
L'énorme engouement à M'sila pour le mouton de la race Ouled-Djellal
provoque une véritable flambée des prix dans le Hodna en dépit de la nature
pastorale de la wilaya de M'sila qui détient un cheptel ovin de plus de deux
millions de têtes. Une virée dans les marchés hebdomadaires d'Ain Lahdjel, Sidi
Aissa, Ain El Melh, Ouled Madi ou du chef-lieu, permet de constater la grande
différence entre les prix prohibitifs affichés ici et ceux pratiqués dans le
nord du pays, à Alger, Constantine, Annaba et même à Tébessa. Les connaisseurs
et autres «affranchis», au fait des dessous des marchés à bestiaux, affirment
que la disponibilité des moyens de transport fait que jusqu'à 70% des moutons
proposés à la vente à l'occasion de la fête de l'Aïd El Adha «sont déplacés»
dans le nord du pays, ce qui se répercute sur les prix dans la capitale du
Hodna. Des habitués de ce genre de marchés, approchés par l'APS, soutiennent
également que les intermédiaires qui procèdent, peu avant la fête de l'Aïd, à
l'achat des cheptels pour les placer dans des étables et des hangars dans les
grandes villes du pays, «influent» sur le prix des bêtes et le font grimper,
pour ce qui est de M'sila, jusqu'à 20% de plus par rapport au prix d'un mouton
de même «pedigree» cédé dans une ville du nord du pays. Ces deux facteurs font
flamber le prix du mouton à M'sila où la mentalité locale continue de penser
que de par son caractère agropastoral, cette wilaya devrait proposer des
moutons bien moins cher qu'ailleurs. A quelques jours de la fête de l'Aïd, les
axes routiers du côté de M'sila connaissent une activité inhabituelle. Des
camions transportant des moutons vers le nord du pays y sont légion et peuvent
être observés de jour comme de nuit. L'on affirme que les intermédiaires ne
négocient même pas le prix des bêtes, préférant les embarquer le plus
rapidement possible dans des poids-lourds, convaincus que tout sera vendu et
que la marge est assurée. D'autres sources ajoutent que la cause de la montée
vertigineuse des prix des moutons à M'sila provient aussi du fait que les
éleveurs de cette wilaya considèrent le citoyen ordinaire comme «un grand
client» à l'image des institutions et autres sociétés avec qui ils traitent à
longueur d'années et à qui ils proposent, à l'occasion de l'Aïd, à 50.000
dinars un agneau dont le prix ne dépasse pas dans les autres marchés à bestiaux
les 30.000 dinars.
L'absence de contrôle et de mesures efficaces pour réguler le marché du
bétail contribuent également, selon ces mêmes sources, à la montée de prix.
Actuellement, dans les 21 marchés à bestiaux de M'sila, les intermédiaires qui
foisonnent procèdent à des acquisitions en gros, bloquant par moments le marché
en une heure de temps, avant de revendre leur «stock» avec une marge
bénéficiaire de 3.000 dinars minimum par mouton. Le plus désolant dans cette
affaire est que certains maquignons que les scrupules n'étouffent apparemment
pas, qui encaissent en une semaine, à l'occasion de chaque Aïd, la somme
rondelette de 200.000 dinars, donnent à manger aux bêtes des aliments destinés
aux volailles ainsi que des fortifiants de leur composition avant «d'inonder»
les marchés de tout le pays avec des agneaux «dopés». A M'sila, cependant, la
supercherie ne passe pas vraiment. Les gens ici savent faire la différence
entre un agneau «bio» et un autre «dopé». L'on affirme dans ce contexte que la
toison de l'agneau à qui l'on a fait ingurgiter des aliments de volailles et
des fortifiants vire à un blanc neige, presque anormal, tandis que la couleur
de sa viande «blanchit» et son goût se rapproche de celui du poulet. La
supercherie ne passe pas, c'est peut-être trop vite dit. Rencontré au sortir
d'un marché, à Sidi-Aïssa, Abdelmoumen, la quarantaine, exhibe fièrement le
bélier aux cornes en colimaçon qu'il vient d'acquérir pour la somme de 90.000
dinars.