Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Banditisme ou attaque de l'Economie algérienne : Le procès des faux-monnayeurs de Lyon s'est ouvert hier

par Moncef Wafi

« C'est une affaire sans précédent. D'habitude, les billets contrefaits sont fabriqués de façon très artisanale et qu'il ne s'agissait que de montants relativement faibles. Là, c'est très différent car les rouleaux volés permettaient d'imprimer l'équivalent de 2,5 milliards d'euros". Les déclarations de Rémi Chaine, avocat de la Banque centrale d'Algérie qui s'est constituée partie civile, lors de ce procès, ouvert hier, pour se poursuivre sur trois semaines, renseignent sur le caractère exceptionnel d'un réseau de faussaires qui aurait pu faire vaciller l'économie algérienne, pour peu que les faux billets aient été mis en circulation, à l'intérieur du pays. C'était en 2009 que l'un des plus importants réseaux de contrefaçon de billets de banque algériens est tombé, à Lyon. " C'est l'une des plus importantes affaires de fausse monnaie en France, ces dix dernières années ", avait-on estimé à l'époque. L'enquête confiée à l'autorité de la Juridiction inter-régionale spécialisée (Jirs), par les polices judiciaires de Lyon et Marseille, avec l'appui de l'Office central français de répression du faux monnayage, a permis le démantèlement de ce réseau de faux-monnayeurs et l'arrestation de douze hommes, écroués à Lyon pour avoir participé à la contrefaçon de millions de billets de 1.000 dinars algériens, fabriqués dans une imprimerie clandestine, au beau milieu d'un atelier insalubre, installé à la rue du Lac, dans le 3ème arrondissement de Lyon. Tout est parti du braquage d'un poids lourd autrichien, commis à l'aube du 30 novembre 2006, sur l'autoroute à hauteur des Arnavaux, à Marseille, à l'occasion duquel 44 rouleaux de papier fiduciaire vierge (20 tonnes) avaient été dérobés. Les enquêteurs mèneront deux vastes coups de filet, dans le milieu de la fausse monnaie, après la découverte de deux imprimeries qui fabriquaient des faux billets de 1.000 dinars algériens, vraisemblablement à partir des feuilles de papier fiduciaire volées à Marseille. La première était démantelée à Naples, en Italie, en janvier 2009, par la 'Guarda des Financa' de Naples. À l'intérieur, les policiers découvraient 345.000 coupures de 1.000 faux dinars algériens, fabriqués à l'aide de plaques offset. Un renseignement d'Interpol avait mené les policiers de la PJ marseillaise sur la piste locale. Des Marseillais étaient, en effet, soupçonnés d'être les commanditaires de ce vaste trafic. Six personnes seront donc interpellées, dans un premier temps, et trois présentées devant un juge de la 'Jirs' de Marseille. Ces 3 hommes, âgés de 31, 49 et 38 ans, dont le fils d'un ancien membre du gang de " La Brise de mer ", ont été mis en examen pour " trafic international de fausse monnaie " et écroués.

40 ROULEAUX ENCORE DANS LA NATURE

Ces interpellations avaient été déclenchées au même moment où la PJ marseillaise, notamment la Brigade de recherche et d'intervention (BRI), avait été sollicitée par son homologue lyonnaise pour arrêter 3 autres Marseillais, soupçonnés d'être impliqués dans une affaire similaire. Là, c'est dans le 3ème arrondissement de Lyon, qu'une imprimerie clandestine avait été délogée au beau milieu d'un atelier insalubre. Le réseau lyonnais disposait de rouleaux entiers de papier fiduciaire (plus de 17.000 feuilles), avec la trame et le filigrane sécurisé, qui étaient destinés à la fabrication officielle de la monnaie algérienne. Les rouleaux, d'un poids moyen de 400 kg, proviendraient aussi du braquage à Marseille de 2006. " Ces rouleaux ont été remis par des malfaiteurs marseillais au réseau lyonnais en septembre dernier, à Cavaillon, dans le Vaucluse. Ils ont été stockés dans un entrepôt de Villeurbanne, puis transférés dans le 3ème arrondissement", avait précisé, alors, le directeur de la PJ de Lyon. Une fois imprimés, les billets étaient numérotés à Saint-Etienne par un informaticien. Lors de leurs interpellations à Saint-Genis-Laval, les faussaires se préparaient à vendre 48.000 billets. Et 250.000 coupures auraient déjà été écoulées par le réseau lyonnais, dont d'autres membres ont été arrêtés à Marseille, Montélimar, Saint-Etienne et Paris. " Ils s'apprêtaient à se lancer dans la production de masse ", a indiqué la PJ. Ces délinquants, dont certains sont fichés au grand banditisme, encourent jusqu'à 30 ans de réclusion. Le procès doit préciser le rôle de chaque accusé dans cette affaire et faire la lumière sur la manière dont ces faux dinars étaient écoulés en Algérie.

 Et c'est justement tout l'enjeu de ce procès qui sera certainement suivi de près par Alger. L'on se rappelle que ces affaires avaient fait grand bruit dans le monde de la finance algérienne, d'autant plus que de grosses sommes en fausse monnaie avaient déjà franchi les frontières. Une source de la plus haute autorité monétaire du pays avait laissé entendre que le gouverneur de la Banque d'Algérie s'est saisi de l'affaire, alors que des scénarios de parade ont été mis en branle. La Banque d'Algérie entendait renforcer le contrôle des flux de capitaux à destination de l'Algérie afin de détecter la fausse monnaie en circulation. " On a une grande inquiétude sachant qu'il reste encore 40 rouleaux dans la nature", ajoutera Rémi Chaine comme pour dire que l'affaire n'a pas encore livré tous ses secrets.