970 et l'instauration du change flottant : « Comment le reste du monde, par son influence, a pesé dans les crises monétaires opposant les États-Unis à l'Europe ? » Il est évident que si l'Europe a refusé d'absorber les dollars dans les années 1970 et privilégié les marchés pour déterminer le taux de change, une « surémission monétaire américaine », issue des déficits extérieurs, se solderait par une « sur-dépréciation du dollar » au prorata des quantités de liquidités injectées ex nihilo par la Fed. Le problème est que le refus des pays d'Europe d'accepter les dollars américains et la forte dépréciation du dollar par rapport aux monnaies européennes, sur les marchés, auront de graves conséquences pour les pays du reste du monde. Ces pays qui exportent vers l'Europe et dont les prix des matières premières et d'énergie sont libellées en dollars verront leurs recettes s'éroder. Ce qui va affecter la demande mondiale. D'autre part, devant la forte appréciation de leurs monnaies, les pays d'Europe qui vont se trouver pénalisés dans leurs échanges commerciaux avec le reste du monde par leurs exportations de biens et services devenues chères, seront obligés de « dégonfler » leurs monnaies. L'appréciation de leurs monnaies s'est opérée mécaniquement par une inflation de dollars sur les marchés monétaires. Devant la faiblesse du dollar, les pays d'Europe seront obligés d'agir comme les États-Unis et « utiliser, à leur tour, la planche à billet, et donc créer des liquidités ex nihilo pour contrer la dépréciation du dollar et arriver à un taux de change avec le dollar qui ne pénaliserait pas leurs exportations ». C'est ce qu'on a appelé la duplication monétaire. Mais le problème est que l'inflation monétaire en dollars et en monnaies européennes va créer une situation de hausse des prix généralisés où ni l'Europe ni les États-Unis ne gagneront. Un jeu monétaire donc à somme nulle. Si le système perdure dans cet équilibre qui est instable, une crise fatalement débouchera puisque l'écosystème serait inondé de monnaies occidentales sans réelle absorption. La demande mondiale va s'affaiblir et, fatalement, il y aura une surproduction, une augmentation des stocks et des destructions d'emplois en cascades. On peut croire qu'il existe une effervescence chaotique dans les décisions des Banques centrales pour contrer les phénomènes négatifs qu'engendrent leurs politiques monétaires. En réalité, la situation chaotique n'est qu'apparente. Un « levier économique » non attendu qui libère l'écosystème économique mondial viendra précisément des « forces même de l'écosystème ». Ce sera le reste du mode qui n'a pas été pris en compte par les États-Unis et l'Europe qui s'opposaient sur le plan monétaire. Il se traduira par une hausse brusque des prix pétroliers (premier krach pétrolier en 1973). Ce krach permettra aux pays arabes exportateurs de pétrole qui factureront leur pétrole en dollar à quadrupler leurs recettes, et aux pays exportateurs de matières premières à revaloriser leurs exportations. Ainsi, grâce aux liquidités en dollars absorbées pour les besoins de financement de leurs importations en pétrole et de la hausse des biens et services exportés par les pays occidentaux, l'« écosystème s'est de lui-même autorégulé ». Les États-Unis, par cet effet de levier extérieur dans le libellé du pétrole en dollar, ont continué à « monétiser » leurs déficits extérieurs. Et s'il y a eu un deal entre les pays monarchiques et les Etats-Unis importent peu, compte tenu des enjeux économiques mondiaux. Cependant les émissions monétaires tant par l'Europe que pour les États-Unis sont restées toujours en augmentation, liées à leurs déficits respectifs. « Ce processus des années 1970 nous rappelle la situation de l'Europe post-1945 qui avait besoin des États-Unis pour se reconstruire et les États-Unis avaient besoin de l'Europe comme débouché pour leur production industrielle et agricole. » A l'époque, l'Europe avaient très peu d'or, et de surcroît était très endettée, par les dépenses de guerre, vis-à-vis des États-Unis. Ce qui a nécessité des investissements américains massifs en Europe pour qu'elle absorbe la surproduction américaine. Mais aussitôt reconstruite, l'Europe est devenue concurrente. Le reste du monde apparaît aussi comme l'Europe, et cherche à s'édifier et à « se reconstruire ». Il n'a pas de monnaies internationales de réserve, et dépend des pays occidentaux, mais l'Occident a besoin de lui non seulement pour le pétrole et les matières premières mais aussi pour ses débouchés. Comme l'Amérique naguère avec l'Europe, l'absorption de la production industrielle (équipements, moyens de transport, etc.), manufacturière et agricole (céréales, lait, etc.) par le reste du monde conditionne le taux d'emploi dans le monde industriel et rural occidental. « Le reste du monde, à l'époque, s'offre donc comme une opportunité pour la croissance occidentale, et par conséquent mondiale. » On comprend aisément que la monétisation des déficits américains et européens, puisque seuls les États-Unis et Europe disposent de monnaies internationales, va permettre au reste du monde d'enregistrer des excédents et même de s'endetter à des taux d'intérêt très faibles à l'époque, mais néanmoins variables pour couvrir les banques occidentales prêteuses. Comme l'Europe pour se reconstruire et devenir compétitive avait besoin d'excédents et l'Amérique de déficits, le problème à l'époque n'était pas les excédents ou les déficits, mais la croissance économique de part et d'autre de l'Atlantique, et donc la conservation et la création d'emplois. Sans excédents commerciaux, sans transfert d'or des États-Unis vers l'Europe, l'Europe n'aurait pu rendre convertibles en or ses monnaies en 1958 et devenir plus tard compétitive. De même sans déficits, les États-Unis n'auraient pu prolonger leur croissance et maintenir un taux d'emploi suffisant pour leur économie. Le même processus joue aujourd'hui pour l'Occident et le reste du monde. Le deuxième krach pétrolier en 1979 s'inscrit dans cette dynamique d'« effet de levier » pour dégonfler la masse monétaire injectée et servir de contreparties aux émissions monétaire américaines. Et ce qui a d'intéressant dans l'«écosystème mondial», c'est que le reste du monde vient placer naturellement ses excédents commerciaux aux États-Unis et en Europe. La sécurité, la fiabilité et le rendement qu'offre le système bancaire occidental montre qu'il n'y a aucun sens à garder ces liquidités dans les Banques centrales des pays du reste du monde sinon à les voir disparaître tant les systèmes politiques de ces pays sont instables et peu démocratiques. Il y a pratiquement absence de souveraineté populaire, et peu de sécurité pour les finances publiques (coups d'Etat, guerres civiles, etc.), ce qui est tout à fait normal compte tenu de l'avènement récent du monde hors-Occident à l'indépendance et du faible parcours historique contemporain. Conclusion de la première partie Pour comprendre, on peut imaginer l'« écosystème économique mondial » comme un réseau hydraulique doté de trois pompes. Deux alimentant le réseau mais chauffent le système comme si elles étaient munies d'un système de chauffage, une autre qui est régulée et aspire le surplus comme pour le refroidir. Et c'est un peu ce qui se passait aux États-Unis, en Europe et dans le reste du monde. Les puissances monétaires chauffaient le système, le reste du monde le refroidissait. Pour contrer la « surchauffe », il fallait refroidir, « purger » le réseau de l'excès de liquide pour que le système reste fonctionnel, sinon il peut se détériorer ou se bloquer. Et c'est la raison pour laquelle on peut énoncer que ce ne sont ni les Européens ni les Américains qui ont commandé ce choix d'octroyer au reste du monde cette augmentation des prix du pétrole et des matières premières (même s'ils l'on fait par des accords secrets ?). En réalité, ce sont les forces qui activaient au sein de l'« écosystème » qui ont agi. Tel qu'il était coordonné et articulé, l'écosystème ne laissait aucun choix aux pays occidentaux sinon à attribuer au reste du monde un pouvoir d'achat pour booster l'économie mondiale. De là se comprend l'irruption des deux chocs pétroliers en 1973 et en 1979, qui relèvent d'un ordre écosystémique, ou encore transcendantal. Comme on comprend que ces trois pompes activent encore aujourd'hui sauf que le processus s'est inversé depuis le cycle de financement mondial qui a commencé au deuxième semestre 2014. Ce cycle est le troisième depuis l'année 2001. Pour la première fois de l'histoire contemporaine, la troisième pompe, i.e. le reste du monde, n'aspire plus des liquidités ou très peu (pour quelques pays), mais injecte des liquidités et contribue dans la financiarisation de l'économie mondiale. Evidemment, grâce aux réserves de change amassées dans les cycles de financement précédents. « L'Arabie saoudite, les pays monarchiques du Golfe, l'Algérie, ont aujourd'hui une part dans la financiarisation du monde. » Et c'est naturel, en regard des réserves de changes que ces pays ont amassées depuis plus d'une décennie, et aussi en regard de la Fed américaine qui a mis fin aux Quantitative Easing, un assouplissement monétaire non conventionnel, en 2014. C'est pourquoi toutes les Bourses mondiales aujourd'hui ont les yeux braqués sur la deuxième économie du monde, la Chine, sur sa politique monétaire et sur l'évolution des cours du prix du baril de pétrole. On peut dire que ce cycle en cours apparaît comme un apurement du contentieux qui oppose l'Occident au reste du monde comme naguère les États-Unis à l'Europe. Et c'est là l'intérêt dans la compréhension de ce nouveau concept -l'économie mondiale est en fait « un écosystème économique autorégulé » qui relève d'un ordre transcendantal. Dans le sens que l'homme suit les lois économiques, non seulement celles qui se présentent et que l'homme découvre et énonce mais aussi celles qui ne sont pas énoncées mais actives. *Auteur et chercheur indépendant en économie mondiale, relations internationales et prospective. www.sens-du-monde.com |
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