
Le patronat algérien s'invite dans le débat autour de la question
relative au malaise social qui secoue le pays et qui s'est déjà traduit depuis
le début de l'année en cours par une vague de contestations d'ordre social,
économique et politique. Deux organisations patronales, en l'occurrence le
Forum des Chefs d'Entreprises (FCE) et la Confédération des Industriels et
Producteurs Algériens (CIPA), livrent leurs lectures des évènements en
proposant chacune sa vision sur les pistes à investir pour une sortie de crise.
Invité à donner sa lecture de « l'ébullition » politique et socio-économique en
Afrique du Nord, suite aux évènements vécus en Tunisie et en Egypte, le
président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), Réda Hamiani, a estimé, dans
un entretien publié dans la dernière édition de l'hebdomadaire « Jeune Afrique
», que l'Algérie possède les moyens financiers lui permettant de créer un
système de solidarité nationale qui prend en charge la forte demande sociale de
la population grâce, notamment, aux transferts sociaux. Les transferts sociaux
de l'Etat, qui, a-t-il précisé, s'élèvent à un peu plus de 15 milliards de
dollars par an, selon les derniers chiffres du gouvernement, peuvent créer un
système de solidarité qu'« aucun autre pays d'Afrique du Nord ne peut créer »,
a-t-il expliqué. « A la différence des autres pays arabes, l'Algérie a un
énorme potentiel qui peut apaiser la contestation, à condition que les
revendications aient un caractère strictement économique », a-t-il dit,
relevant que le potentiel financier de l'Algérie peut « apaiser » la contestation
sociale. Commentant les dernières mesures prises par le gouvernement, il s'est
félicité du report de l'instauration du paiement par chèque pour les
transactions de plus de 500.000 dinars (4.900 euros), une décision favorable à
l'informel, qui est, a-t-il dit, ?'la soupape de sécurité pour les jeunes sans
travail''. «Davantage de produits alimentaires profiteront du soutien des prix,
et des instructions ont été données aux entreprises publiques pour recruter
massivement. Cela atteste de la volonté du gouvernement d'apporter une réponse
aux jeunes», a assuré le président du FCE. Tout en estimant qu'une telle
attitude «constructive» et «consensuelle» permettra une «évolution plus douce»,
il a affirmé que «si on y ajoute le dialogue, les craintes diminueront de voir
ce qui se passe dans les pays arabes gagner l'Algérie».
Invité à donner des «pistes» de
sortie pour l'Algérie de la dépendance quasi totale des recettes pétrolières,
le représentant du patronat a insisté sur l'entrepreneuriat pour porter la croissance
de l'Algérie entre 6 et 7% (actuellement de 4,5 à 5%), le développement de
l'industrie et la diversification de l'économie nationale. «Il serait
suicidaire de garder une économie rentière fondée sur le pétrole et le gaz»,
a-t-il averti, plaidant pour le développement des «mariages à trois» : les
entreprises algériennes apporteraient leur relationnel et le financement, les
entreprises européennes, notamment françaises, leur savoir-faire, et les
entreprises des pays émergents (Chine ou Turquie) qui cassent les prix avec
leurs monnaies et leurs salaires faibles, leur capacité concurrentielle. Pour
la CIPA, les bouleversements régionaux survenus ces derniers temps attestent
que « la responsabilité de tous est engagée, y compris celle des institutions de
l'Etat ». « Le dialogue et la concertation, indispensables dans la vie
politique d'une nation moderne, qui se devaient d'être entretenus entre les
différentes couches d'Algériens, sont soit faibles, soit inexistants», estime
la CIPA dans un communiqué diffusé hier. Et d'ajouter: «Ce phénomène fait appel
à une profonde réflexion qui aboutirait à la prise de mesures urgentes et
draconiennes auxquelles devront s'associer tous les partenaires sociaux
intéressés par une réelle relance économique en Algérie». Pour la CIPA, « la
volonté de contribuer aux côtés du secteur public à l'essor de l'économie du
pays par le développement de la production nationale, la création de richesses
et de postes d'emploi, ne peut se matérialiser que par la sauvegarde de l'outil
de production national ».