
La maison de la
culture Ali Zamoum de Bouira vient d'abriter une journée d'information et de
formation pour le personnel de la santé sur le thème de la toxicomanie. C'est
sous le slogan «Le toxicomane mérite respect et soins», que cette journée a été
entamée par les organisateurs et les participants qui ont tenu à donner le
meilleur d'eux mêmes pour cerner la problématique de la toxicomanie, en partant
de sa définition, ses causes, ses effets et sa prise en charge médicale et
thérapeutique. Bien que pratiquement toutes les interventions ont convergé vers
la certitude qu'un toxicomane est à prendre pour victime et non pour un fautif
à blâmer, cette constatation n'a pas empêché le Dr. Bouguermouh du service de
toxicomanie et maître de conférences à l'EHS de Blida, de tirer la sonnette
d'alarme quant aux proportions alarmantes et quasi pandémiques que prend la
toxicomanie. Selon les statistiques établies, 302 000 Algériens se droguent, et
0,38% de la population globale s'adonnent aux psychotropes. La tranche d'âge
des toxicomanes est comprise entre 12 et 35ans, selon l'intervenant qui notera
que 2,40% des étudiants prennent de la drogue à l'intérieur des campus
universitaires, et que 15,4 % parmi eux consomment de la drogue dans les cités
U. Sur un autre volet qui est le lien entre la toxicomanie et la maladie du VIH
(Sida) qui a été établi, le docteur remarquera que plus de 5 millions de
personnes dans le monde sont atteintes du virus du Sida du fait de leur
consommation de drogues et autres substances illicites. Pour le cas de
l'Algérie, il a été fait cas de 5381 séropositifs qui ont été recensés parmi
les toxicomanes. Entre la période comprise entre 2008 et 2012, l'EHS de Blida a
enregistré l'importance du taux d'admission des patients souffrant de
dépendances aux produits narcotiques dont le cannabis, la cocaïne, et
l'héroïne. Donc depuis l'année 2008, les patients étaient au nombre de 4 968
admis, et en 2012, le chiffre a connu un bond effrayant de 30%, car il est
passé à 6890 patients admis au niveau de ce service de toxicomanie. La forte
progression des toxicomanes entre 2008 et 2012, avec une nette prédominance de
la poly-toxicomanie (usage simultané ou alterné de plusieurs stupéfiants), a
été incontestablement observée. Le Dr. Hammani, responsable du centre
intermédiaire de suivi des toxicomanes (CIST) de Fouka, dans la wilaya de
Tipasa, donnera un aperçu sur le centre qui est une structure publique de santé
qui fonctionne depuis le mois de février 2012 et compte parmi les 53 CIST
planifiés dans le pays. La prise en charge de cet établissement comprend les
soins médicaux, le volet social, juridique, et assure un suivi
psychothérapeutique des toxicomanes. La cure de sevrage est également garantie.
L'encadrement du CIST de Fouka est formé de médecins généralistes,
psychologues, sociologues et de juristes.
Le Dr. Boudarene,
psychiatre libéral, exerçant dans la wilaya de Tizi-Ouzou, mettra à profit son
intervention pour expliquer l'effet des drogues et leurs dépendances en
neurologie. Il fera savoir que chaque drogue a son propre mode d'action, mais
le résultat est identique, sauf qu'il arrive que parfois la dopamine libérée à
partir de l'usage de la substance prise à forte dose provoque des overdoses
mortelles pour le consommateur. Les exemples sont légion dans ce domaine. A la
fin, le Dr. Djeridane, médecin coordinateur à l'EPSP de Bouira, a eu à traiter
le thème de la toxicomanie qui touche malheureusement la frange juvénile. Il en
est résulté, d'après le travail qu'il a effectué, la constatation d'un taux de
28% de jeunes qui consomment occasionnellement ou en permanence des
stupéfiants. Ainsi, quand l'échec scolaire, le manque d'intérêt accordé aux
études, des familles déchirées aux comportements antisociaux, une communauté
désemparée par les vicissitudes de la vie, rendent incontestablement les
adolescents des proies très faciles et vulnérables, en même temps, aux drogues
de toutes sortes. La seconde partie de cette journée d'information sur la
toxicomanie a été réservée au comment de la prise en charge psychiatrique des
toxicomanes. A cet effet, le docteur Abd el-Hafid Bouslimane, psychiatre à
l'EHS de Oued Aïssi dans la wilaya de Tizi-Ouzou, et M. Derguini, psychiatre à
l'EHS de la wilaya de Blida, ont fait comprendre que la toxicomanie n'est pas
un phénomène passif, et que le sevrage ou la désintoxication ne sont pas des
traitements. Il s'agit selon eux en revanche, d'apporter une attention
particulière à chaque patient, de soulager son inquiétude, afin de lui garantir
un meilleur accueil en phase intermédiaire qui lui permettra d'aborder le
passage à la thérapie. Sauf que selon les spécialistes, l'accueil quelque soit
sa garantie ne suffit pas, sans qu'il soit suivi d'un travail psychologique et
psychiatrique. Ce qui fera dire au Dr. Aït Sidhoum, un autre intervenant, que
«toutes les méthodes qu'emploient les psychiatres sont infructueuses, parce
qu'ils se limitent uniquement au suivi, et à l'entame d'une séance de
discussions avec les patients, alors que des cas requièrent d'autres
solutions». A partir de ce constat, le docteur Aït Sidhoum déplore l'absence du
travail d'investigation pour identifier les causes qui mènent et provoquent
l'accoutumance aux drogues.