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L'énigme des nouvelles «messes» météorologiques multiquotidiennes

par Hassini Tsaki*

L'Homme gorgé de ses certitudes et pouvoirs étendus sur son milieu naturel, se penserait-il, désormais Dieu jusqu'à vouloir intervenir et changer le climat sur toute la planète ?

Précisons, tout d'abord, que la planète ne peut être définie, ni historiquement, ni encore scientifiquement, par Un Climat, mais par Des Climats? Bien que, depuis une trentaine d'années de conditionnement des populations par les ?'faiseurs'' d'opinions, ont réussi, à force de matraquages, entre autres médiatiques, à forger dans les esprits ces nouvelles croyances pratiquement néo-religieuses.

Et depuis, les individus sont rangés en deux sous-groupes :

- une minorité, aujourd'hui, fort ségréguée de nouveaux hérétiques appelée les Climato-septiques ;

- une majorité de nouveaux ?'convaincus'' ou seulement suivistes complaisants qu'on pourrait caractériser de Climato-disciples.

Dans les sociétés encore marquées culturellement par le fait religieux et cultuel prépondérant de la religion en place, tels que ceux appartenant aux sociétés arabo-musulmanes actuelles, les bulletins météos sont clos, presque tous, par la même formule ou prière religieuse ?'In cha Allah'' (entendre Si Dieu le Veut). Alors que dans les sociétés plus ou moins laïques, aucune référence au divin, ni au religieux n'est évoquée !

Alors que dans les sociétés ?'religieuses'', le fonctionnement du climat semble être considéré comme une des attributions du divin, ou parfois même, suite à des phases persistantes de sécheresse et d'absence prolongée de précipitations saisonnières, des prières collectives avec des invocations de la puissance divine sont organisées çà et là en pays musulmans (Salât Al-Istisqâ).

Ce rite, quoique moins manifeste en Europe, à notre époque, mais constituant certainement une survivance et témoignage des pratiques chrétiennes, avant la ?'laïcisation'' plus ou moins aboutie des sociétés européennes montre que de telles invocations de la puissance divine pour donner la pluie dans des circonstances de sécheresse prolongée, sont encore de fait : invocations de Saint Patern, évêque au Xème siècle et saint patron de Vannes (France) pour donner de la pluie. Pour conjurer la sécheresse des prières des fidèles ont eu lieu en 1976 et en 1989. Evènements relatés par le journal Rennes Soir du 06-10-1989.

Quel que soit l'habillage religieux des uns et des autres, l'Homme reste l'Homme sous toutes les latitudes et époques. Ses réactions mystiques et son émotivité accrue devant des phénomènes naturels, certes, mais menaçants sa vie suffisent à en faire un Croyant Zélé demandeur invétéré de l'intervention et aide divines. D'où, quoiqu'on puisse penser, même en ce 22ème siècle exalté de technologie et de savoirs et prétentions scientifiques, l'Homme, par rapport à la pluie ou vis-à-vis des phénomènes météorologiques se trouve encore démuni et impuissant presque autant que ses très anciens ascendants qui furent bien tétanisés, dans leurs cavernes et abris, les nuits d'éclairs et de tonnerres. Un vieil adage oriental dit bien, à ce propos, que l'Homme ne reconnaît (croire) Dieu que la nuit des tonnerres !

Et comme les cinq prières quotidiennes de certains, les bulletins météorologiques sont renouvelés toutes les trois à quatre heures dans toutes les émissions de radio et de télévision du monde entier. Mais pourquoi une telle fréquence ? Et pourquoi un tel acharnement à vouloir savoir, et peut-être à vouloir maîtriser le phénomène climatique qui semble avoir demeuré si énigmatique pour les Hommes depuis peut-être les premières migrations intercontinentales de l'homo sapiens africain. Et ce, incontestablement jusqu'à nos jours présents, époque certainement très ancienne où l'Europe se trouvait, en grande partie alors, gelée et empêchée dans son évolution biologique par les glaciations?

Il faut se rappeler que les phases anciennes de réchauffement (dont la dernière période quaternaire de l'Holocène, vieille seulement de 11.500 ans) ayant conduit aux pertes substantielles des calottes glaciaires qui figeaient jusque-là une grande partie des territoires européens ont été une aubaine ou véritable chance et opportunité écologique qui a permis une renaissance biologique et un sursaut de vie tant espéré.

Ainsi, il est aujourd'hui merveilleux de constater, ces dernières années, à l'ombre des effets, voire bénéfiques, du Réchauffement Climatique, l'acclimatation naturelle et la montée de plusieurs centaines de kilomètres au nord de l'Europe de plusieurs espèces végétales, forestières et fruitières habituellement cantonnées à la région méditerranéenne (oliviers, figuiers, etc.).

Pourquoi vit-on aujourd'hui, et un peu partout dans le monde, avec ces Nouvelles Messes météorologiques pluriquotidiennes ?

Comment expliquer les récentes attaques des collections de toiles de grands musées européens par des militants climatiques, sinon par l'expression d'une névrose ou schizophrénie collective.

Les ?'militants climatiques'' en nouveaux disciples des messes météorologiques réagissent comme des foules conditionnées et fanatisées qui vont dans leur aveuglement jusqu'à s'adonner à des actes de violence, même si celles-ci, restent encore de nature morale ou civique.

Ces nouvelles foules, inintelligentes car fanatisées, constituent les adeptes d'une nouvelle espèce de religion non dite et non, clairement, revendiquée, ni verbalisée.

Ces mobilisations et embrigadements de ces militants climatiques s'expliquent par deux faits ou constats majeurs :

- Que les manifestations climatiques, depuis les temps les plus anciens à nos jours, et dans toutes les civilisations et cultures, n'ont pas trouvé une explication satisfaisante, rassurante et suffisamment explicite bâties sur le raisonnement et la totale acceptation intime des individus à la variation permanente du climat.

- Il nous faudrait reconnaître que bien que les techniques et les programmes et logiciels de météorologie aient accompli beaucoup de progrès le siècle écoulé et présentement, la question du ?'temps'' qu'il fera Demain ; et si Demain ou dans la semaine ou le mois, il pleuvra suffisamment pour garantir de bonnes récoltes, reste une préoccupation majeure, très ancrée dans le passé, et mémoire historique des Hommes. Pour une très grande majorité des humains le ?'temps'' ou le climat qu'il fera, reste toujours incertain, variable et non maîtrisable. D'où les prédispositions et réactions mystiques et purement émotives, plutôt que des attitudes reposant sur l'exercice de la raison pour l'acquisition de certitudes, restées les mêmes chez les Hommes de l'époque paléolithique, néolithique ou encore, récemment, moderne et contemporaine.

Le climat est la seule variable de la quadrilogie ?'Lithosphère, Biosphère, Atmosphère et Activité solaire'' qui s'exprime dans le temps et l'espace d'une manière dynamique et inconstante. Et les Hommes, depuis la nuit des temps, le ressentent, le suspectent ou le savent en leur for intérieur. Ainsi, les manifestations climatiques et surtout leurs relatifs désordres, restés pour eux inexpliqués, ont imprimé dans la mémoire humaine une crainte ou peur qu'ils ont fortement et subconsciemment intériorisées.

Qu'importent la COP 10 de Cancun, la COP 15 de Paris et ses faux succès, la COP 27 de Charm el-Cheikh et sa vitrine de promotion touristique, ou la lointaine COP 100, le climat restera comme il l'a été depuis 100.000 ans et plus, l'expression de la variabilité dynamique corrélée au fonctionnement de la terre, du système solaire et du temps, comme attesté par les études et données des oscillations climatiques quaternaires du siècle dernier. ?'Notre maison brûle et nous regardons ailleurs'', avait dit, en préambule de son discours au Sommet mondial du développement durable de 2002 à Johannesburg, le Président français Chirac? Et ce qui est absurde et même alarmant, est que, en 2022, notre Maison continue de brûler et nous regardons toujours ailleurs ! Sauf que le véritable incendie n'a point pour cause le climat, mais d'autres faits et problèmes réels qui demeurent cachés et occultés par la mobilisation des populations et des consciences humaines autour de vieilles craintes et peurs bien ancrées dans les mémoires et subconscients comme l'incertitude du climat.

Au lieu de porter un regard de lucidité et de vérité permettant de réanimer, ainsi en chacun de nous, le ?'Bon sens paysan'' qu'une certaine modernité avait occulté auparavant et broyé durant 80 ans de mécanisation et d'agrochimie à travers sa dite Révolution verte, et ses prémices destructeurs des belles paysanneries européennes puis de celles du Sud. Détruisant au passage, les sols, les nappes phréatiques, les cours d'eau et les écosystèmes naturels et provoquant, ainsi et irréversiblement, ces exodes ruraux hémorragiques, qui restent à l'origine, outre la paupérisation accrue des populations rurales, au renversement des équilibres démographiques mondiaux, devenus, depuis les années 2.000, selon les propres statistiques des Nations unies, majoritairement urbains pour la première fois dans l'histoire de notre humanité. Les cités de trente et quarante millions d'habitants et plus ne sont plus une exception dans un système foncièrement spéculatif de sururbanisation et de massifications forcenées des populations. Système, rappelons-le, qui reste à l'origine certainement de notre entrée désormais dans des cycles pandémiques périodiques et durables !

*Hassini TSAKI, Professeur à la retraite, ancien directeur du Laboratoire de Recherches de Biotechnologie pour une Sécurité Alimentaire et Energétique