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Mali, Libye, ou comment l'Algérie a été disqualifiée

par Abed Charef



Durant la crise libyenne, l'Algérie avait été paralysée par une opération de propagande d'envergure. Au Mali, elle est prisonnière à cause

de l'affaire des otages. Un travail de pro.

Une alliance très improbable s'est nouée au nord du Mali entre Ansar Eddine, une organisation islamiste aux contours vagues, navigant entre chariaa, nationalisme, et revendications socio-politiques ; et un Mouvement National de Libération de l'Azawed (MNLA), qui se présentait il y a encore un mois, comme un mouvement démocratique, laïc et moderne, résolument hostile aux idées théocratiques d'Ansar Eddine.

Alliés contre le pouvoir central de Bamako, les deux formations hésitent entre une alliance de fait, sur le terrain, et des rivalités idéologiques et politiques difficiles à surmonter. Ce qui n'a pas empêché de nouvelles tractations qui ont failli mener, la semaine dernière, à une abdication pure et simple du MNLA face à Ansar Eddine, qui veut imposer la chariaa dans un Etat islamique au nord du Mali, avant d'œuvrer pour la restauration du califat. Le MNLA a en effet accepté de discuter un accord pour la création d'un «Conseil transitoire de l'Etat islamique de l'Azawed», qui devait proclamer la création d'un Etat islamique dans l'Azawed.

Cet épisode a confirmé que, malgré ses efforts pour rassurer ses partenaires externes, le MNLA parait bien léger. Il s'est laissé doubler à chaque étape. A moins qu'il n'ait été, dès le départ, qu'un simple sous-traitant travaillant au profit d'autres parties, comme c'est souvent le cas dans ce type de situation. C'est en effet le MNLA qui a lancé l'offensive au nord du Mali, à la mi-janvier. C'est également lui qui a remporté les premières victoires, conquis les premières villes, laissant entrevoir une possibilité de prendre le contrôle de cette vaste partie du territoire malien qui constitue la terre traditionnelle des Touareg.

Mais le MNLA a rapidement perdu la main, au profit des «cousins» de Ansar Eddine. Iyad Ag Ghaly, qui dirige Ansar Eddine, est en effet un cousin de Mahmoud Ag Ghaly, chef du MNLA. Ces liens ont leur importance, dans ces régions où relations familiales et politiques s'entremêlent, et où il est aussi difficile d'identifier les vrais acteurs que de les différencier des simples figurants. A titre d'exemple, Mahmoud Ag Ghaly a été militant indépendantiste touareg, puis diplomate malien en Arabie Saoudite, avant d'effectuer un mystérieux séjour au Qatar. Son chef d'état-major est un ancien colonel de l'armée libyenne !

De cet imbroglio, émergent pourtant quelques certitudes, très inquiétantes pour l'Algérie. Avec un phénomène qui se répète : dans la crise malienne, l'Algérie se trouve paralysée alors qu'un pays frontalier subit une crise grave. En plus de la nature de son système, qui ne favorise pas l'initiative, l'Algérie s'est retrouvée ligotée dès le moment où le consul général à Gao et six fonctionnaires du consulat ont été enlevés, lors de la prise de la ville. Quel est ce mystérieux groupe qui se manifeste juste pour kidnapper les fonctionnaires du consulat algériens, le Mouvement pour l'Unicité du Jihad dans l'Afrique de l'Ouest (MUJAO), sous l'œil bienveillant, ou impuissant, du MNLA et de Ansar Eddine ?

En tout état de cause, on se retrouve face à une situation qui a déjà prévalu en Libye : dès le début de la crise libyenne, l'Algérie avait été disqualifiée, puis mise hors-jeu, par une opération de propagande de haute volée, relayée en Algérie même par de nombreuses parties. L'Algérie avait été accusée d'aider militairement Maammar Kadhafi, de transporter des mercenaires travaillant pour lui, ou de lui fournir des armes, pendant que les vrais acteurs de la crise faisaient leur boulot.

Acculée à une position défensive, mise sous pression, l'Algérie n'avait pas réussi à influer sur le cours de la crise libyenne, alors que la solution aurait du être imposée par une action commune algéro-égyptienne. Au final, l'Algérie s'est retrouvée, avec les pays du Sahel, contrainte à subir les conséquences de la crise libyenne, avec notamment ces armes qui circulent dans toute la région, alors que les Européens pavoisent pour le beau rôle qu'ils ont joué en Libye.

Au Mali, le même scénario est en train de se répéter. L'Algérie a été paralysée dès le premier moment. Elle ne peut prendre aucune initiative, tant que les otages ne sont pas libérés. Elle est contrainte de s'en tenir à de vagues déclarations de principe, comme l'appel au dialogue et la nécessité de préserver l'intégrité territoriale du Mali. Ce qui montre que l'enlèvement des agents consulaires de Gao n'est probablement pas une simple opération criminelle destinée à demander une rançon, mais une étape dans une opération d'envergure.

Ce qui pose une autre question : qui est de MUJAO, qui a revendiqué l'enlèvement du consul et des fonctionnaires du consulat de Gao ? Cette organisation affirme qu'elle est dissidente d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique, que son champ d'action est l'Afrique de l'Ouest, mais jusque-là, ses opérations étaient toutes dirigées contre l'Algérie. Le MUJAO s'est manifesté uniquement pour kidnapper des humanitaires occidentaux travaillant dans les camps sahraouis, près de Tindouf, puis lors de l'attentat de Tamanrasset. En territoire algérien, dans une région traditionnellement inaccessible. Un tel acharnement et une telle efficacité révèlent un rare professionnalisme.