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Assises nationales de l'agriculture - Tebboune : l'indépendance alimentaire n'est pas loin

par Ghania Oukazi

«Je sens qu'on n'est pas loin de l'indépendance alimentaire, il ne nous reste que quelques pas, j'espère que d'ici 2024-2025, on y arrivera», a affirmé, hier, le président de la République non sans avoir reproché aux professionnels du secteur de manquer de «rigueur».

Abdelmadjid Tebboune a ouvert, hier, au Palais des nations de Club des pins, les assises nationales de l'agriculture en présence des membres du gouvernement, des premiers responsables des hautes institutions de l'Etat ainsi que de nombreux représentants du secteur agricole. «C'est une rencontre des plus importantes parce que l'agriculture doit nous assurer notre sécurité alimentaire, c'est une priorité qu'on place au cœur de notre stratégie pour protéger notre indépendance et celle de notre décision», a commencé le président de la République par noter. Il estime que «ce secteur stratégique doit permettre de booster l'économie nationale, tout autant que l'industrie, l'économie de la connaissance (...)». L'Agriculture en chiffres, Tebboune la détaille en affirmant que «le secteur a affiché 14,7% du PIB en 2022 avec une production de 4550 milliards de dinars soit 35 milliards de dollars, en augmentation de 38% par rapport à 2021, emploie 2,700 millions de personnes, couvre 75% des besoins du territoire national, il se place en 2ème position après le pétrole qui lui fait 24% du PIB». Il assure que «l'agriculture a enregistré de grandes évolutions depuis 2021 où elle a produit pour 3500 milliards DA soit 25 milliards de dollars». Il estime ainsi qu' «on est sur le bon chemin, on espère atteindre les objectifs tracés, la production des céréales est liée directement à l'alimentation d'où son importance extrême et son poids dans la balance commerciale». Il a fait savoir qu' «on en consomme chaque année 9 millions de tonnes, cette année la production a augmenté grâce aux nouvelles méthodes d'irrigation et aux mesures techniques». Bien qu'il relève que «cette année, on en a produit la moitié», il déplore le fait qu'«il n'y a pas de rigueur malgré les aides aux agriculteurs». Il recommande alors, «on doit assurer notre alimentation, j'espère que toutes les mesures techniques soient mises en œuvre pour couvrir les 9 millions de tonnes dont on a besoin». Il exhorte les producteurs de céréales à «faire au moins 35 quintaux à l'hectare, les vrais chiffres, ce n'est que maintenant qu'on commence à les connaître, avant tous les chiffres étaient révisés et loin de la réalité».

«Je veux un recensement précis»

Son exemple «on a toujours dit qu'on cultive 3 millions d'hectares, depuis qu'on a adopté la numérisation, on s'est rendu compte qu'on n'a jamais dépassé 1,8 quintaux/h, ce qui signifie qu'il y a des terres qui ne sont pas exploitées, à ce jour, on continue de faire de la jachère». Il signale qu' «on utilise des drones pour connaître la vérité». Il instruit «je veux un recensement précis, pas pour les impôts mais pour qu'on sache ce qu'on a». Il rappelle que «pour le cheptel, on avançait 20, 25 à 30 millions de têtes, après un recensement, on a découvert qu'on en a 19 millions, on peut aujourd'hui faire nos calculs pour importer l'aliment du bétail». Ses autres instructions «il faut qu'on utilise les équipements modernes, c'est pour ça que j'ai autorisé l'importation de tracteurs (...)». Pour lui «la terre te donne ce que tu lui donnes, c'est de l'investissement, on doit dépasser les traditions pour arriver à faire de l'investissement scientifique, on doit utiliser les méthodes d'irrigation modernes pour obtenir une bonne production, il nous faut une vitesse plus forte».

Il évoque «la viande qu'on va importer, les prix vont baisser avant Ramadhan, le lait pour lequel on n'a pas les vrais chiffres, on se braque uniquement sur le lait subventionné qui va à la transformation et pas à la consommation, on ne sait pas combien on en consomme» et reproche «on n'a pas les vraies statistiques alors que c'est elles qui nous orientent à condition qu'elles soient vraies». Mais, a-t-il dit, «avec ça, la production agricole a augmenté de 1000 milliards DA, il faut aller vite, très vite, c'est une véritable course contre la montre ». Il affirme qu' «au Sud, les terres sont vastes, l'eau est à 50 m de profondeur, de quoi produire les céréales, certains ont fait de la mise en valeur mais n'ont eu que 20 ou 21 quintaux à l'hectare alors qu'avec toutes les conditions favorables, la production doit atteindre 60 quintaux à l'hectare, dans les années 80, on les a atteints dans une ferme pilote, certains pays dépassent 100 quintaux». Il en appelle «aux techniciens, aux ingénieurs des centres de recherche du secteur, il y en a à Timimoun» et annonce «il en aura un à Menaa et un autre à Ouargla». Il fait savoir par ailleurs qu'«en matière de fruits et légumes, l'Algérie est passée à une autre étape, certains agriculteurs ont même fait des fruits exotiques».

Les promesses du président

Mais il insiste, il veut «plus d'efforts pour les céréales, ce sont les principales cultures, j'espère qu'ils bénéficieront de tout ce que je demande». Il indique dans cet ordre d'idées que «l'agriculture au Sud exige la double culture, pas comme au Nord, on peut cultiver en même temps les céréales et les fourrages, le Sud peut en produire 100% de nos besoins (...), on ne doit pas rater les chances qu'on a». Le président de la République promet «celui qui va faire la double culture bénéficiera de mesures incitatives». Il veut que «tous les problèmes soient résolus en 2023» pour qu' «en 2024-2025, on y arrivera, il faut travailler, investir ». Pour lui «on n'est pas loin d'atteindre l'autosuffisance dans certaines productions, on peut même exporter». Il plaide pour le développement de l'arboriculture «rustique, les fruits secs, pistaches, amendes, toutes ces productions garantissent des entrées en devises, on pourra mettre fin à la dépendance des hydrocarbures, on peut aider ceux qui y investissent ». L'argan, l'huile d'olive «s'il y a la volonté on peut les produire, produire notre sucre, l'huile de table, en avril ou mai on aura notre premier bidon grâce à un investisseur algérien». Il promet à «ceux qui font dans l'agroalimentaire de leur assurer jusqu'à 90% du montant du projet d'investissement, ils ne ramènent que 10%». Il déplore au passage, «l'exportation du sucre raffiné mais après l'avoir importé brut». Il exhorte les jeunes à investir dans l'agriculture «dans le cadre des startups, et dans la transformation» et recommande «aujourd'hui, on doit stocker quand on a une production importante, mais quand ça diminue, on doit sortir la marchandise, même chose pour la volaille, l'Etat achète toute la production à ceux qui en font». Il rejette «les fluctuations des prix, c'est ça les cycles économiques du sous-développement !». Il rappelle que le pays a réussi à avoir une autosuffisance en semences de pomme de terre, c'est pour ça qu'elle est à des prix raisonnables, on doit passer à autre chose». Autre recommandation «on doit classer nos terres(...), le barrage vert, c'est une richesse économique mais rien ne nous empêche de faire la même chose pour les pistaches(...)».

Il appelle à «laisser entrer les bergers dans les forêts pour les débarrasser de la broussaille, ça va nous éviter les incendies et ça donne des engrais, celui qui veut des ruches dans les forêts qu'il le fasse, notre indépendance est liée à notre agriculture, quand on aura atteint 30% du PIB, on sera passé à une autre étape, on a 87 barrages, on peut les utiliser, on ne doit pas produire du pétrole pour acheter de l'ail».

En estimant que « le ministère doit rester comme modérateur et régulateur», il appelle la profession «à se constituer en filières».