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La rue et les législatives: Plutôt couffin qu'urne !
par M. Nadir
 A deux mois de leur tenue, les élections législatives ne semblent pas
faire l'unanimité chez la majorité des Oranais qui - outre qu'ils sont beaucoup
plus sensibles aux multiples flambées des prix des produits de large
consommation - avouent avoir été terriblement déçus par les précédents
parlements et ne pas se fier aux engagements officiels quant à la régularité du
scrutin dans un pays qui n'a pas connu d'autres régimes que celui qui est au
pouvoir depuis 50 ans. Un jugement sans concessions que partagent même ceux qui
annoncent leur intention de se rendre aux urnes le jeudi 10 mai avec le timide
espoir que «cette fois sera la bonne» et que le peuple aura enfin de véritables
et dignes représentants de sa volonté. Le doute, encore toujours. Si l'on
excepte les militants des partis politiques et autres indépendants qui ont
décidé de tenter leur chance aux élections législatives, la grande majorité des
Oranais se trouvent à mille lieues de s'intéresser à cette compétition qu'ils
assimilent beaucoup plus à une course vers l'argent qu'à un exercice
démocratique qui requiert leur participation citoyenne : «Nous avons tous vu la
manière dont les précédents parlements ont été élus, ce qu'ils ont apporté au
peuple algérien et surtout l'attitude franchement mercantile des députés. Ce
n'est donc pas étonnant que l'exercice de la citoyenneté ne tente que très
modérément les Algériens», note cet enseignant universitaire en affirmant que
les prochaines législatives n'apporteront rien de nouveau même si de nouveaux
partis sont entrés en lice : «Ils n'émanent pas de la société et si on les
examine bien, on remarque que leurs directions sont composées de dissidents
d'autres formations politiques.» Plus terre à terre mais tout aussi pertinent, l'homme
de la rue dénonce cette faculté que les dirigeants et politiciens partagent et
qui consiste à voir dans le même être humain le citoyen-consommateur-administré,
malmené tous les jours et indigne d'être considéré et, d'autre part, l'électeur
et potentielle voix à mettre dans l'urne qu'il est urgent de courtiser à
l'approche de chaque élection: «Je ne sais pas si ces élections vont changer
les choses mais je sais que je n'ai jamais vu un homme politique ou un
quelconque responsable s'enquérir de nos conditions de vie s'il n'y a pas eu
manifestation ou élections au préalable», jette ce chômeur de 44 ans qui
exprime son doute que ces élections pourront contribuer à améliorer la vie des
Algériens. L'homme en veut pour preuve les avanies que ses concitoyens
continuent de subir dans les régions enclavées et éloignées des grands centres
urbains où «il n'y a parfois ni eau ni gaz» : «Ceci, sans parler du recul des
libertés individuelles et collectives que vous, journalistes, connaissez mieux
que moi !». Tout aussi sceptique, la ménagère que l'on rencontre dans les
marchés de fruits et légumes, un panier à moitié vide dans une main, un porte-monnaie
à moitié plein dans l'autre : «Les élections sont le dernier de mes soucis, tonne
l'une d'elles. Parlez-moi de la pomme de terre qui coûte plus de 80 DA le
kilogramme ou la salade qui a atteint 120 DA. Comment vivre avec des prix
pareil ?» Un pas vers le changement ? Pourtant, dans ce monde de désintérêt et
de suspicion, il existe des hommes et des femmes qui croient au changement et
au poids de leurs voix qu'ils comptent faire valoir le jour J : «Si on ne vote
pas, on laissera les autres décider à notre place», affirme cet étudiant en
faisant écho à l'une des assertions du président de la république lors de son
discours d'Arzew : «Et il faudra bien que les jeunes s'impliquent dans la
politique car ce sont eux qui apporteront les changements dont nous rêvons tous.»
Notre interlocuteur affirme ne pas appartenir à un quelconque parti politique
et, d'ailleurs, ne connaître rien des programmes et propositions des uns et des
autres mais estime qu'il doit se rendre aux urnes, quitte à voter blanc : «Mais
je voterais parce que je suis convaincu que le changement ne peut venir que des
électeurs.» La fraude ? Il reconnaît y penser mais se dit satisfait des mesures
de garanties de transparence et de régularité que les autorités ont prises, notamment
la présence des médias et observateurs étrangers : «Je ne crois pas que l'on
puisse tricher devant les caméras du monde entier !!» Comme notre interlocuteur,
certains de ceux que nous avons interrogés croient aux vertus des élections et
appellent leurs concitoyens à aller voter massivement pour accéder à une meilleure
vie, dans un meilleur environnement. Mais jusqu'ici, la tendance générale à
Oran est à la désaffection et, à moins d'un revirement de dernière minute, le
vote massif n'aura pas lieu.
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