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Le G20 doit aller jusqu'au bout de l'effort d'allègement de la dette

par Olusegun Obasanjo*

LAGOS - Lorsque les dirigeants du G20 se sont réunis à Johannesburg le mois dernier, ils ont pu constater une sombre réalité : de nombreux gouvernements de pays en voie de développement dépensent plus qu'ils ne peuvent se permettre pour le service de la dette.

Pour continuer à verser des fonds aux créanciers étrangers, les dirigeants politiques de ces pays sont contraints de réduire les dépenses consacrées à l'éducation, à la santé et aux infrastructures. Ces pays sont jusqu'à présent parvenus à éviter le défaut de paiement, mais au détriment de leur propre développement.

Le fait que des gouvernements d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine doivent fermer des hôpitaux et annuler des programmes de cantine scolaire pour assurer le service de leur dette constitue un échec non seulement moral, mais également stratégique. Un monde dans lequel des pays ne peuvent pas investir dans la croissance et le développement durables aura du mal à atteindre la stabilité, la prospérité et la résilience climatique.

Il y a cinq ans, en pleine pandémie de COVID-19, le G20 a mis en place le Cadre commun pour le traitement de la dette, afin de permettre aux pays lourdement endettés de restructurer leur dette de manière ordonnée, rapide et équitable. L'aide promise ne s'est malheureusement pas concrétisée. D'après le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, 37 des 67 pays à revenu faible éligibles à des financements concessionnels sont aujourd'hui en situation de détresse de la dette, ou à haut risque de le devenir. Or, seuls quatre d'entre eux – Tchad, Zambie, Ghana et Éthiopie – ont sollicité une restructuration dans le cadre de ce mécanisme, et l'expérience de ces pays révèle les faiblesses du cadre commun, qui ne permet qu'un allègement très insuffisant et tardif.

En réponse, le G20 a confié le problème à des organismes technocratiques, chargés d'accélérer le processus et d'accroître l'allègement. Ce travail technique est certes important, mais il ne suffit pas. Les pays débiteurs déplorent une politique de la demi-mesure, et parlent désormais moins d'une « crise de la dette » que d'un « marasme de la dette » – une situation d'impasse pour tous les acteurs, qui demeurent dans l'attente d'un changement jamais au rendez-vous.

Pendant ce temps, et depuis 2022, les créanciers privés étrangers retirent leurs capitaux des économies en voie de développement.

Le message est clair : les risques sont trop élevés, et aucune solution significative n'est en vue. Lorsque les investisseurs se retirent, les gouvernements doivent se démener pour emprunter auprès d'autres sources.

Les banques multilatérales de développement (BMD) et le FMI sont venus à la rescousse, ce qui a entraîné la montée en flèche de leur part dans la dette extérieure des pays en voie de développement – qui dépasse aujourd'hui 75 % pour une vingtaine de pays – avec pour conséquence un cercle vicieux : lorsque des organisations multilatérales, qui n'acceptent aucune décote dans les restructurations, détiennent la majeure partie de la dette souveraine d'un pays, les créanciers privés deviennent encore plus réticents à investir.

Pour en finir avec ce marasme de la dette, il est nécessaire que les dirigeants du G20 rétablissent la confiance dans le Cadre commun, et qu'ils agissent sans tarder. Ils doivent notamment rassurer les pays débiteurs sur le fait que les demandes d'allègement seront traitées rapidement, équitablement et généreusement.

Le récent communiqué des dirigeants du G20 et la déclaration de leurs ministres des Finances concernant la viabilité de la dette n'ont fait que reprendre les travaux techniques déjà menés, et ne sont par conséquent pas à la hauteur des besoins. Des engagements plus forts doivent être soutenus par des actions concrètes.

Premièrement, les dirigeants du G20 doivent lutter contre les préjugés négatifs associés à la restructuration. Lorsque la dette devient un frein à la croissance, la sollicitation d'un allègement et la mise en œuvre de réformes doivent être considérées comme une gouvernance économique responsable.

Deuxièmement, l'allègement doit être significatif. Une réduction symbolique, qui ne laisse aux pays débiteurs qu'une marge de manœuvre budgétaire limitée, ne fait que prolonger la crise. Les dirigeants du G20 doivent reconstituer de manière proactive les fonds d'allègement de la dette. Il est compréhensible que les contribuables des pays à revenu élevé, eux-mêmes confrontés à des dettes fortement croissantes, s'opposent à ces coûts. Ils ne doivent cependant pas oublier que la poursuite du renflouement de créanciers privés, indirectement au travers des BMD, est également coûteuse. L'allègement de la dette sera d'autant moins onéreux qu'il interviendra rapidement.

Troisièmement, les créanciers privés doivent être tenus de fournir leur part d'effort. Sur la base du principe de comparabilité de traitement, chaque dollar d'allègement de la dette de la part des créanciers publics doit être égalé par les créanciers privés.

Les dirigeants du G20 doivent soutenir les législations nationales qui appliquent cette politique. L'approche d'autorégulation adoptée ces deux dernières décennies par les détenteurs d'obligations ne fonctionne pas avec les autres créanciers privés, et il suffit d'un seul créancier récalcitrant pour faire échouer un processus de restructuration de la dette.

Certains affirment que l'allègement de la dette rendra l'emprunt plus coûteux pour les pays débiteurs à l'avenir. La réalité, c'est que leurs coûts d'emprunt sont déjà prohibitifs. L'assainissement du bilan de ces pays permettrait d'attirer les investisseurs plus rapidement que la mise en œuvre de mesures d'austérité. Les investisseurs, ayant subi des pertes, deviendront plus perspicaces, et exigeront des primes de risque de la part des pays qui n'améliorent pas la gestion de leur dette – une incitation bienvenue à la bonne gouvernance.

Le G20 est confronté à une confluence de chocs géopolitiques, climatiques et économiques. Il n'en demeure pas moins que le marasme de la dette des pays en voie de développement concerne tous ses États membres. Ce n'est qu'en s'attaquant à ce défi sous-jacent que nous pourrons espérer surmonter tous les autres. Les dirigeants du G20 se sont engagés à alléger la dette. Ils doivent maintenant avoir le courage d'achever le travail.



*Ancien président de la République du Nigeria, est membre du Club de Madrid.