
Le kilo de poulet
à 420 dinars dans les marchés populaires de Constantine, ce n'est pas de la
fiction, mais bien une réalité difficile à admettre. «C'est de la pure folie
!», s'est exclamée, hier, une ménagère devant le comptoir d'un marchand de
poulet dans un souk de la ville. Estomaqués plus que surpris par les nouveaux
prix du poulet qui ont choisi ces derniers jours de Ramadan, marqués par les
préparatifs de l'Aïd, pour prendre leur envol, un envol spectaculaire, les
Constantinois sont plongés dans le désarroi et ne savent plus comment faire
pour honorer toutes les dépenses générées par cette fête de l'Aïd qui clôture
un mois de jeûne douloureux sur le plan financier. Hier matin, aux marchés
Boumezzou et des frères Bettou, dans le centre de la ville des rochers, les
clients qui se sont présentés devant les vitrines des bouchers et les étals des
marchands de poulets ont cherché à connaître les raisons de cette augmentation
survenue brusquement bien avant le week-end dernier. «L'embellie des mois de
mai et juin derniers où le prix du poulet a connu une chute précipitée en
s'affichant sous la barre de 200 dinars le kilo, n'a pas duré longtemps», nous
dit avec dépit un quinquagénaire qui faisait ses emplettes au marché Boumezzou.
Effectivement, à l'approche du mois de carême, les prix ont augmenté mais se
sont stabilisés au seuil de 340 dinars. «Et maintenant, les voilà qu'ils
reprennent l'ascenseur pour les étages supérieurs», ajouta notre interlocuteur
avant de prendre commande chez le marchand.
Allant aux
explications chez les marchands, nous avons interrogé successivement trois
d'entre eux, des gens en activité dans la filière avicole depuis des dizaines
d'années, et les réponses fournies par ces derniers se sont révélées tout à
fait identiques. Selon nos interlocuteurs, si les prix actuels tendent vers la
hausse, cela n'est que la conséquence de l'effondrement qu'ils ont connu avant
l'avènement de l'été et du Ramadhan. «L'explication est simple, nous dit un
marchand très au fait des problèmes du marché de la viande blanche. Il ne faut
pas chercher ailleurs car c'est la seule et véritable explication». Avant de
poursuivre en disant que les prix qui sont tombés assez bas à la fin du
printemps dernier ont causé des pertes financières énormes chez les petits
producteurs. Il connaît la plupart d'entre eux qui ont perdu dans l'affaire des
sommes allant jusqu'à 300 millions de centimes, et ce désastre les a contraint
à fermer les unités de production. «Il ne reste que les gros producteurs sur le
marché, dit-il, lesquels, profitant du déséquilibre qui s'est produit ainsi
entre l'offre et la demande, imposent des prix élevés». Ses collègues avec
lesquels nous nous sommes entretenus ajoutent d'autres facteurs, tels que la
proximité de l'Aïd El-Fitr et le 27e jour du Ramadhan où, durant ces
évènements, les gens achètent plus que d'habitude pour la «Nafka» et pour
stocker les denrées en prévision d'éventuelles pénuries généralement admises
durant trois ou quatre jours après l'Aïd. «Il y a aussi, complète un autre
marchand, ces commerçants de gros qui viennent des régions de l'Ouest et du
Centre, qui se présentent directement aux unités d'élevage et raflent toute la
production». Et d'ajouter qu'il faut relativiser en prenant en compte le fait
que ces deux derniers facteurs entrent pour peu dans l'explication de la
flambée des prix survenue ces derniers jours, car, selon lui, «les véritables
causes de celle-ci découlent en droite ligne de la chute drastique du prix du
poulet intervenue en mai et juin derniers».