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Stress hydrique: L'eau, un vrai casse-tête

par Ghania Oukazi

Les experts en ressources hydriques avertissent que les potentialités des ressources renouvelables par habitant et par an au plan national ont été évaluées en 2020 à 450 m³, «ce qui classe l'Algérie dans les pays pauvres en eau, très proches d'une situation de crise».

Dans la Charte des économies d'eau élaborée en 2021, les experts du ministère des Ressources en eau et de la Sécurité hydrique notent que «la problématique n'est pas nouvelle, mais ce projet de charte revêt un caractère d'une extrême urgence, voire d'ultimatum à la lutte contre la déperdition de l'eau et contre la dilapidation de cette précieuse ressource sous toutes ses formes». Premier constat induit par les changements climatiques, la diminution de la pluviométrie de 20% en moyenne ces dernières années par rapport aux 50 dernières années, notamment à l'ouest du pays, 13% au centre et 12% au sud du pays. Avec un tel impact, «les changements climatiques réduisent notablement les nappes», affirment les experts. Rien que pour l'année 2019-2020, l'Algérie a accusé un déficit de 30% en pluviométrie par rapport à l'année précédente. (Voir «Stress hydrique en Algérie» dans l'édition du 23 octobre dernier). «La baisse des précipitations a provoqué une diminution notable des débits d'oueds et des recharges des nappes». Le stress hydrique en Algérie se situe, selon les experts, «entre une position de rareté en deçà de 2010 et une autre de rareté absolue au-delà de 2010». Ils pointent du doigt aussi «la surexploitation des eaux souterraines (grandes nappes), ce qui provoque des baisses importantes des niveaux et une salinisation des eaux mettant en danger leurs utilisations actuelles et futures, les pertes considérables dans les réseaux d'AEP, le gaspillage et la pollution des ressources». Les pertes d'eau sont aussi dues, est-il écrit dans la charte, «à l'insuffisance de la maintenance des installations, au sous-comptage des volumes facturées au forfait, aux vols d'eau par piquages illicites et aux branchements non-conformes». Il est noté que «la gestion insuffisante de l'assainissement a aggravé la pollution du milieu, particulièrement des eaux».

«La pollution la plus menaçante est d'origine agricole»

L'on souligne ainsi que «les eaux usées domestiques et industrielles sont le plus souvent rejetées à l'état brut dans le milieu naturel et occasionnent des pollutions de plus en plus dangereuses pour les ressources en eau et la santé publique». Pour les eaux souterraines, «la pollution la plus menaçante est essentiellement d'origine agricole (engrais, produits phytosanitaires?), par ruissellement et infiltration». Ces derniers provoquent incontestablement «la dégradation de la qualité de l'eau qui peut la rendre à terme impropre à la consommation». Autre impact des changements climatiques, «les pertes d'eau par évaporation à cause de la hausse des températures au Maghreb, à raison de + 2 à + 3 degrés Celsius par moyennes annuelles». Il est conseillé de «placer la problématique de l'eau dans tout aménagement durable du territoire et lutter contre toutes les formes de pollution». Adoptée en 2015, la loi relative à l'eau qui considère que «cette ressource est un bien de la collectivité locale», note que «l'eau est facturée aux consommateurs à un prix qui ne reflète pas son coût réel, il est impératif d'appliquer une tarification sur l'eau et une fiscalité plus adaptée de manière progressive et sélective». En plus de cette loi, le ministère de tutelle a présenté en 2017 le «Plan national de l'eau» dont les missions se déclinent en un «audit de la collecte des données, évaluation des ressources et des besoins, élaboration d'un système d'information, d'une politique nationale de l'eau (?)». Le PNE indique que l'Algérie compte depuis 2015 pour la mobilisation des ressources en eau conventionnelles (pour les eaux superficielles) «64 barrages en exploitation pour l'alimentation en eau, 2 barrages en exploitation pour la production de l'électricité, 9 réalisés mais non raccordés». Tandis que pour les ressources en eau souterraines (aquifères), il constate que «la plupart des nappes du Nord ont atteint leurs limites d'exploitation». Certaines peuvent, selon ces experts, «supporter une surexploitation temporaire mais avec un suivi régulier de la piézométrie et de la qualité de l'eau». Une recommandation qu'ils jugent «particulièrement importante pour les nappes côtières et les nappes des chotts dont la surexploitation entraîne leur contamination par les eaux salées».

Des projets structurants pour un montant de 7.774 milliards DA

Il est rappelé que l'Algérie possède par ailleurs «des stations de dessalement d'eau de mer (SDEM) de grande taille dont la capacité nominale totale représente + d'un milliard de m³ par an, soit près de 10% du total des ressources mobilisables». Le PNE a indiqué aussi que l'Algérie a «10 SDEM en exploitation, 1 en attente de liaison, 4 en projet, 177 stations des eaux usées épurées (STEP) en exploitation et 63 en cours de réalisation avec une capacité épuratoire installée cumulée de 0,7 M m³/an». Un bilan hydrique négatif est cependant établi dans de grandes régions de l'ouest, au centre nord et d'autres à l'est du pays. Au titre des prévisions pour 2020, le PNE prévoyait «la mise en exploitation de 15 SDEM et 21 stations monobloc seront exploitables». A l'horizon 2030, l'Algérie comptera, selon ces experts de la tutelle, «50 millions d'habitants», à qui il faut assurer «35% de la ressource par dessalement et aquifères du Sud, à savoir des systèmes non tributaires des aléas climatiques, 45% des barrages avec une garantie élevée à travers des mécanismes d'interconnexion entre eux, 20% des aquifères du Nord, eux tributaires des aléas climatiques». Pour pouvoir le faire, le PNE recommande «l'assainissement et la protection de l'environnement, la collecte et l'épuration des eaux usées de toutes les villes, la protection des agglomérations et des plaines agricoles (..)». Il propose «un scénario de base d'une gestion par l'optimisation de l'offre à une gestion par la maîtrise de la demande, ce qui nécessite d'ajuster la demande sur l'offre». Dans le court terme, «la nappe du Continental intercalaire va être particulièrement sollicitée avec le transfert sud-sud (In Salah-Tamanrasset) et les projets de transferts sud-nord (sud des Hauts-Plateaux», est-il noté. Le PNE rend impératif «le remplacement et la sécurisation à cours terme des SDEM existantes en parallèle d'une programmation quinquennale de projets structurants». Selon ses prévisions, «l'Algérie doit, entre 2020-2024, construire 16 autres barrages et 4 autres entre 2025-2030, mettre en place 53 équipements d'irrigation, réaliser durant cette dernière période 43 réseaux d'adduction et transferts, 62 STEP pour en atteindre 156». Ces projets nécessiteront la mobilisation d'un montant global de 7.774 milliards de dinars.