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La levée d’emprunts obligataires qu’il regrette presque, le plan de développement de la compagnie pour lequel il cherche de l’argent, la filialisation qui tarde à se faire, les manquements en matière d’hygiène et de sécurité auxquels il doit répondre, ce mercredi, devant l’organisme international de contrôle de l’aviation civile (SAFA), Wahid Bouabdellah a accepté de tout nous dire dans cet entretien. Le Quotidien d’Oran : actualité oblige, puisqu’on s’approche de la Coupe du monde, pourriez-vous nous indiquer la date de départ du premier vol d’Air Algérie vers l’Afrique du Sud ? Wahid Bouabdellah : L’équipe nationale s’envolera le 6 juin (aujourd’hui - ndlr) à 19h de Munich, avec à bord deux journalistes de la télévision, pour arriver à Durban, en Afrique du Sud, à 5h55 du matin. Les joueurs pourront ainsi dormir dans l’avion et arriver tranquilles à Durban. Pour ce qui des vols pour les supporters, il y en aura deux le 9 juin, un le 10 juin, trois le 11 juin et deux autres le 12 juin. Q.O. : Les supporters trouvent que le déplacement en Afrique du Sud coûte cher ? W.B. : Mais à l’origine il coûte au moins 250 000 dinars sous forme de vol charter. Le gouvernement a pris donc en charge 75% du prix, ce qui représente les trois quarts du billet. L’équipe nationale est transportée gratuitement et prise en charge par l’Etat y compris à partir de Munich. Q.O. : Ça aurait peut-être coûté moins cher, si Air Algérie assurait une ligne directe Alger-Johannesburg ? W.B. : Ce n’est pas Air Algérie qui fait la ligne Alger- Johannesburg parce que c’est très facile pour elle de le faire. Ceux qui la font, ce sont le flux de voyageurs, d’hommes d’affaires, de touristes parce que l’avion qui peut le faire est un long-courrier qui doit prendre au minimum 250 places. Il faut le remplir pour que la ligne soit rentable. On ne peut se permettre de faire ça comme l’a fait Khalifa pour la gloire et pour le drapeau. Q.O. : Ailleurs, il y a des formules promotionnelles pour remplir les long-courriers ? W.B. : Toutes les formules ont pour base le tourisme. Ce qu’on n’a pas. Alors même les charters reviennent cher parce qu’on doit acheter un billet pour lequel on facture le retour vide de l’avion. C’est comme si on payait deux fois le billet. Par contre, la reconfiguration du réseau Afrique pourrait peut être nous amener à faire du coatchering avec par exemple le Zimbabwe ou une compagnie nigérienne. On pourrait amener les voyageurs là-bas et faire une continuation avec l’une d’elle. C’est d’ailleurs dans notre programme. On est en négociation, mais c’est compliqué. Tout devient compliqué à cause des nouvelles mesures de sécurité imposées par l’Europe et par les Etats-Unis. Nous sommes quasiment surveillés 24 h sur 24. Q.O. : C’est depuis que l’Algérie a été inscrite sur la liste noire ? W.B. : Quelle liste noire ? Q.O. : Celle établie par les Etats-Unis et copiée par la France. W.B. : Il faut que vous sachiez que c’était bien avant cette soi-disant liste qu’on nous demandait de fournir des informations sur les passagers. Ce sont des échanges d’informations sécuritaires. On faisait ça depuis plus de 8 ans. Q.O. : Ce n’est donc pas un tabou ? W.B. : Non, ce n’est pas un tabou. On le fait depuis longtemps avec le Canada et les Etats-Unis. On envoie la liste des gens avec tous les détails et eux quand il y a quelqu’un qui vient de là-bas, ils font la même chose pour nous. Q.O. : C’est ce qui se passe avec la France ? W.B. : Oui mais comme ça a été dit l’année dernière, ça été mal pris. Il faut dire que tout ce qui vient de la France, c’est mal pris pour des raisons qu’on connaît. Il y a encore des pesanteurs historiques qu’on n’arrive pas à surmonter. Q.O. : Vous revenez de Marseille où la communauté algérienne se plaint de la cherté du billet émis par Air Algérie. Lui avez-vous promis de le revoir à la baisse ? W.B. : Notre communauté se plaint tout le temps des tarifs mais quand on a discuté très franchement, elle a vu que finalement le tarif n’est pas aussi cher que ça. J’explique : quand nos émigrés viennent en Algérie, ils négocient au départ le prix du billet qui est toujours promotionnel, donc soumis à conditions, c’est-à-dire un départ et un retour à des dates fixes. Mais en général, quand ils reviennent, ils changent de date. Je vous assure que pour trouver une place au retour, ils paient parfois deux fois le prix du billet et ils ne se plaignent jamais. Q.O. : Le billet est cher aussi sur les lignes domestiques. On estime que la compagnie ne fait pas beaucoup de promotions. W.B. : Ce n’est pas qu’on n’en fait pas mais on en fait beaucoup plus que les autres. Seulement on communique très mal. On est beaucoup moins cher que la concurrence mais les autres vendent beaucoup mieux. Par exemple, on a tenté l’expérience du yield, c’est le marketing pour la vente des places dans un avion comme d’autres le font pour le bateau ou l’hôtel. On l’a fait avec l’aide d’Air France Consulting, mais ça a très mal marché. Q.O. : Rien à voir avec des problèmes de concurrence ? W.B : Non, on a changé des réflexes et ça n’a pas donné. Il faut savoir qu’il y a des techniques très connues pour vendre et bien. Par exemple, quand Aigle Azur fait un Alger-Paris à partir de 12 000 dinars, vous allez trouver à peine deux places de libre. Quand vous vous présentez dans leurs agences, ils vous disent alors, on n’a plus ça mais on a un peu plus cher et ça marche. Q.O. : C’est un attrape-nigaud ? W.B. : Non, c’est le commerce. Q.O. : Pourquoi Air Algérie ne le fait-elle pas ? W.B. : Si, on le fait mais on ne vend pas que deux places, on en vend bien plus. Seulement ce sont les agences de voyages qui les achètent et bloquent les places pour les revendre plus cher. Q.O. : Mais trouvez-vous normal qu’un Alger-Paris fasse 50 000 DA ? W.B. : D’abord, celui qui voyage a les moyens de le faire. En plus, le billet d’Air Algérie est particulier. Tous les flux en Algérie, ce sont ceux qui partent dans un sens ou dans un autre mais pas dans les deux sens. En été, les avions qui ramènent nos émigrés repartent vides. Q.O. : Mais en été, les Algériens voyagent ? W.B. : Pas toujours. Ce sont des périodes. Q.O. : Ce sont alors les passagers qui paient les places vides ? W.B. : Presque en terme de comptabilité analytique. C’est vrai, on n’a pas un calcul de coût de la façon la plus optimale. C’est pour ça que j’ai mis en place une comptabilité analytique par vol parce qu’avant, on la faisait globalement. On a relevé une tendance à la baisse. Par exemple, cette année, nos billets n’ont pas augmenté par rapport à l’année dernière. C’est une première. Mais le plein tarif reste cher, c’est vrai. Il faut savoir quand même qu’on a eu des billets à 27 000 DA, ça dépend donc des périodes. Il en y a eu où il était à 17 000 DA. Ce n’est pas toute l’année qu’il coûte 50 000 DA. C’est dans des périodes où la demande est très élevée. Q.O. : Un billet d’Air Algérie à 17 000 DA ? Est-ce possible ? W.B. : En hiver, quand les avions sont vides. Oui, on communique mal. C’est pour cela que j’ai mis en place une direction marketing qui n’existait pas avant. Elle est chargée de promouvoir les ventes. On a remarqué dans l’aérien qu’on stimule la demande par l’augmentation de l’offre. Alors, on va le faire. Q.O. : Pourquoi avez-vous demandé à ce que l’Etat ne subventionne plus les billets pour le Nord ? W.B. : J’ai demandé à ce que ça soit annulé pour le Nord parce que d’abord, ce n’est pas une subvention que l’Etat donne mais une compensation pour suggestion publique parce qu’il juge qu’Air Algérie est un outil de désenclavement du territoire. Donc, c’est tout à fait normal qu’il prenne en charge la différence. Il ne le fait pas seulement pour les lignes domestiques. Actuellement, nous avons un cahier des charges qu’on remplit avec l’Etat. On doit donc satisfaire certaines conditions pour que l’Etat nous endosse la différence. Cette façon de faire existe partout, pas seulement chez nous. Nous, ce que nous faisons en plus, on subventionne l’Afrique. L’Etat prend en charge une grande différence pour promouvoir la destination Afrique. Q.O. : La demande est importante ? W.B. : Elle l’est mais elle pourrait l’être encore plus si on fait les connections utiles, c’est-à-dire sur la France, l’Europe en général, Dubaï, la Chine ou le Canada. Q.O. : Qu’est-ce qui empêche de le faire ? W.B. : Si on fait ces connections utiles pour l’Afrique, on est obligé de supprimer d’autres connections au détriment du domestique et du Maroc ou de la Tunisie. Q.O. : A ce point Air Algérie n’a pas d’argent pour élargir son réseau alors que son plan de développement exige d’elle bien plus ? W.B. : Non, Air Algérie va beaucoup mieux. Il était question d’élargir mais ce n’est pas en faisant des destinations à perte. Q.O. : C’est pour cela que vous n’avez pas ouvert la ligne Alger-New York ou Alger-Téhéran ? W.B. : Alger-New York, Alger-Téhéran, Alger-Kuala Lumpur, ce sont des lignes qui sont en train d’être étudiées. Pour Alger-New York, Air Algérie est prête, les Américains aussi. Mais il y a des accords bilatéraux sur le transport aérien du courrier qui ne le permettent pas comme c’est le cas de la concurrence de Fedex, UPS et DHL. Vous savez aussi que la loi algérienne consacre le monopole de la poste pour le transport du courrier de moins de 50 grammes. Les Américains ne l’acceptent pas. Q.O. : Une loi devait être votée pour lever ce monopole ? W.B. : On attend. Q.O. : Votre demande de recapitalisation d’Air Algérie avec 26 ou 28 milliards de DA a-t-elle été acceptée ? W.B. : Non, tout ce qui a été traité sur le capital n’a pas été fait. Ce qui l’a été, on nous a donné des conditions préférentielles pour acquérir la nouvelle flotte. Mais l’Etat n’a pas donné à la compagnie toutes les compensations à suggestions publiques depuis des années. Il en a donné juste une petite partie. Q.O. : Pourquoi ? W.B. : Parce que l’Etat a estimé que le réseau international doit subventionner celui domestique. Nous, nous disons non parce que nos gains sur l’international doivent nous aider à développer notre flotte. Q.O. : N’avez-vous pas lancé l’année dernière à cet effet une opération pour lever des emprunts obligataires ? W.B. : Oui mais on s’est estimés lésés parce qu’on payait beaucoup de frais financiers. Q.O. : Mais entre 2004 -2005, ces emprunts ont engrangé plus de 41 milliards de DA de gains, ce n’est pas rien ? W.B. : A quel taux ! Il était très très cher. Je payais des frais financiers de presque 4 milliards par an pour rien du tout. J’aurais aimé qu’on aille à la banque qui était à 6,5% alors que l’argent est disponible à 75%. Q.O. : En 2009, vous disiez pourtant que l’emprunt obligatoire était un mode de financement avantageux pour la compagnie ? W.B. : Parce qu’il n’y avait pas d’offre à l’époque. Il aurait été avantageux si on avait utilisé les ressources tout de suite pour l’achat d’avions. Mais on avait de l’argent placé à 2,5% (le meilleur placement sur la place est à 2,5%) alors qu’on a emprunté à 6,5%, on perdait donc 4% dans cet argent. Q.O. : Mais les avions devaient être achetés en 2009. La compagnie a donc changé de programme ? W.B. : On devait acheter en 2006, 2007, 2008, on ne l’a pas fait. Les 7 avions de 150 places et les 4 autres de 70, on les a achetés en 2010. Q.O. : Ils volent déjà ? W.B. : Les quatre de 70 places volent déjà. Le premier des 7 Boeing de 150 places arrive en septembre et les six autres arriveront à raison d’un avion par mois. Q.O. : La compagnie aurait besoin de 100 milliards de DA pour mettre en œuvre son plan de développement. Les avez-vous eus ? W.B. : On était parti sur un plan de financement mais malheureusement, l’Etat n’a pas été au rendez-vous pour certaines échéances comme le remboursement de la TVA, l’impôt sur bénéfice ou les compensations à suggestions publiques. Le calendrier a été décalé. On a commencé à utiliser les 41 milliards qu’on a levés par l’emprunt obligataire, on a acheté un simulateur, le 2ème est en cours, on a acheté des équipements, des pièces détachées, financé l’exploitation et la formation. Q.O. : La compagnie est donc endettée ? W.B. : On ne l’est plus. On avait des créances d’exploitation mais ce n’est rien du tout. Par contre, on avait 30 milliards de DA de créances détenues sur l’Etat qui ne paie pas tout de suite. On avait certes un déficit d’exploitation depuis 2004, 2005, 2006 et 2007 qui avoisinait 3,5 milliards de DA par an. A mon arrivée en 2008, nous avons agi sur la trésorerie et j’ai neutralisé les emprunts à 6,5%, ce qui m’a permis de gagner beaucoup d’argent. J’ai gagné un an de trésorerie en recourant à un autre système. Il faut savoir qu’Air Algérie recouvrait ses factures un an après. Les gens se faisaient pistonner pour payer. C’est inimaginable ! Mais c’était pour avoir une comptabilité nette. Q.O. : Comment ça marche avec les actions ? W.B. : Je ne sais pas si ça marche mais de toute façon, la valeur de l’action n’est pas importante. Par contre, j’ai remboursé l’Etat avant échéances et remboursé les épargnants. Les banques, par contre, refusent d’être remboursées parce qu’elles considèrent qu’on est leur meilleur client. Q.O. : Vous êtes comme pris en otage ? W.B. : Non, c’est légitime. Si j’étais banquier, j’aurais fait la même chose. Quelqu’un qui paie des taux d’intérêt à 6,5% par an, pourquoi je vais le lâcher ? Q.O. : Concrètement, qu’est-ce que vous avez entrepris comme actions au titre du plan de développement de la compagnie ? W.B. : On a renforcé les dessertes sur le Nord, on a fait des navettes y compris sur les Hauts Plateaux, les régions complètement désenclavées, Tiaret, Bechar, Mécheria… On a mis en place des dessertes même si leur taux de remplissage est quasiment nul parce que les gens ne voyagent pas. Les dessertes interrégionales (Constantine-Oran et autres) marchent bien. On a renforcé Tamanrasset. On lui a mis un avion le matin, dans la journée. Mais en été, on ne pourrait pas le garder parce qu’il fait trop chaud. On reprendra le vol de nuit. Q.O. : 70 destinations desservies par Air Algérie, est-ce une norme universelle ? W.B. : Si c’était une compagnie qui cherchait la rentabilité, ça ne le serait pas. Il faut savoir que la compagnie fonctionne avec une double vision, celle interne qui répond toujours à sa stratégie et celle de l’Etat qui a ses propres stratégies. On a demandé un certain nombre de choses qui dépendent de l’Etat comme par exemple faire de l’aéroport d’Alger un hub. Ça va doucement mais sûrement, c’est inscrit à l’ordre du jour. On a aussi demandé à ce que l’aéroport soit desservi par le métro et le tramway. Le ministre l’a accepté. Par contre, vous savez que chaque wilaya a son aéroport, c’est compliqué. Chacune veut avoir son départ sur Paris, sur El hadj, ce n’est pas rentable pour la compagnie, ni rentable pour la nation. Q.O. : Avez-vous pensé à regrouper des régions ? W.B. : On le fait mais ce qui est drôle c’est qu’il y a des régions où dès qu’on se soumet aux questions orales, on nous reproche de «les mettre de côté». Je citerais les gens de Tlemcen et de Batna, ce sont ceux qui nous embêtent le plus, ils veulent avoir un quotidien sur Paris, un autre sur Marseille, ce n’est pas possible. L’idéal est d’avoir une politique de transport en Algérie. Q.O. : C’est ce que l’Algérie n’a pas ? W.B. : On l’a mais elle doit changer. Par exemple, pour le transport du hadj, on ne peut plus avoir des petits avions de partout parce qu’ils ne sont pas acceptés en Arabie Saoudite. Q.O. : Comment ça va se passer cette année ? W.B. : On est à l’aise, on a affrété, il n’y a aucun problème. Le programme est fait et déposé. Nous allons nous réunir très prochainement avec l’aviation civile de l’Arabie Saoudite. Q.O. : Qu’est-ce qui a changé fondamentalement pour El hadj ? W.B. : L’année dernière, on avait eu 17 ou 19 aéroports d’où décollaient des avions. Pour cette année, on en a retenu 5 ou 6 seulement, Alger, Constantine, Oran, Tlemcen, Annaba, Ouargla ou Ghardaïa. Q.O. : Ce genre de redéploiement vous permet-il de réduire les coûts d’exploitation ? W.B. : Air Algérie est une petite compagnie par rapport à beaucoup d’autres, il ne faut pas se leurrer. On avait 42 avions, il y a 10 ou 15 ans de cela, aujourd’hui, on en a 10 en moins parce qu’on a arrêté une bonne partie de la flotte pour des raisons que j’ignore. Ce sont des avions qui pouvaient voler dans le ciel européen jusqu’en 2011. Peut-être à l’époque, il y en avait une valable mais elle ne l’est plus maintenant. Ces avions sont jetés sur le tarmac. Q.O. : C’était une décision politique ? W.B. : Non, c’était une décision de la compagnie. Q.O. : Est-il possible de les récupérer aujourd’hui ? W.B. : On ne peut plus le faire, un avion qui s’arrête 4 ans, il est pourri, on ne peut plus s’amuser à l’utiliser. Q.O. : Il n’y a rien à en tirer vraiment ? W.B. : Non, on est obligés de les vendre en ferraille. Plus on attend, plus ils ne valent plus rien du tout. A l’époque, on aurait pu en tirer 60 ou 100 millions de dollars. Quelque temps plus tard, on avait essayé de les vendre à 10 millions de dollars. On ne l’a pas fait. Aujourd’hui, on va les vendre au prix du fer. Q.O. : Comment pourrait-on utiliser un avion d’une manière économique, rationnelle et rentable à la fois ? W.B. : La réponse la plus facile, c’est sur les lignes qui rapportent le plus et pour nous, c’est la France. Malheureusement, on a beaucoup de concurrence sur ces lignes. Même si l’accord bilatéral partage entre la compagnie algérienne et les compagnies françaises, il y a une tolérance de 30% qui est toujours au profit de ces dernières qui sont plus nombreuses. En plus, elles nous prennent des passagers sur des dessertes. On les autorise à le faire, à tort ou à raison, je ne sais pas. De toute façon, tôt ou tard, l’Algérie va aller vers l’Open Sky… Q.O. : La concurrence va être féroce ? W.B. : Si l’Etat nous accompagne, il n’y a aucun problème. Il nous dit ce qu’il veut faire. Il faut pour cela, un schéma de transport national et international clair. Q.O. : C’est ce que vous appelez une politique nationale de transport ? W.B. : Avec en plus le développement des aéroports, parce que tout est lié. Entre l’autoroute, le train et l’avion. Il faut y réfléchir. Q.O. : L’Open Sky dépend-il que de la levée du monopole de la poste ou répond-il à d’autres considérations ? W.B. : On le prend comme une panacée, mais l’Open Sky a fait par exemple beaucoup de mal à Royal Air Maroc alors que le Maroc a des touristes. Si on le signe, la compagnie aura toujours à s’acquitter de ses obligations nationales alors que les autres vont ramasser le plus juteux avec des prestations minimes. En plus, le pavillon national historique a d’autres problèmes à régler avant. Nous avons des problèmes de sureffectifs… Q.O. : Vous avez déclaré que les gros-porteurs ne rendent pas service à la compagnie. Comptez-vous les vendre ou les affréter ? W.B. : On en a 8 (3 Boeing 767 et 5 neufs, des Airbus 337). Ils sont faits pour voler au minimum 6h d’une seule traite. On pensait les affréter mais comme on n’a pas d’autres avions, on les utilise sur Marseille, Oran… Q.O. : Ils ne peuvent pas servir pour El hadj ? W.B. : Si, 5h d’ici à La Mecque, on peut se permettre de le faire. Pour la Chine et Montréal aussi. Q.O. : La ligne directe Alger-Pékin fonctionne-t-elle bien ? W.B. : Ça marche tellement bien qu’il y a une compagnie chinoise qui s’installe pour la faire mais en passant par Doha. Q.O. : Ce ne serait pas de la concurrence quelque peu «précipitée» pour Air Algérie ? W.B. : Ils ont le droit. On voudrait bien qu’ils ne viennent pas mais l’accord veut qu’il y ait une compagnie algérienne et une autre chinoise. Q.O. : Il était question un certain moment qu’Air Algérie s’associe à Tassili Airlines pour desservir l’intérieur du pays W.B : Il était question de réorganiser la filiale domestique surtout pour ce qui est des pétroliers puisque Tassili Airlines est spécialisée dans le transport pétrolier et tout ce qui est aérien pour la surveillance des pipes. La compagnie démarre doucement. Q.O. : Air Algérie devait être dans le capital de Tassili Airlines W.B. : Elle y a été, à la décharge de Tassili Airlines, c’est Air Algérie qui a abandonné. Q.O. : Ce n’était pas rentable pour la compagnie ? W.B. : Non, ce sont des problèmes personnels, des problèmes d’humeur qui ont fait capoter le projet. Q.O. : Y aurait-il une possibilité de renégocier ce partenariat ? W.B. : Si la compagnie le voudrait, je ne trouverai aucun problème à le faire. Q.O. : Qu’en est-il de la filialisation de la compagnie ? W.B. : La filialisation a été décidée en 2004. Au début, on a créé des filiales qui ne pouvaient jamais fonctionner, comme le catering par exemple qui est une prestation de service qu’on a refait avec une technologie beaucoup plus ancienne que celle qui existait. La décision de le filialiser est certes sans appel. Il faut y aller rapidement d’abord parce qu’on perd beaucoup d’argent en faisant du frais à bord. Q.O. : Pourquoi pas le congelé ? W.B. : Pour le faire, il faut investir et former. Q.O. : Quelle est votre formule à vous pour réussir la filialisation ? W.B. : Il nous a fallu deux ans pour voir plus clair dans la compatibilité. On va filialiser le catering peut-être avant la fin de l’année, si le commissaire aux comptes nous donne les accords. C’est presque sûr qu’on va ouvrir le capital de la filiale et on va chercher un associé national ou étranger. Q.O. : Et la maintenance ? W.B. : On va la filialiser mais le capital ne sera pas ouvert parce que l’activité se suffit à elle-même. On pourrait le faire peut-être mais pour les filiales de la filiale. Le fret sera aussi filialisé. Les repreneurs se bousculent. On a des Français, des Suisses, des Américains. A l’époque, la filiale fret a été créée avec un capital social de 10 milliards DA mais on a tout fait pour que ça ne marche pas. Q.O. : Qui on ? W.B. : Nous, Air Algérie. On ne savait pas comment travailler. Pour le handing (l’assistance aux avions de passage), il est noyé dans la masse. On va le créer comme centre de profit. Il doit être autonome au point de vue financement. On va autonomiser les centres de décision. Q.O. : Est-il question d’ouvrir le capital de la compagnie ? W.B. : De mon point de vue, le capital de la société mère ne sera jamais ouvert au privé. Q.O. : Jamais, jamais ? W.B. : De par mon expérience, je pense que oui. Un transport comme celui qui a été organisé pour Khartoum, le privé n’aurait jamais accepté de le faire. Q.O. : Avouez que ça a été une opération politique et de prestige mais pas rentable pour la compagnie ? W.B. : Elle l’a été puisque l’Etat a pris en charge la différence. Pour des rendez-vous comme ça, l’Etat est toujours présent. Q.O. : Est-ce qu’on pourrait connaître le montant global de cette opération ? W.B. : Du point de vue émotionnel ou de chiffres ? Q.O. : Du point de vue sonnant et trébuchant W.B. : Il y a eu 20 000 personnes de déplacées entre l’Egypte et le Soudan, multipliez ce chiffre par 50 000 DA en moyenne… Q.O. : Une opération similaire pour l’Afrique du Sud ? W.B. : Non, c’est fini. Là-bas, c’était particulier. Donc, pour ce qui est des capitaux privés, si demain, on a une guerre - que Dieu nous en préserve - ou des inondations, ce ne sont pas les privés qui s’occuperont du transport des troupes. Vous savez que le président est transporté par Air Algérie et on lui assure sa sécurité. On ne peut pas la confier à un privé. Q.O. : Le ciel reste toujours fermé pour le privé ? W.B. : Ça, c’est une fausse information. Il y a des procédures pour cela. Il y a eu un privé qui a voulu le faire mais il n’avait pas les moyens. Il ne suffit pas de déposer un dossier, il faut avoir les financements nécessaires pour acheter un avion de 20 places et le faire voler. Il n’y a eu donc aucune manifestation d’intérêt intéressante. Aucune ! Q.O. : Vous discutiez un moment avec Boeing et Airbus d’un label international pour la compagnie. Qu’en est-il ? W.B. : C’est surtout pour la maintenance. On a une base qui est assez conséquente en matière de savoir-faire, de moyens, d’ancienneté, de traditions et aussi de connaissances des mêmes métiers. On est homologué européen, on a toutes les certifications - ISO étant la plus facile par rapport à toutes celles que nous avons et qui sont très difficiles à avoir dans la maintenance comme celle IOSA pour laquelle nous sommes audités tous les ans. Une certification qui a été refusée à Tassili Airlines. On a été les premiers à l’avoir parmi les compagnies africaines. On va à l’audit dans même pas un mois. Q.O. : Mais comment obtient-on cette certification ? W.B. : On nous envoie des auditeurs pour contrôler tous les métiers de la compagnie, d’exploitation et de maintenance. Q.O. : Les retards ne sont pas pris en compte dans ce test ? W.B. : Non. Q.O. : Les retards d’Air Algérie sont pourtant «réguliers» ? W.B. : Ils s’expliquent. D’abord, notre réseau est surdimensionné par rapport à la flotte. On a gardé le même nombre de vols quand on avait 45 avions que 30 aujourd’hui. Q.O. : Qu’est-ce qui empêche d’adapter le réseau aux capacités de la flotte ? W.B. : C’est difficile d’abandonner une desserte pour une autre. Supprimer Marseille pour Paris n’est pas possible. Ce sont des slots (des autorisations de vol) historiques qu’on ne peut se permettre de perdre. Déjà qu’on en a perdu beaucoup sur l’Espagne. Pour les retrouver, c’est très difficile. Q.O. : On les perd parce qu’on fait des retards ? W.B. : En Espagne, on les a perdus parce qu’on a eu des retards. Q.O. : En Espagne, c’est plus rigoureux qu’en France ? W.B. : Non mais peut-être qu’Air Algérie n’a pas accordé l’attention voulue à l’Espagne. Par exemple, quand un avion tombe en panne, il doit être tout de suite remplacé, or, nous, on le répare sur place. C’est donc toute la rotation qui est chamboulée. Q.O. : Vous avez été le premier responsable algérien à présenter vos excuses aux passagers pour, avez-vous, dit, ce qu’ils ont enduré pendant les années 90 en terme de mauvais accueil de l’équipage d’Air Algérie et de retards. W.B. : Je le promets encore une fois et je maintiens ma promesse. On s’y attelle tous les jours. Dans les années 90, on était dans une situation d’embargo qui ne disait pas son nom. Air Algérie a été la seule compagnie qui l’avait forcé avec une flotte qui n’était pas aussi performante que celle qu’on a aujourd’hui. La compagnie était en situation de quasi monopole, les personnels n’avaient pas une bonne formation, le client n’était pas considéré comme le centre de leurs préoccupations. Aujourd’hui, les choses ont changé et doivent changer. Q.O. : Les retards des vols sont pourtant quotidiens. Alors qu’est-ce qui manque le plus pour y arriver ? W.B. : Beaucoup de formation. On a encore beaucoup de défauts. On les reconnaît, c’est déjà bien. Nos personnels ne demandent qu’à avoir les moyens pour être à la hauteur. Pour ce qui est du renforcement de la flotte, l’année 2011 sera de bons augures. On aura les 7 avions de 150 places qu’on devait avoir en 2009. Q.O. : Vous deviez former en 2009 plus de 28 000 personnes. Etes-vous arrivé à le faire ? W.B. : Ça s’est avéré difficile. On n’a pas eu l’offre requise pour former. Q.O. : Vous comptiez sur qui ? W.B. : Des instituts algériens privés. Mais il s’est avéré qu’ils n’ont pas les capacités pour autant de monde. On va donc former par métier. On a lancé les consultations. Q.O. : Avez-vous eu l’allégement du contrôle des changes que vous avez demandé pour pouvoir acheter des avions ? W.B. : Pas encore. Acheter un avion est une valeur boursière. Si on n’achète pas tout de suite, on perd le marché. On voulait prendre en leasing des avions à la société américaine ILFC. Le temps de les inspecter, de revenir, de décider, ils étaient déjà pris par une société turque qui nous les a loués après. C’est très difficile de changer les mentalités. Pourtant, même pour acheter les pièces détachées, on doit alléger ce contrôle. Q.O. : Vous devez aussi subir les contraintes du crédit documentaire (Credoc) ? W.B. : Ah, oui ! Enormément ! Pour les contourner quelque peu, on est obligé d’augmenter voire de gonfler nos stocks. Parce qu’un avion qui est en panne, on ne peut se permettre d’attendre pour acheter une pièce de rechange. Q.O. : Il se pourrait que ces stocks ne servent rien et auraient été achetés à perte ? W.B. : Oui, bien sûr ! Q.O. : Vous avez demandé la levée du Credoc ? W.B. : Oui, on l’a fait. Ils sont en train de l’étudier. Q.O. : Lors du passage du nuage islandais, la compagnie a enregistré un mouvement de contestation. Ce n’était pas le premier. Comment l’avez-vous géré ? W.B. : Il faut reconnaître que le personnel d’Air Algérie est mûr. Il faut juste lui dire la vérité et expliquer les problèmes d’une manière objective. Les positions rigides ne sont pas toujours bonnes, ni pour nous ni pour nos pilotes. Les syndicats d’Air Algérie ont de tout temps été puissants. Je leur demande seulement de ne pas prendre les passagers en otage. Q.O. : Le plus gros problème des pilotes, ce sont les salaires qu’ils considèrent bas ? W.B. : Parce qu’ils se comparent aux autres. C’est légitime. Je suis conscient que leurs salaires doivent être conséquents. Q.O. : Vous allez les augmenter ? W.B. : Je les ai augmentés déjà deux fois, en 2008 et en 2009. Ensuite, nous avons changé la loi selon les normes européennes, pour leur permettre de travailler beaucoup plus pour être rémunérés en conséquence. Q.O. : Plus d’efforts des pilotes n’aura pas de conséquences sur leur santé et la sécurité des passagers ? W.B. : La sécurité chez nous a une tolérance zéro, donc on ne peut pas se permettre de fermer les yeux ni sur la santé des pilotes ni sur quoi que ce soit dans ce volet. Q.O. : Les contrôles que vous effectuez sont-ils suffisants ? W.B. : Nous sommes contrôlés régulièrement par les Européens. Nous le sommes par SAFA, l’organisme international de contrôle de l’aviation civile. Nous avons subi sur une durée très courte, 70 contrôles dans les différents aéroports européens et au Canada. Ces contrôles sont plus durs que ceux des Américains. Nous sommes convoqués le 9 juin (ce mercredi) à Bruxelles pour un autre contrôle. Je reconnais pour cette fois que nous devons répondre des redondances et des récurrents problèmes de sécurité auxquels nous ne répondons pas correctement comme par exemple comment arrimer dans la soute. Il faut savoir que l’arrimage des cargos est très réglementé. Q.O. : A quoi sont dues ces redondances ? W.B. : On a mis du temps pour appliquer les procédures en la matière, à cause de la mauvaise foi parfois mais surtout à cause du manque de formation. Q.O. : Comment l’autorité européenne de contrôle de l’aviation civile va-t-elle procéder ? W.B. : Nous allons devoir répondre du respect des règles de sécurité à l’intérieur des avions, de l’hygiène et même de la qualité des sièges. Nous devons répondre à des questions sur les conditions de navigabilité de nos avions et de leur confort. Le contrôleur de SAFA entre dans la cabine par exemple pour voir s’il n’y a pas de bagages devant les portes de sécurité de l’avion. Q.O. : Puisque vous reconnaissez qu’il y a des redondances, Air Algérie risquerait des sanctions ? W.B. : La sanction que nous risquons est d’être interdits de voler dans le ciel européen. Ils peuvent nous mettre sur ce qu’ils appellent «liste noire». Ce genre de sanction restrictive n’est bon ni pour l’image du pays ni pour l’image de marque de la compagnie. Pour cette fois, je crois qu’on ne sera pas sanctionné. Ceux de SAFA savent que nous avons formé nos propres contrôleurs par la direction générale de l’aviation civile française qui a animé à Alger un séminaire de deux jours à cet effet. Q.O. : Est-ce suffisant ? W.B. : Le personnel a bien saisi les risques et les enjeux et en est bien conscient. Q.O. : Vous allez partir en Afrique du Sud ? W.B. : J’aimerais bien… Q.O. : Vos pronostics pour l’équipe nationale après la débâcle à Dublin ? W.B. : En football, on est capable du pire comme du meilleur. J’espère que le pire est derrière nous. On pourra faire le meilleur. |
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