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Accusés de soutien à AQMI: La Mauritanie va libérer 20 détenus maliens

par Djamel Belaïfa

Une vingtaine de ressortissants maliens détenus depuis février dernier en Mauritanie, pour « trafic de drogue et soutien à Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) » vont être remis aux autorités maliennes, a indiqué hier l'AFP qui cite des sources judiciaires. Ces dernières affirment par ailleurs que les formalités d'extradition de ce groupe vers le Mali, à la demande de ce pays, «avancent bien et ils seront livrés sous peu». Leur extradition coïncide avec la visite, à partir d'hier, du président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz à Bamako, à la veille du cinquantenaire de l'indépendance du Mali et peu après une intervention militaire de l'armée mauritanienne contre Aqmi en territoire malien, de vendredi à dimanche. Les ressortissants maliens avaient été arrêtés dans le nord de la Mauritanie en février au cours d'une opération de l'armée mauritanienne contre des trafiquants de drogue, qui s'était soldée par la mort de trois de ces trafiquants, selon Nouakchott. La justice mauritanienne avait accusé ce groupe de «trafic de drogue et de soutien à une organisation terroriste», établissant ainsi un lien entre les activités d'Aqmi et le narcotrafic. Le 16 août dernier, Nouakchott avait déjà extradé vers Bamako le Malien «Omar le Sahraoui», condamné par la justice mauritanienne pour l'enlèvement des trois Espagnols fin 2009. Cette extradition avait été perçue comme un geste pour aider à la libération des deux otages espagnols restants qu'Aqmi avait relâchés la semaine suivante. Omar Sid'Ahmed Ould Hamma, alias «Omar le Sahraoui», qui avait été condamné en Mauritanie à 12 ans de prison assortis de travaux forcés pour l'enlèvement des humanitaires espagnols, avait été extradé vers le Mali puis libéré peu avant la libération de Roque Pascual et Albert Vilalta. Ce trafiquant malien de 52 ans, considéré par la justice mauritanienne comme un mercenaire agissant pour le compte d'Aqmi, a servi de «monnaie d'échange» pour la libération des deux Espagnols et a même conduit ces derniers dans le désert malien vers la liberté, à bord d'un véhicule tout-terrain, avait affirmé le journal El Pais. Par ailleurs, l'agence en ligne mauritanienne, «Nouakchott informations», a publié hier soir un communiqué d'Aqmi qui ne revendique ni n'évoque les enlèvements. Mais il menace la Mauritanie, accusée d'être un «agent de la France», de représailles après l'opération de l'armée mauritanienne dans le nord du Mali, de vendredi à dimanche. Le texte dénonce «le lâche crime perpétré par un raid aérien de représailles après le cuisant échec infligé à l'armée mauritanienne, agent de la France de Sarkozy». Il accuse l'armée mauritanienne d'avoir tué deux femmes et blessé un homme, des civils selon Aqmi, et d'avoir menti en accusant l'une de ces femmes d'être l'épouse d'un de ses membres. «Nous disons à l'agent de la France Mohamed Ould Abdel Aziz que le bombardement des innocents désarmés et la guerre que tu mènes par procuration à la place de la France est une folie, et le sang des deux femmes martyrs (...) ne restera pas impuni », affirme le communiqué. De violents combats ont d'abord opposé, vendredi et samedi, dans la région de Tombouctou (nord-ouest du Mali), l'armée mauritanienne à des unités d'Aqmi qui, selon Nouakchott, ont fait huit morts dans les rangs de son armée et au moins douze dans ceux d'Aqmi. Puis un avion mauritanien a bombardé dimanche une colonne de véhicules qui, selon l'armée, transportaient des terroristes. Au Mali, des témoins et des élus ont affirmé que des civils avaient été tués (deux femmes) et blessé quatre hommes dans ce raid. L'armée mauritanienne a formellement démenti le bombardement de cibles civiles. Une source militaire mauritanienne avait seulement évoqué la mort dans un raid aérien d'une femme présentée comme «l'épouse d'un terroriste».

A quoi «joue» le gouvernement français ?

Sur un autre plan, l'ex-Premier ministre Dominique de Villepin et une partie de la presse française ont soupçonné le gouvernement français d'exploiter les menaces terroristes d'Al Qaïda à des fins politiques. De Villepin, principal concurrent à droite du président Nicolas Sarkozy, a critiqué «la politique de communication à tout le moins maladroite et parfois même cynique» du gouvernement sur la menace terroriste.

 L'ex-Premier ministre, qui s'exprimait sur les ondes de la radio «France-Info», a indiqué dans ce sens, qu'en matière de sécurité, en matière de communication sur ces questions, il faut savoir être prudent et il faut savoir avoir une parole juste et rare. Dominique de Villepin a reproché au gouvernement de mettre en oeuvre «une stratégie de la tension». «Ce qui est important c'est de prendre des mesures, d'agir (...). Ça ne sert à rien de créer la panique un peu partout dans notre pays», a-t-il dit. Après plusieurs mises en garde formulées depuis une semaine par des responsables français, les autorités se sont à nouveau alarmées lundi d'un risque d'attentat accru sur le sol français, sur la base d'un renseignement provenant d'Algérie concernant une menace qui émanerait d'Al Qaïda au Maghreb islamique.

 Plusieurs éditorialistes de la presse française accusaient également le gouvernement de se servir de cette menace pour occulter des sujets sensibles comme l'impopulaire réforme des retraites. «Est-ce que, par hasard, le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux ne jouerait pas un peu au Père la terreur?

 Est-ce qu'il ne serait pas en train de donner la trouille aux Français, histoire de les détourner de leurs marottes sociales?», interrogeait ainsi la «République du Centre». «L'alerte des services de sécurité est fondée, la publicité qui l'entoure fait question. Pour certains, le ministre de l'Intérieur orchestrerait la peur pour justifier des mesures de sécurité renforcée», note «l'Est Républicain». De son côté, l'opposition socialiste a regretté le manque de «transparence» entourant cette menace. «On nous dit: la menace est là, mais qui? Quoi? Qui est-ce? Comment? On n'en sait rien. On est dans le brouillard pour quelque chose qui touche à la sécurité des Français», a déploré un député socialiste.