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![]() ![]() ![]() ![]() Le délégué du secteur urbain Ibn Sina, trois directeurs de services de
l'APC d'Oran, un taleb et le président d'une association de quartier trônaient
à la tribune de l'amphi du cercle culturel transformé en salle de réunion. Les
débats tournaient autour des problèmes du quartier. Pour apaiser les esprits,
on demandera au taleb de lire quelques versets coraniques au beau milieu de la
rencontre.
Cette rencontre a été provoquée par le délégué du secteur qui a fait l'objet récemment d'une campagne médiatique. Il devait, entre autres, expliquer la tâche de la SEOR se déployant au niveau de ce quartier et, par la même occasion, expliciter aux citoyens et aux présidents des associations et comités de quartier ses propres prérogatives. L'initiative, inédite, favorablement accueillie par la plupart des présents, a permis à certains citoyens de faire parvenir directement leurs doléances au représentant du maire. Elle a aussi permis à certains de régler des comptes avec des responsables de la mairie. Pour d'autres, connus pour leur appartenance partisane, elle a été un tremplin pour se hisser au rang de leader d'opinion. Selon un présent connaissant la vie du quartier, deux partis islamistes, cherchant à approfondir leur implantation dans ce quartier en prévision des prochaines élections, lancent leurs militants dans ce genre de débat ayant un lien direct avec la vie quotidienne des citoyens. Trois femmes d'âge mûr, les seules représentantes de la gent féminine dans une assemblée d'hommes, ont déployé des efforts monstres pour prendre la parole et étaler leurs doléances. Précisons que la gestion de la prise de parole a été confiée à la salle, ce qui a donné lieu à une belle anarchie. L'une d'entre elles, dont le mari est aveugle, ne ratera pas l'occasion d'accuser, en le désignant, celui qui l'a privé du couffin de ramadhan, alors qu'elle en avait grand besoin puisqu'elle est sans revenus. Un autre intervenant, militant du FLN, évoquant ses propres déboires avec un délinquant du quartier qui volait des câbles électriques, posera la question de la sécurité. Mais il mettra en garde l'assistance : «ne politisons pas la chose. La sécurité est aussi l'affaire des citoyens». Sur cette question de sécurité, un intervenant tranchera la question en tonnant : «Nous n'avons pas de problèmes avec nos propres enfants. Tous les délinquants proviennent des autres quartiers !». Apparemment, son intervention a été un signal pour clore ce sujet et revenir à l'objet initial de la rencontre. Après moult interventions, la parole a été accordée au responsable de la DVC de la mairie d'Oran. Il tentera d'expliquer que des opérations d'assainissement du réseau des eaux usées et de goudronnage des routes sont programmées. Mais il insistera que l'ordre des priorités sera respecté. Autrement dit, une fois le problème des eaux usées résolu ainsi que celui de l'eau potable, les travaux de réfection de la chaussée démarreront. Il donnera quelques chiffres sur les enveloppes budgétaires dégagées pour ces opérations. Son collègue, responsable de la planification, sera plus explicite. Il précisera que les projets dont a bénéficié le quartier relèvent de l'autorité de la wilaya et non pas de la mairie. Il affirmera devant l'assistance que pratiquement tout le réseau des eaux usées sera refait, ce qui demandera du temps en raison de l'étroitesse des ruelles à certains endroits de ce quartier. Il invitera les populations à la patience en rappelant que les habitations d'Ibn Sina, datant de l'époque coloniale, avaient été construites à titre provisoire. En imposant le discours de l'administration face à celui de simples citoyens, décousu et manquant parfois de cohérence, il a réussi à convaincre l'assistance de devoir attendre encore. «Et en cas de force majeure ?», s'interrogera un citoyen qui rappellera les malheurs des habitants du quartier lors des dernières précipitations. Le même responsable expliquera que le rejet des eaux en provenance d'El-Barki, problème remontant lui aussi à l'époque coloniale, sera réglé dans le cadre d'une opération déjà budgétisée. Des interrogations des uns et des réponses des autres, on peut retenir que les problèmes d'Ibn Sina se résument en quatre points : les eaux usées dont souffre presque la totalité des habitants du quartier ; le problème de la chaussée ; le problème de l'eau potable et celui du ramassage des ordures ménagères. Cette clarification a été à l'avantage du responsable du secteur urbain, déjà trop pris avec les écoles et ne disposant pas de budget conséquent pour répondre à ce type d'attente. Néanmoins, il prendra note, et donc des engagements, à l'endroit de certains citoyens pour des interventions urgentes et ponctuelles. D'autres soucis ont été soulevés. Tel celui de l'élargissement du chemin vicinal et la question de l'éclairage public. Dans cet ordre d'idée, un citoyen remarquera qu'à certains endroits du quartier, les lampadaires «grillent» vingt-quatre heures sur vingt-quatre et dans d'autres la lumière est absente depuis des lustres. Le président d'une association connue proposera l'ouverture d'un bureau des associations au niveau du siège de l'APC et invitera les présidents d'association à «fonctionner» en partenaires des élus locaux pour solutionner les problèmes que vit le citoyen. Un autre intervenant se fera remarquer lui aussi. Il s'agit d'un vieux assumant depuis des décades le balayage au niveau du marché du quartier. Avec dignité et en utilisant un langage dépouillé de toute prétention, il pointera un doigt accusateur à l'endroit de ceux qui exercent au niveau de ce marché. Les prises de paroles se sont prolongées jusqu'à la fin de la matinée. Le chef du secteur urbain a probablement réalisé les attentes des citoyens, désormais devenus observateurs, et ces derniers ont sûrement compris qu'ils doivent attendre encore. Parce que certaines de leurs doléances ont trente ans d'âge. En parler de vive voix à un responsable est déjà un acquis pour eux... |
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