
L'armée française
a lancé son opération en Centrafrique avec un renforcement dans un premier
temps des patrouilles dans Bangui, qui présentait hier matin un visage de ville
morte après les massacres de la veille. «L'opération a commencé» et les forces
françaises présentes en Centrafrique «ont développé des patrouilles dans
Bangui», a affirmé hier le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian
à RFI. Dans les rues de Bangui, sous l'orage et la pluie, où toute circulation
de véhicules civils est interrompue depuis jeudi, aucun déploiement massif des
troupes françaises n'était visible dans la matinée. Pendant quelques minutes
deux avions de combat, impossibles à identifier à cause du plafond nuageux très
bas, ont survolé la ville. Comme chaque jour, des patrouilles -véhicules légers
et blindés- circulent sur les principaux boulevards de la capitale. Des
détachements de la force africaine (Misca) étaient eux aussi postés à leurs
emplacements habituels. En revanche, contrairement à la veille où ils avaient
patrouillé toute la journée, les pick-up bondés de soldats centrafricains se
faisaient discrets. Des tirs sporadiques d'armes automatiques ont été entendus
dans la nuit de jeudi à vendredi dans plusieurs quartiers, selon des habitants
contactés par l'AFP. «On ne sait pas pourquoi ils tiraient. On n'a pas entendu
parler d'incidents», a expliqué un habitant du quartier de Ben Zvi. Aucun bilan
d'éventuelles victimes de ces tirs qui, par endroits, ont cessé à l'aube,
n'était disponible dans l'immédiat, après une nuit pendant laquelle la grande
majorité de la population craignait qu'elle ne soit l'occasion de nouvelles
tueries. Malgré la levée du couvre-feu à 06h00, les rues restaient vides dans
la matinée et la quasi-totalité des commerces étaient fermés. Après le feu vert
de l'ONU à une opération conjointe de forces africaines et françaises pour
rétablir la sécurité, le président français François Hollande avait annoncé dès
le soir une action militaire «immédiate» en Centrafrique. «Une compagnie est
arrivée de Libreville hier soir et aujourd'hui un détachement d'hélicoptères
sera sur zone», a indiqué M. Le Drian. Une compagnie de l'armée française
comprend généralement quelque 150 hommes. La mission des militaires français,
en appui de la force africaine sur place, est d'assurer «une sécurité minimum,
permettant à une intervention humanitaire de se mettre en œuvre, ce qui n'est
pas le cas aujourd'hui». Elle passe «par la sécurisation des rues, des
itinéraires principaux pour permettre aux gens d'aller même à l'hôpital», a-t-il
souligné. Jeudi, avant l'aube, de violents affrontements ont éclaté dans le
nord de la capitale. «Des groupes armés ont lancé une offensive sur la ville.
Les forces de l'ex-Séléka (ex-rébellion au pouvoir) ont rétorqué», selon
Médecins sans frontières (MSF). Dans l'après-midi, les journalistes de l'AFP
ont comptabilisé au moins 54 cadavres rassemblés dans une mosquée du
centre-ville, et 25 cadavres gisant dans les rues voisines, abandonnés sur le
bas-côté. Les corps portaient des marques de blessures à l'arme blanche et par
balle. A l'hôpital communautaire de Bangui, MSF avait recensé 50 morts en fin
de journée. Plusieurs quartiers touchés par ces violences restaient
inaccessibles vendredi matin du fait de l'insécurité, laissant présager d'un
bilan plus élevé du massacre. La Centrafrique est plongée dans le chaos et un
engrenage de violences communautaires et inter-religieuses entre chrétiens et
musulmans depuis le renversement en mars du président François Bozizé par une
coalition hétéroclite à dominante musulmane, la Séléka, dirigée par Michel
Djotodia, qui l'a ensuite dissoute, tout en intégrant une partie de ses
combattants dans les nouvelles forces de sécurité.