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Optimisme interdit ?

par Abdelkrim Zerzouri

La Banque mondiale ainsi que d'autres institutions financières internationales doivent-elles réviser leur système de calcul prévisionnel de l'évolution des affaires économiques ? Beaucoup d'observateurs avertis le pensent sérieusement.

Tous les rapports établis dans ce cadre ces derniers mois, particulièrement, renforcent cette option et les doutes sur les capacités de ces banques à donner des prévisions fiables. Par exemple, aucune banque n'a pu mesurer l'actuelle hausse fulgurante de l'inflation, poussant les experts en économie et finances à réviser leurs propres prévisions (!) sur ce chapitre, en augmentant les taux d'inflation par rapport à ce qui a été prévu et en abaissant le taux de croissance initialement inscrit dans leurs rapports. Peut-être que certains facteurs restent imprévisibles, comme l'éclatement de la guerre en Ukraine, et ses effets, qui ont poussé pratiquement tous les pays européens à réduire les prévisions de croissance et augmenter les prévisions d'inflation.

Aucun expert ne peut les prévoir avec exactitude, ces guerres, notamment leurs effets sur les économies, à moins d'avoir des dons de devin. Seulement, dans ce cas, il faut se l'avouer, dire ou prévenir l'opinion que certains paramètres peuvent fausser toutes les prévisions, comme le font chez nous les annonceurs des prévisions de la météo, qui prennent soin d'ajouter que « seul Dieu le sait » à la fin de la présentation du temps qu'il fera demain.

Dans son dernier rapport de suivi de la situation économique en Algérie, publié le 3 août 2022, la Banque mondiale atteste que le PIB de l'Algérie a retrouvé son niveau pré-Covid au quatrième trimestre de 2021, et que cela n'est dû qu'au soutien de l'augmentation de la production et des exportations d'hydrocarbures. Personne ne dit le contraire, mais il faut voir aussi ce qui se fait hors du secteur des hydrocarbures, dans l'agriculture par exemple, où l'Algérie aspire à couvrir 80% de ses besoins en 2023. Une donnée prévisionnelle dont ne tiennent pas compte les prévisions de la Banque mondiale ?

« Malgré le rebond de l'économie algérienne, des défis subsistent, qui sont en outre aggravés par la forte volatilité des prix du pétrole et une dynamique économique mondiale incertaine», souligne Jesko Hentschel, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb.

Le rapport va plus loin, en anticipant une baisse des prix et des exportations d'hydrocarbures pour 2023-2024, qui pourrait entraîner une détérioration graduelle des équilibres extérieurs et budgétaires. En cela, l'argumentaire avancé d'« un contexte d'incertitude quant à l'évolution de l'économie mondiale» laisse planer une «incertitude» confessée explicitement par l'auteur du rapport et ses prévisions.

A-t-on besoin de ne livrer qu'un seul côté de la pièce dans ce jeu à pile ou face ? Et si l'économie mondiale retrouve sa voie vers la croissance? Dans ce cas, les signaux de l'économie algérienne resteront positifs pour trois ou quatre ans, le temps de renflouer les réserves de change et «renforcer la résilience ou l'aptitude à résister au choc», comme le conseille la Banque mondiale. Tout irait pour le mieux, donc. Mais pas trace de cette autre face de la pièce dans le rapport en question, dont les termes ne se conjuguent pas au ton optimiste dans les prévisions en question.