Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Otages de fausses promesses

par Mahdi Boukhalfa

L'élection présidentielle du 18 avril prochain a pris une tournure tout à fait étrange. Sinon comment interpréter ces appels à des marches contre le 5ème mandat maintenant ? Le timing de ces appels est-il opportun ? Pourquoi n'avoir pas appelé à des marches de protestation contre le 5ème mandat bien avant, au moment où les partis de la majorité présidentielle avaient annoncé leur candidat ? Mieux, est-on là face à des tentatives d'instrumentaliser la rue pour faire barrage, d'une autre manière, à un 5ème mandat que les partis de la majorité veulent faire passer comme une alternative inéluctable ? Des questions et peu de réponses, car la conjoncture politique actuelle est en train de prendre de la vitesse et une tournure qui sont, en réalité, autant de facteurs de rupture avec le discours politique ambiant.

Certes, les revendications citoyennes, quelles qu'elles soient, doivent se faire dans le calme et la raison et, surtout, qu'elles doivent se mettre à l'abri de toutes les tentatives de récupération. Dire «non» au 5ème mandat maintenant que la machine électorale s'est mise en branle, avec la révision des listes électorales, la mise sur pied de directions de campagne par les différents candidats et, plus que tout, que le pays s'est déjà mis en «mode électoral», peut devenir toxique pour un climat électoral jusqu'à présent dénué de toutes dérives politiciennes. D'autant que l'opposition a manifesté, à sa manière, son rejet de cette élection qui devrait, selon elle, introniser pour la 5ème fois le président Bouteflika et donc valider une «présidence à vie» pour le candidat de la majorité.

Le boycott de l'élection présidentielle, un appel du FFS et du RCD, est maintenant instrumentalisé par des marches contre le pouvoir et sa volonté d'imposer une autre mandature pour son candidat. Or, le plus énigmatique dans tout cela est que la plupart de ces marches, hormis celle de ce dimanche à l'appel du collectif Mouwatana, se tiennent sinon «spontanément», du moins à des appels anonymes à travers les réseaux sociaux. Il faut en convenir que ce n'est ni innocent, encore moins «spontané». La hantise, en fait, est que ces «marches spontanées» débordent sur des attitudes dangereuses pour la sécurité du pays et provoquent une espèce d'anarchie urbaine où les événements seront par la suite tout à fait incontrôlables. Sinon déboucher sur un cycle de protestation-répression absolument contre-productif autant pour la fragile démocratie dans le pays que la tenue dans des conditions politiques et sécuritaires apaisées de ce scrutin.

Bien sûr, bien des appétits politiques se cachent derrière ces marches de protestation contre le 5ème mandat. Par contre, la rue aura exprimé, à sa manière et jusqu'à présent par une expression démocratique jamais enregistrée jusque-là, ce qu'elle pense de cette élection. Et, le plus étonnant dans cette situation sociale et politique inédite dans notre pays, est que les partis de l'opposition en sont absolument étrangers, même si le probable candidat Ali Benflis a dit soutenir ces marches. Cependant, il faut se garder d'aller vers ce qui est excessif dans ce «coup de gueule» citoyen contre peut-être non pas vraiment le 5ème mandat mais ce qu'il représente comme impasse pour l'avenir d'une jeunesse toujours otage de fausse promesses électorales.