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Belmekki Mourad: La sentinelle du terroir

par Baba Fodil

Hasard de l'histoire ou destinée artistique, Mohammed Dib, l'écrivain, et Mourad Belmekki, l'artiste peintre, sont tous deux originaires de Beni Snous, Khemis (dans la wilaya de Tlemcen), là où le calendrier berbère a vu ses prémices.

Hasard de l'histoire ou destinée artistique, Mohammed Dib, l'écrivain, et Mourad Belmekki, l'artiste peintre, sont tous deux originaires de Beni Snous, Khemis (dans la wilaya de Tlemcen), là où le calendrier berbère a vu ses prémices.

L'un à sa manière a dépeint Dar Sbitar ; l'autre, plus jeune, des décennies après, a peint Dar Edbagh. Un souvenir, une remémoration. Agadir, Dar El-Kassarine, la laine lavée et séchée par les femmes à Lourit où chutaient les cascades, et les charretiers qui chutaient à Dar Edraz pour livrer la matière première aux tisserands. El-mrama, le rouet, là naissaient le tapis, el-hambel, el-fota. Mais là naissaient aussi les motifs, l'agencement des couleurs. Des signes, empreintes maghrébines à tendances universelles. Là est née sa passion pour la peinture.

 Nourri de ce terreau, il prépare une licence en Arts plastiques qu'il obtient haut la main. Majeur de promotion. Il est actuellement enseignant au lycée Hammou Boutlélis d'Oran. Il a transité par une école de modélisme, pour rejoindre après le département des Arts plastiques de Mostaganem en tant que professeur de peinture, avant de passer au CNED, l'institut de Rouen en France. Mais l'exil n'est qu'éphémère. Il retourne donc à sa bibliothèque, la tapisserie et tout ce qu'elle représente. Une bibliothèque ancestrale. Il s'y inspire sans pour autant peindre ou traduire intégralement un tapis sur toile. Le pigment pimente sa curiosité. Il va plus loin pour tenter d'exprimer les choses de l'âme, sans laquelle une œuvre ne peut atteindre aucun sommet. Les effets, les accords de couleurs ne seront plus désormais le but en eux-mêmes, ils importeront en vue de l'expression de la vie intérieure pour fixer le caractère profond des objets et des êtres.

 Trop teinté par Dar Edbagh, il tente d'exprimer à travers ses œuvres un pan du terroir, ô combien riche, de la culture algérienne, ou plutôt maghrébine par sa diversité sémiologique, dont on retrouve des éléments esthétiques communs de l'Atlantique aux limites du Nil. Il met au service de tout ce background, avec beaucoup d'humilité, son bagage intellectuel et une sensibilité prononcée pour proposer, créer un mécanisme gestuel : grattage, texture et chromatologie. Mais là n'est pas son seul centre d'intérêt pictural, du moins pas le principal. Cet artiste peintre d'une rare polyvalence, âgé de 52 ans, conditionné par «ouast eddar» de son enfance, s'oriente vers d'autres travaux artistiques. Car pour lui ne se pose pas le souci de la toile blanche. Il n'arrête pas de peindre, chercher, se rechercher, se remettre en cause. La peinture n'est-elle pas une remise en question permanente ? C'est ce qui alimente cette masse de passion et qui pousse ce guerrier, sentinelle du terroir, à multiplier avec succès les expositions, une centaine, où il a reçu des prix et des récompenses qu'il est fastidieux d'énumérer.