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Préjugés et contre-vérités : La télé belge brouille l'image des Algériens

par Bureau De Bruxelles : M'hammedi Bouzina Med



Lors de la dernière visite de la délégation belge à Alger, la secrétaire d'Etat belge a largement exagéré le nombre de sans-papiers algériens.

La télé publique belge, la RTBF, n'a retenu que cela de la visite, allant jusqu'à accuser les sans-papiers de futurs terroristes. Lamentable !

La télévision publique belge, la RTBF, a couvert la visite de la délégation ministérielle belge en Algérie, de la semaine dernière, d'une étrange manière. Plus précisément en ce qui concerne la question migratoire entre les deux pays. En effet, à l'affirmation de la secrétaire d'Etat à l'Asile et l'Immigration, Mme Maggie de Block, qui chiffre à 5.332 (admirez la précision du chiffre) le nombre de clandestins (sans-papiers) algériens en Belgique, le journaliste s'est permis un commentaire pour le moins hallucinant : «L'Algérie craint que les sans-papiers algériens, de retour dans leur pays, ne deviennent des terroristes», affirme-t-il, pour expliquer le refus et la prudence de l'Algérie d'accepter, sans discuter, tout rapatriement de clandestin supposé d'origine algérienne. L'information est passée en boucle toute la soirée dans le journal télévisé de la RTBF. Cela mérite, certainement, une «mise au point» tant la question migratoire, au-delà de sa dimension humaine, est devenue un enjeu de surenchère politique en Belgique comme dans toute l'Europe. Il est clair que Mme Maggie de Block confond le chiffre des arrivées des touristes algériens en Belgique et celui des sorties de Belgique. C'est-à-dire qu'elle suppose que tout touriste avec un visa belge est obligé de repartir par la Belgique. Or, la réalité démontre qu'une grande majorité de touristes (pas uniquement algériens d'ailleurs) qui débarquent dans un aéroport belge circulent dans le reste des pays de l'espace Schengen (26 pays pour rappel). Les nôtres, les touristes, transitent souvent par la France, l'Angleterre, l'Italie ou l'Espagne. La majorité d'entre eux repartent (très peu restent) de France ou d'Angleterre. Lorsqu'on chiffre à près de 30.000 Algériens résidents légaux en Belgique, le chiffre de 5.332 représente plus du sixième de la totalité de l'immigration algérienne. Est-ce possible ? Sans nier la présence de clandestins d'origine algérienne en Belgique, l'exagération du chiffre et son lancement «à la figure» de son homologue algérien, Belkacem Sahli, sonnait comme un reproche diplomatique à l'Algérie. Ensuite, le journaliste, qui s'est permis le commentaire «divinatoire» de la nature des sans-papiers (de futurs terroristes), traduit bien les clichés et autres préjugés collés, non pas seulement aux sans-papiers, mais à tous les Algériens qui voyagent hors de leur pays. Parce qu'il faut bien nous expliquer la relation entre un jeune (ou vieux d'ailleurs) qui souhaite s'installer ailleurs pour «X» raisons et le terrorisme islamiste. A moins qu'en Belgique, il existe des écoles de formation de terroristes islamistes qui profitent de la détresse des sans-papiers pour les recruter et en faire de futurs terroristes dans leur pays d'origine. Cherchez le coupable. Face à de telles certitudes journalistiques, le secrétaire d'Etat algérien en charge de l'immigration, M. Belkacem Sahli a, selon l'extrait passé par la RTBF, répondu par un argument tout aussi surprenant : «80% de ceux qui se déclarent Algériens ne le sont pas». Et de rappeler ensuite les obstacles et lenteurs bureaucratiques dans la délivrance des visas touristiques pour les Algériens. Allez savoir d'où provient ce pourcentage de 80%. Du coup, la secrétaire d'Etat belge, qui accompagnait son ministre des Affaires étrangères, Didier Reyderns, promet que la Belgique va assouplir la procédure de délivrance de visas. Cela rappelle les promesses de bien d'autres diplomates européens et l'on sait ce qu'il en est dans la réalité. Mais revenons à la question de fond : le nombre des sans-papiers. Si on suit le raisonnement de Mme Maggie de Block, elle promet d'assouplir et d'augmenter le nombre de visas, tout en dénonçant le nombre élevé des sans-papiers et la mauvaise coopération de l'Algérie en matière de réadmission des clandestins. Pour une diplomate, c'est un peu contradictoire, voire démagogique comme discours. En revanche, dans l'information rapportée par la RTBF sur ce sujet, il n'a point été question des conditions d'accueil, de droits (et devoirs) des immigrés en Belgique comme en Algérie. Si la secrétaire d'Etat belge en charge de l'immigration a surfé sur le discours dominant en Europe qui associe les immigrés aux nouveaux fléaux transnationaux tels ceux de la traite humaine, de la violence, des trafics en tous genres jusqu'à déborder, selon la RTBF, sur le terrorisme islamiste, son homologue algérien (toujours selon la RTBF) a riposté par plus de visas pour les Algériens. Dialogue de sourds. En fin de compte, les politiques européens et pas seulement belges, non contents de faire supporter la crise économique et sociale aux classes les plus vulnérables (travailleurs, chômeurs, jeunes), sont encouragés par la RTBF qui a choisi d'en ajouter une autre catégorie de gens : les sans-papiers. C'est-à-dire ceux qui sont au bout du bout de la chaîne de la détresse humaine.