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![]() ![]() ![]() ![]() Il
est temps de rompre avec les narratifs simplistes qui encombrent les relations
entre l'Algérie et l'Europe. Trop souvent, la classe politique européenne, et
particulièrement française, se nourrit d'un imagnaire
colonial figé dans le passé, refusant de reconnaître l'Algérie comme une nation
souveraine à l'histoire millénaire. Cette posture ne relève pas seulement d'une
inertie historique : elle est aussi un outil politique, entretenu pour servir
des agendas intérieurs, détourner les débats sociaux et alimenter des réflexes
identitaires.
Or, le monde a changé. L'Algérie, avec sa doctrine de non-alignement, entend jouer sa carte dans un monde multipolaire. Elle ne se définit pas par son rapport à Paris, mais par sa capacité à défendre ses intérêts, dialoguer avec le Sud global et rester indépendante vis-à-vis des blocs en confrontation. Dans cette optique, les pressions européennes pour aligner Alger sur des politiques énergétiques ou sécuritaires, décidées à Bruxelles, apparaissent anachroniques. C'est dans ce contexte qu'intervient le projet MindLink de la Commission européenne, lancé le 1er août. Officiellement présenté comme une initiative de coopération numérique, il vise à connecter les systèmes d'information, de recherche et d'innovation entre l'UE et des partenaires extérieurs, avec l'argument de « moderniser les échanges et renforcer la résilience ». En réalité, MindLink s'inscrit dans la stratégie plus large de l'UE pour sécuriser ses approvisionnements en données, en énergie et en matières premières critiques, tout en influençant les choix technologiques et réglementaires des pays partenaires. L'Algérie, riche en ressources et dotée d'un potentiel numérique encore inexploité, est directement ciblée par ce type de projet, qui mêle diplomatie économique et soft power technologique. Dans le domaine énergétique, l'exemple du gazoduc NigeriaAlgérie illustre parfaitement les limites des illusions européennes. Conçu comme un grand corridor gazier pour relier l'Afrique de l'Ouest au marché européen via le Sahara, ce projet apparaît aujourd'hui dépassé. D'abord par son coût astronomique, ensuite par l'insécurité persistante dans plusieurs zones de transit, et enfin par la trajectoire de décarbonation affichée par l'Europe, qui prévoit de réduire drastiquement sa consommation de gaz fossile à l'horizon 2030. Poursuivre un tel investissement relève davantage du symbole que de la stratégie réaliste, au moment où l'UE elle-même, met en place des mécanismes pour pénaliser les importations carbonées et financer les énergies renouvelables. Face à ces évolutions, l'Algérie doit refuser d'être entraînée dans des partenariats qui enferment son économie dans des dépendances à court terme. La transition énergétique, la souveraineté numérique et la diversification de l'économie ne peuvent pas être de simples déclinaisons d'agendas européens. Elles doivent s'ancrer dans une vision nationale qui articule sécurité, innovation et intégration africaine. La relation Algérie -Europe ne peut se construire que sur un respect mutuel, débarrassé des vieux réflexes impériaux et des projets imposés depuis Bruxelles ou Paris. Le XXIè siècle ne sera pas celui de la reconduction des schémas anciens, mais de l'invention de nouvelles alliances, fondées sur l'égalité et l'autonomie des choix. L'Agérie à l'heure de sa révolution énergétique : solaire, chimie et MedLink. Face aux crises économiques, géopolitiques et climatiques de notre époque, l'Algérie doit changer de paradigme. Sortir du modèle archaïque de l'exportation brute d'hydrocarbures pour bâtir une souveraineté industrielle. Nous l'avons défini avec force* : nous détenons un privilège unique - l'or bleu (notre gaz) et l'or solaire (notre soleil). Ce privilège n'est réel que s'il est transformé en puissance industrielle et énergétique. Cette tribune montre comment les récents projets - photovoltaïque, pétrochimie et MedLink - concrétisent cette vision. Transformer plutôt qu'exporter : placer la pétrochimie au cœur du projet national. Le gaz brut ne suffit plus. Il faut le transformer : méthanol, ammoniac, plastique technique, engrais. Ce sont des produits à haute valeur ajoutée, capables de générer entre 6 et 10 fois la valeur du gaz exporté tel quel. L'implantation de complexes chimiques à Arzew, Skikda ou Hassi R'mel ne créerait pas seulement de la richesse : elle structurerait un tissu industriel, soustrairait l'Algérie à l'instabilité des cours mondiaux et consoliderait sa souveraineté économique. Libérer le gaz pour l'industrie : le solaire comme levier stratégique Notre désert est un atout : plus de 3000 heures d'ensoleillement par an. Chaque kilowatt solaire enraciné économise un mètre cube de gaz qu'on peut allouer à la pétrochimie. Il faut donc éclairer les pistes industrielles avec des panneaux, pas du gaz. C'est un arbitrage souverain : utiliser le soleil pour produire de l'électricité, et le gaz pour créer de la valeur. Déchaîner le potentiel privé : structurer un marché photovoltaïque décentralisé. Pour libérer vite le solaire, l'action publique doit créer les conditions du décollage : Un guichet unique pour les projets PV privés, centralisant autorisations et raccordements ; Des contrats d'achat garantis (PPA) sur 15 ans, pour sécuriser les investissements ; Un marché décentralisé (centrales privées de 1 à 10 MW) connecté à Sonelgaz ; Des incitations fiscales, un accès facilité au foncier, des garanties de paiement ; Une mobilisation des financements internationaux (NBD-BRICS, BAD, BID) et des green bonds souverains ; Le développement d'un écosystème local (PME, maintenance, production d'équipements, recherche adaptée au climat saharien) ; Un comité national de suivi (Énergie, Finances, Sonelgaz, ANDER, privé) avec indicateurs de performance réguliers. MedLink : la preuve que notre vision devient réalité Le 1er août 2025, la Commission européenne a officialisé le projet MedLink via le Connecting Europe Facility. Ce câble électrique sous-marin de haute technologie reliera l'Algérie à l'Italie via la Tunisie, avec une capacité de 2 GW (2 000 MW) et un débit de 28 TWh/an, soit près de 8% de la consommation italienne. Il accompagnera la production de 10 GW de renouvelables en Algérie et Tunisie, dont 4 GW exportés vers l'Italie. Les travaux débuteront en 2026 pour une mise en service prévue fin 2027. MedLink n'est pas un simple câble. C'est un symbole et un levier stratégique : l'Algérie passe du rôle de fournisseur d'hydrocarbures à celui de fournisseur d'électricité verte à l'échelle régionale. Ce partenariat valide notre approche : produire propre, transformer localement, connecter stratégiquement. C'est aussi une reconnaissance de notre position comme acteur majeur dans le futur du Bassin méditerranéen. Un projet national structurant... pour nos ambitions Ce modèle ne se résume pas à un plan sectoriel. Il dessine une Algérie moderne et souveraine : Double souveraineté énergétique : gaz transformé + solaire industrialisé ; Inclusion du secteur privé dans le déploiement massif ; Pétrochimie structurante créatrice d'emplois et de technologies; Interconnexion stratégique (via MedLink) avec l'Europe ; Renforcement de la souveraineté nationale industrielle et énergétique. L'urgence d'aller vite Le temps est compté. Le solaire, la chimie locale, les interconnexions stratégiques : tout cela avance à un rythme mondial effréné. L'Algérie peut et doit prendre sa place. Chaque jour perdu est une opportunité d'influence, de valeur ajoutée, d'emplois et de souveraineté qui s'éloigne. L'histoire nous regarde : nous avons le gaz, nous avons le soleil. Aujourd'hui, il est temps de les convertir en puissance. Ce n'est pas seulement une tribune technique. C'est un appel à l'action, un appel à l'audace nationale : pour faire de l'or bleu et de l'or solaire une force durable. |
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