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Dans un livre
autobiographique : «Un long chemin de la liberté», Fayard, 1995, Nelson Mandela
se raconte. Il est né le 18 juillet 1918, à Qunu, un petit village traditionnel
de l'ancien bantoustan du Transkei. Son père, de la famille royale des Thembus,
étant polygame, l'enfant a vécu au sein d'une famille traditionnelle nombreuse.
Nelson parle de son enfance, de sa scolarité à la mission, puis au lycée et de ses études de droit à l'université de Fort Harare. Là, il prend contact avec des cadres du parti communiste qui militent dans l'ANC. Intéressé, il se plonge dans l'étude des classiques du marxisme pour étudier la philosophie du matérialisme historique et dialectique, ce qui «l'aide à voir la situation autrement qu'à travers le prisme des relations entre Noirs et Blancs», il ne devient pas communiste, sans être hostile à un parti dont les militants sont des cadres-organisateurs des syndicats et qui n'est pas le relais de la politique de l'État soviétique. En 1943, membre fondateur et leader de la Ligue de la jeunesse de l'ANC, il est le principal rédacteur d'un Manifeste qui formule le programme du nationalisme sud-africain : «L'Afrique du Sud est un pays qui compte quatre principales nationalités, dont trois (les Européens, les Indiens et les métis) sont minoritaires, et trois (les Africains, les métis et les Indiens ) subissent une oppression nationale. [...] Il faut bien comprendre que nous ne sommes pas contre les Européens en tant que tels ? nous ne sommes pas contre l'Européen en tant qu'être humain ?, mais nous sommes totalement et irrévocablement opposés à la domination et à l'oppression blanches. [...] Nous ne sommes pas opprimés en tant que classe, mais en tant que peuple, en tant que nation.» En 1948, l'apartheid est promulgué. L'année suivante, l'ANC abandonne à son congrès de Bloemfontein, quarante ans de respect scrupuleux de la légalité et adopte la Charte de la Ligue de la jeunesse : structuration de l'ANC, actions de masse, grèves, boycott, désobéissance civile et refus de coopérer avec le régime. Élu à la présidence de la Ligue des jeunes de l'ANC en 1951, Mandela critique le Parti libéral qui ne propose que des réfor es tout en restant dans le cadre du régime de l'apartheid et il invite les Blancs à rejoindre l'ANC : «Nous, membres du mouvement de libération non européen, nous ne sommes pas racistes. Nous sommes convaincus qu'il existe parmi les Blancs des milliers de démocrates honnêtes qui sont prêts à défendre fermement et courageusement une égalité inconditionnelle et à renoncer complètement à la «suprématie blanche». Mais on ne peut construire aucune alliance véritable sur les sables mouvants du faux-fuyant, de l'illusion et de l'opportunisme.» Mandela mène une vigoureuse campagne pour l'abolition des lois discriminatoires. Il est arrêté, libéré puis arrêté de nouveau en 1956. Il précise alors certains points de la Charte : «La Charte est beaucoup plus qu'une simple liste de demandes pour des réformes démocratiques. C'est un document révolutionnaire précisément parce que les changements qu'elle envisage ne pourront être réalisés sans briser le cadre économique et politique actuel de l'Afrique du Sud. [...] Mais si la Charte réclame des changements démocratiques de grande envergure, ce n'est en aucun cas le projet d'un État socialiste, mais le programme pour l'unification des différentes classes et communautés sur une base démocratique. Il est vrai qu'en demandant la nationalisation des banques, des mines d'or et de la terre, la Charte porte un coup fatal aux monopoles financiers et miniers et aux intérêts des fermiers qui pendant des siècles ont pillé ce pays et condamné son peuple à la servitude. Mais cela est impératif, car la réalisation de la Charte est inconcevable, en fait impossible si ces monopoles ne sont pas écrasés et si la richesse nationale n'est pas rendue au peuple.» L'ANC étant interdite, Mandela fait adopter la création de l'Umkhonto we Sizwe, la branche armée de l'ANC et il entre dans la clandestinité. Il se rend au Royaume-Uni, en Éthiopie où il reçoit une formation militaire, en Tunisie et en Algérie. À son retour, il est arrêté, condamné à perpétuité ; il est emprisonné au bagne de Robben Island qu'il ne quittera que le 11 février 1990 après 27 ans de détention. En novembre 1992, Mandela divorce de Winnie, sa seconde femme, devenue encombrante. Président de l'ANC redevenu un parti légal en 1991, il mène des négociations avec le Président De Klerk qui aboutissent lorsque l'ANC renonce à la lutte armée. En septembre 1992, les deux dirigeants qui reçoivent conjointement le Prix Nobel de la paix signent un document qui préconise la tenue d'une Assemblée constituante, une constitution provisoire et un gouvernement de transition. Le 27 avril 1994, l'Afrique du Sud connaît ses premières élections libres. L'ANC ayant remporté 62 % des voix, Mandela devient le premier président de la République sud-africaine postapartheid. Le 18 juillet 1998, Mandela se marie avec Graça Machel, la veuve de Samora Machel. Estimant sa tâche terminée, Mandela passe le flambeau à Thabo Mbeki, son vice-président. Invictus, le film de Clint Eastwood a proposé une version un peu hollywoodienne de la réconciliation raciale, mais la grandeur de Mandela est d'avoir fait accepter par les différentes communautés, de cohabiter dans une Afrique du Sud fondée sur les principes de la démocratie sociale et politique. La comparaison entre Mandela et Messali est fort intéressante. La démarche des deux hommes pour élaborer leur doctrine sur le nationalisme est identique : connaissance du marxisme et intégration de sa doctrine dans le programme du nationalisme (l'expropriation des banques, des mines, réforme agraire, libertés démocratiques, laïcité de l'État, Constituante élue au suffrage universel par tous les habitants du pays (Noirs, Européens, Métis, Indous) en Afrique du Sud, (Européens, Juifs et Musulmans) en Algérie. Même intérêt pour les syndicats et l'émancipation des femmes, même conception des problèmes internationaux et enfin création d'une section armée de l'ANC sous la direction de Mandela, création de l'Organisation Spéciale (OS) sous la direction de Messali. À la sortie de prison, le président De Klerk a tendu la main à Mandela et après l'abrogation de l'apartheid, ils ont élaboré ensemble une solution démocratique (des élections libres à une Assemblée constituante souveraine) offrant toutes les garanties aux minorités blanches, hindous et métis. 16 ans après la fin de l'apartheid, l'Afrique du Sud connaît de graves problèmes sociaux et raciaux, des inégalités, le Sida et une criminalité aiguë. Il n'en reste pas moins que l'espoir est permis puisque toutes les populations ont adopté des institutions démocratiques et qu'ils se considèrent comme citoyens d'une même patrie. Le cas le plus symbolique est la remise par le Président Mandela de la coupe à l'équipe de rugby championne du monde, une équipe formée que de blancs. En Algérie, qui n'a pas connu l'apartheid et 50 ans après, force est de constater que Messali Hadj après sa libération en 1959 et son acceptation du discours de De Gaulle sur l'autodétermination n'a pas été reçu par le président français. À la différence de De Klerk, il a préféré négocier avec le FLN/GPRA pour conserver les investissements du Grand capital, le pétrole, la base Mers el-Kébir et les bases atomiques du Sahara. Sans état d'âme, il a créé les conditions pour un exode massif de tous les Européens, le massacre des harkis et des messalistes et l'installation à Alger d'un État militaro-policier avec l'Islam comme religion d'État. Le résultat est là et ne cherchons pas à créer, comme à Rome, un culte impérial pour un chef d'État qui n'a pas eu ni l'intelligence, ni la sagesse du président sud-africain De Klerk. |
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