
Les consommateurs se jettent têtes baissées
dans les bras des spéculateurs. C'est l'image reflétée par cette masse
impressionnante qui a pris d'assaut les marchés durant ces deux derniers jours.
On n'a pas dérogé à la règle qui veut qu'à la veille de chaque Ramadhan, les
ménages s'inscrivent automatiquement dans une course contre la montre pour
préparer la table du f'tour. Ainsi, la tête pleine d'imagination, un tas de
sachets alourdissant les bras et des sueurs qui tombent sur les fronts, la
foule offre un spectacle de fin du monde. « C'est le typhon qui est passé sur
les boucheries », ironise un jeune homme en passant hier devant les devantures
de frigos vides. Qu'importe la hausse des prix de la viande, blanche et rouge,
pourvu qu'on puisse dégoter un joli morceau à placer dans le congélateur. Passé
11 heures, pas un morceau de viande n'est resté sur les étals des vendeurs
informels de Souika, approvisionnés en viandes à partir de l'abattage
clandestin et qui écoulent leur marchandise à des prix raisonnables. D'où la
ruée des consommateurs dans les ruelles de la vieille ville, lesquels aussi
paradoxal que cela soit, n'aiment pas les brigades de contrôle, tout autant que
les vendeurs informels eux-mêmes. « Ce sont les consommateurs qui avertissent
les vendeurs informels de notre présence sur les lieux afin de leur permettre
de cacher leur marchandise avant notre passage, je ne comprends plus rien !»,
nous a confié avec un grand étonnement un contrôleur des services d'hygiène de
la municipalité. C'est ce même consommateur qui fait flamber les prix avec ses
mauvais réflexes et viendra au tournant se lamenter sur la cherté des produits
et verser des critiques acerbes contre commerçants et spéculateurs. La pression
forte de la demande a, ainsi, entraîné une hausse sensible dans la courbe des
prix. Achat à l'excès, stockage de lait et de produits alimentaires dans les
congélateurs domestiques, transformés en chambres froides, des marchés
grouillant de monde de bonne heure, car il ne faut pas se risquer à faire ses
courses dans l'après-midi, rien ne sera laissé chez le marchand, c'est le
marché en folie.