Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le nez dans le pipe !

par Oussama Nadjib

Les règles qui régissent les contrats n’ont rien de poétique et c’est pour cela qu’il faut s’armer d’experts pour éviter que les mots qui feintent et finissent par couter cher. Mais parfois, on y trouve parfois des expressions presque poétiques, tragiques même quand elles rencontrent un contexte si flou qu’il en devient polysémique, insalissable. Instable aussi, n’en déplaise à la très pauvre idéologie de la stabilité que des animateurs zélés répandent ces temps-ci sans y croire. Une de ces expressions suggestive est la « clause de bouleversement » qui permet de revoir les termes d’un contrat conclut sur le long terme. Sur le marché gazier, par exemple, elle est en train de casser nos « stables certitudes » de long terme que l’on aura constamment des quantités minimales de gaz à vendre à un prix satisfaisant indexé à celui du pétrole. Nos partenaires en usent de cette clause et « déstabilisent » nos recettes. Notre très cher ami, Paolo Scaroni, patron d’ENI, actionnaire majoritaire d’une fameuse Saipem – avec ses dérivés algériens sulfureux qui ont mis sur la sellette les Khelil et les Bedjaoui – vient de contraindre Statoil à se mettre à table. A renégocier le prix des livraisons de gaz conclut dans le cadre d’un contrat à long terme. Clause de bouleversement ! On n’y échappe pas. Pendant qu’on essaie d’aller au gaz de schiste, les américains ont déjà changé la donne. Que ce soit pour les quantités ou pour prix, le fond de l’air n’est pas rose. Et tout le monde dans cet univers présumé si stable des contrats à longue durée y passe. Les russes, les norvégiens, les qataris et bien sûr, les algériens. Pourquoi cette disposition «poétique » est-elle introduite dans des contrats qui requièrent, en principe, de la stabilité ? Parce que le monde est instable, bouge et que même un contrat de « long terme » doit contenir des dispositions qui permettent d’en renégocier les termes si le contexte est bouleversé. Bref, un contrat qui instaure une relation contractuelle devient aberrant quand l’avènement d’une situation nouvelle le rend durablement préjudiciable à l’une des parties, au point de la conduire à la faillite. Continuer, le nez dans le pipe, à ne pas voir que la stabilité est un leurre, est absolument déstabilisant. La clause de bouleversement est encore plus valable pour un pays enfermé dans un vieux contrat – qui n’a plus de sens – alors que sa population est plus nombreuse, plus jeune, que les besoins deviennent plus grands, que la rente a tué dangereusement le travail, l’effort et la créativité. Finalement, pour parler de « stabilité », il vaut mieux écouter ce que dit avec assurance notre ami Scaroni sur les lendemains désindexés. Plutôt que d’écouter les chantres d’une stabilité indexée au gaz et au pétrole. Lui, nous suggère – ce n’est pas son objectif, bien entendu – de sortir le nez du pipe.