Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Bribes de littérature française : de l'hypocondrie de Molière à la madeleine de Proust

par Benderdouch Nour-El-Houda*

Les frontières entre l'humour et la littérature sont extrêmement fluctuantes. Conçu comme une stratégie de distanciation idéologique, l'humour a permis à des voix ligotées par la censure de s'exhiber. Des écrivains, poètes et dramaturges ont fait du rire un moyen pour dépeindre la réalité.

Dans sa comédie-ballet Le Malade imaginaire, Molière met en vedette Argan, ce personnage hypocondriaque qui se trouve après fauché par la mort. Il ridiculise allègrement les médecins pédants de son époque qui soignent leurs malades par des remèdes fantaisistes en utilisant des saignées, des purges et des clystères.

Cette pièce gravite autour de la critique du pédantisme en particulier et de la société du XVIII? siècle en général. Plusieurs pièces ont été réalisées dans le même but, à l'instar du Médecin volant, Le Médecin malgré lui, L'Amour Médecin et à travers lesquelles, le dramaturge met en scène les bévues ordinaires de ces thérapeutes grotesques. Argan n'est plus un malade imaginaire, mais un vrai malade qui a poussé ses derniers souffles dans son fauteuil qui trône au milieu de la scène !

La madeleine de Proust : de la délectation ineffable à la réminiscence ineffaçable

Marcel Proust est l'un des écrivains français décadentistes qui avaient un goût très prononcé pour l'art, la peinture et le spiritisme. Esthète raffiné, Proust a toujours impressionné le lecteur par son style lumineux et touchant qui dévoile l'éclat de la pensée et de la mémoire. D'un objet de nourriture qui paraissait banal, il faisait l'élément déclencheur des souvenirs gastro-littéraires évoqués avec délectation dans le premier tome de son chef-d'œuvre À La Recherche du temps perdu. À travers ces réminiscences, l'écrivain nous plonge dans un univers gastronomique merveilleux en décrivant avec verve les différents talents ménagers de Françoise, cuisinière hors pair qui sait assouvir les pulsions gustatives. La madeleine, ce gâteau salvateur est perçu donc comme le catalyseur d'une pluralité de sensations, d'impressions et d'émotions vagues et imbriquées.

*Enseignante à l'université de Chlef