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La Tunisie à la recherche d'un chef de gouvernement : Ghannouchi sous pression pour reconduire Jebali

par Salem Ferdi

L'idée d'un gouvernement technocratique avancée par le chef de gouvernement tunisien a vécu en raison de l'hostilité manifestée par son propre parti Ennahda et une majorité d'élus à l'Assemblée nationale constituante (ANC), Hamadi Jebali en a tiré les conséquences en remettant, mardi soir, sa démission au président de la République, Moncef Marzouki. C'est un échec, prévisible, dans un contexte de crise politique et de forte polarisation entre islamistes et modernistes. Outre le chef du gouvernement sortant, les noms du ministre de la Santé Abdelatif Mekki et de Mohamed Ben Salem, ministre de l'Agriculture sont cités. Hamadi Jebali pourrait éventuellement reprendre la main, le mouvement Ennahda voulant éviter de paraître irrémédiablement divisé n'étant pas hostile à sa reconduction. Et comme Jebali a acquis une popularité assez paradoxale chez les modernistes et les laïcs, Ennahda pourrait choisir de les rassurer en le reconduisant. Deux dirigeants de l'opposition se sont dit favorables à un gouvernement réduit mêlant politiques et technocrates sous la houlette de Jebali. Mais ce n'est qu'une hypothèse parmi d'autres. Hier, en début de soirée, aucun nom n'a émergé après des consultations entre Moncef Marzouki et Rached Ghannouchi. En vertu de la loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics, le président de la République charge le parti majoritaire à l'Assemblée nationale constituante de former un gouvernement dans un délai de 15 jours. Il revient donc en pratique à Rached Ghannouchi de désigner un chef de gouvernement. Le chef du mouvement islamiste a déclaré, à l'issue de l'entretien avec Marzouki : «Pour l'instant, on n'a pas de nom». Le chef du mouvement Ennahda a indiqué qu'il discutait avec Jebali, le chef du gouvernement démissionnaire, pour qu'il rempile. C'est une hypothèse persistante et les proches du Premier ministre démissionnaire qualifient de «probable» sa reconduction aux affaires.

L'EUROPE VOTE JEBALI

Comment accepter un gouvernement «politique» après avoir échoué à imposer un gouvernement «apolitique», les proches de Jebali qui le disent «prêt à rester au service du peuple» indiquent qu'il a posé comme conditions la formation d'un gouvernement «à l'abri de tout tiraillement politique» et l'organisation, dans les plus brefs délais, de nouvelles élections. Il est difficile de comprendre ce que peut signifier un gouvernement «à l'abri des tiraillements politiques» dans une Tunisie en transition où les questions politiques sont très présentes et s'ajoutent aux grandes difficultés économiques et sociales. Le chef du parti Ennahda dit vouloir chercher une solution d'ici la fin de semaine. «L'affaire est entre les mains des islamistes», a déclaré le porte-parole de la présidence, Adnène Mancer, en espérant qu'un nom sera connu dès ce jeudi. Il faut noter également les louanges ostentatoires de Paris, Berlin et Bruxelles en direction de Jebali, en lui exprimant leur «respect». Catherine Ashton, chef de la diplomatie de l'UE, a même salué le «grand sens de l'Etat». Cela sonne comme une campagne pro-Jebali. Et une partie de la presse tunisienne, en général anti-islamiste, fait l'éloge de Jebali, pourtant secrétaire général en titre du mouvement Ennahdha.

L'agence de notation Standard and Poor's a abaissé mardi d'un cran la note souveraine de la Tunisie à «BB-» contre «BB», assortie d'une perspective négative en raison «des tensions politiques». Jebali a échoué, mais il a la cote pour se succéder à lui-même. A moins que Rached Ghannouchi sorte un autre nom?