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Otages algériens au Mali : Les bons offices de «Ansar Dine»

par Moncef Wafi

Les tractations autour de la libération des sept otages algériens détenus par le Mujao, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest, se poursuivent toujours avec, en fond de toile, des communiqués du groupe jihadiste à l'Agence France Presse. Ainsi, et selon les dernières déclarations en date faites à l'Agence, Iyad Ag Ghaly, le chef touareg malien du mouvement islamiste ?Ansar Dine' a rencontré à Gao, les responsables du Mujao, dans la nuit de jeudi à vendredi, pour discuter de la libération des otages. Mustapha Ould Tahel, membre du Mouvement, a déclaré que «nous allons continuer les discussions», sans fournir d'autres détails. Le Mujao, qui se définit comme une dissidence d'Aqmi, avait lancé un ultimatum de trente jours au gouvernement algérien pour que celui-ci satisfasse ses deux revendications : le paiement d'une rançon de 15 millions d'euros et la libération d'islamistes détenus sur le sol algérien.

Le 29 avril dernier, Adnan Abu Walid Sahraoui, porte-parole du Mujao, et dans un court message envoyé à l'AFP, annonçait l'échec des négociations avec l'Algérie, en affirmant, comme une menace à peine voilée que «la vie des otages est en danger». «La délégation algérienne a refusé complètement nos demandes, et cette décision mettra la vie des otages en danger», a-t-il déclaré. Il précisera qu'une délégation algérienne avait assisté aux négociations alors que quatre jours plus tôt, le Mujao avait affirmé vouloir négocier la libération du consul algérien et de ses six collaborateurs «au nom de l'Islam», donnant leur accord à ?Ansar Dine' sans, toutefois, préciser de date ou de lieu, ni évoquer une éventuelle contrepartie à leur libération. Ce durcissement de ton s'explique, selon les connaisseurs des groupes islamistes, par un modus opérandi, bien huilé chez les ravisseurs puisque le lancement d'ultimatum est censé marquer un tournant dans les négociations. C'est d'abord le signe de l'échec des discussions discrètes menées jusqu'alors pour obtenir leur libération. Mais l'ultimatum signifie surtout que la vie des otages est en danger et que les ravisseurs veulent pousser la médiation à prêter rapidement une oreille plus attentive à leurs revendications.

Rappelons que le consul d'Algérie et ses six collaborateurs ont été enlevés le 5 avril à Gao, quelques jours après que le nord du Mali soit tombé sous le contrôle de divers groupes armés dont le Mujao, Ansar Dine, Al-Qaida au Maghreb islamique et le Mouvement national de libération de l'Azawad, le MNLA.

Depuis, l'Algérie qui privilégie pour le moment les canaux des négociations par le truchement du MNLA, mais apparemment aussi de ?Ansar Dine', a massé d'importants moyens militaires à la frontière. Ainsi, et selon des informations relayées par la presse, quelque 3.000 éléments des forces spéciales, sont en extrême alerte. Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères, avait assuré, lors d'une conférence de presse à Alger que les otages étaient «en bonne santé» et que «les perspectives» de leur libération étaient «réelles». Mais l'option d'un Etat touareg au nord du Mali, contrôlé par des mouvements jihadistes et l'intransigeance d'Alger de toute partition du territoire malien, pourraient s'inviter à la table des négociations alors que la France, tout en affichant son refus de voir se former un « Etat terroriste ou islamique» au Sahel, a clairement appelé les pays frontaliers du Mali de sous-traiter une opération militaire dans cette région avec l'aide logistique de la France. «Je ne pense pas que ce soit à la France d'intervenir militairement» mais qu'elle «est prête à aider mais elle ne peut pas être leader pour un certain nombre de raisons qui appartiennent d'ailleurs à l'histoire coloniale de la France», avait déclaré Nicolas Sarkozy, toujours à l'Elysée, à l'époque.

Cette question malienne s'était invitée à la présidentielle française puisque le socialiste François Hollande, et dans un entretien au journal ?Libération', et tout comme Sarkozy, a exclu toute intervention militaire française au Mali, appelant les Africains à le faire. Cet appel aux armes, qui finalement et au vu de la situation des pays de la région, n'est adressé qu'aux Algériens à qui il est demandé d'engager ses forces armées pour éviter l'édification d'un Etat indépendant, d'autant plus qu'Alger a toujours défendu l'intégrité territoriale de son voisin avec qui elle partage 1.376 km de frontières.