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L'Ecole algérienne: Rapport préliminaire sur l'école (Suite et fin)

par Ramdane Kheir-Eddine*

- Le déclin de la valeur de l'enseignant : l'austérité économique a été la première conséquence négative de la crise qu'a connue l'Algérie au début des années 80. La déstructuration de l'échelle des valeurs, le manque de considérations aux éducateurs, les enseignants a tous les niveaux ainsi que les personnes du savoir considérés ailleurs comme les piliers de la Nation ont été également touchés par la médiocrité et la marginalisation à cette époque. Au Japon et la Grande Bretagne (où j'ai enseigné pendant plusieurs années), Allemagne, USA,.... et même au Maroc l'enseignant est tellement considéré qu'il donne sérieusement et de façon dévouée le meilleur de lui-même notamment à ses disciples.

- L'absence d'audit en Algérie dans le domaine de l'éducation/université : L'audit est pourtant une notion courante efficacement adoptée par le système bancaire et financier dans notre pays. Alors que l'audit indépendant devrait être mis en place dans les différents secteurs en particulier l'école/l'université et ce à travers la constitution de commissions externes composées de différents experts (expert dans les finances, la pédagogie, .....) pour évaluer l'école/l'université en faisant participer et en interviewant tout le monde (parents pour l'école/étudiants pour l'université, enseignants, administrateurs et administrés...).

Quand j'étais doctorant à Londres, mon université avait reçu l'audit du ministère de l'enseignement composé de 3 différents professeurs appartenant à d'autres universités, un membre du ministère des finances et un membre du ministère de l'enseignement. Mon professeur m'avait expliqué que toutes les universités recevaient ce type d'audit 1 fois tous les 5 ans. La méthode adoptée avait consisté à mener des entretiens individuels avec un échantillon composé, entre autres, des laborantins, bibliothécaires, de plusieurs étudiants de différents cursus, dont moi personnellement en tant que doctorant étranger, ...

Le rapport complet a été mis à la disposition du ministère de l'enseignement supérieur pour évaluer l'université. Aussi, chaque département recevait l'audit tous les deux ans. Quand le département ne remplissait pas les conditions, on pouvait émettre des réserves et revenir un an après. Parfois, les parcours étaient gelés et les diplômes non reconnus tant que les réserves émises n'étaient pas sérieusement prises en charge avec des plans d'action structurants.

- En général les compétences en Algérie sont marginalisées, elles ne sont même pas sollicitées pour donner leurs opinions ou développer des idées constructives en la matière.

- l'éducation/les universités ne recrutent pas, malheureusement les meilleurs étudiants comme en Finlande ou les enseignants sont choisis parmi le top 10%.

- Absence de conférences nationales/régionales/locales annuelles sur la pédagogie, l'éducation, nouvelles approches, nouvelles méthodes d'évaluation des élèves.

- Absence de recyclage (formation continue : long life Learning ) des enseignants. Où sont passés les ITE et autres instituts qui servent à compléter la formation des enseignants (pédagogie, etc...)

- La majorité des enseignants/enseignantes ne savent pas se comporter avec les enfants, certains n'ont aucune notion de psychologie des enfants. Parfois les enseignants/enseignantes sont très agressifs avec leurs élèves.

- Il est ridicule de noter l'absence, dans la majorité des établissements scolaires, d'infirmerie et même de boite de pharmacie, de moyens préventifs en cas d'accidents ou autres, de médecins et psychologues,........

- Certaines écoles en plein centre-ville d'Oran n'ont même pas le chauffage. Les moyens matériels ne correspondent pas au budget alloué par l'Etat à l'Education

Enfin, tout ce qui se voit à la télévision et se dit à travers certaine presse nationale est totalement en contradiction avec la réalité, nous vivons dans le mensonge et la réalité est autre, pourquoi ? Les moyens de contrôle et de suivi sont soit absents soit défaillants de par leur niveau ou leur compétence.

Suggestions

N'importe quelle réforme de l'éducation et en particulier celle qui sera entreprise en Algérie devrait répondre clairement et nécessairement à des objectifs précis à court-, moyen- et long termes. Ces réformes devraient répondre promptement à l'évolution des besoins de la société. Elles devraient impliquer tous les acteurs importants et toutes les catégories professionnelles, principalement les anciens du secteur de l'éducation motives et passionnés par leur mission noble, des spécialistes, des chercheurs, des pédagogues. Ces réformes devraient être le fruit d'une concertation fertile adaptés aux réalités du terrain et tenant compte des exigences actuelles en se basant sur une planification appropriée et une structure adéquate.

Quelques mesures fondamentales qui devraient être prises pour la réussite de la reforme pourraient être:

Quel type de société devrions-nous construire et comment peut-on la préparer?

Réponses promptes à l'évolution des besoins de la société

Réponse à l'avancement de la société orientée vers les sciences et les technologies de l'information

Promouvoir la culture qui est la base de l'éducation

Promouvoir le sport à la fois dans et hors l'école

La culture d'une humanité riche en savoir et tout ce qui aide à sa prospérité (culture, sport, traditions, ......)

Amélioration de l'éducation concernant l'environnement lié à notre planète

La restructuration de l'enseignement scolaire (primaire, moyen, secondaire)

Promouvoir les sciences et de nouvelles technologies dans le domaine de l'éducation, et en particulier au secondaire.

Amélioration du système administratif de l'éducation au niveau local et décentralisation des décisions qui ne nécessitent pas l'appel à la tutelle.

Amélioration de la qualité des enseignants à chaque niveau de la formation (stage), au recrutement et pendant l'exercice de sa fonction (formation continue)

Quelles méthodes pédagogiques (la plus adéquate et la plus efficace) devraient être recommandées?

Quels moyens humains, matériels, didactiques,..... devraient être mis en place pour la réussite de l'enseignement?

Des mesures souples dans le système éducatif

Amélioration des écoles privées en les structurant mieux et surveiller périodiquement le mode et les procédures d'enseignement

Coopération active école- collectivité locale

L'implication de la collectivité locale (communauté locale) s'avère nécessaire afin de renforcer la relation entre les intervenants principaux Ecole-famille et dont la communauté est l'élément de complémentarité pour la promotion du bénévolat (activités censées développer l'esprit de l'enfant et de l'adolescent pour développer d'avantage l'amour pour leur patrie ; les protéger contre les fléaux et maux sociaux, tels que la délinquance, le tabac, la drogue, l'intimidation (menace, chantage, ...) entre élèves, le suicide et aussi les agressions au seins des établissements ou en dehors.

Promouvoir l'internationalisation

- Amélioration de l'enseignement de langues étrangères, particulièrement le Français et l'Anglais

- Faire appel à de jeunes enseignants étrangers pour accompagner les nationaux et les assister dans l'enseignement des langues étrangères

- Promouvoir l'échange international

Méthode de travail d'un task force

En ma qualité de parent, éducateur (enseignant universitaire) et surtout de membre ayant déjà participé dans le passé dans l'élaboration de programme éducatif au sein d'une université au Japon (voir les documents 7,8 & 9 comme exemple), je considère que les reformes devront se concentrer essentiellement sur la QUALITÉ de l'éducation et de l'enseignement et pour se faire il serait judicieux de mettre en place un groupe de travail ?TASK FORCE' (au niveau national et régional) qui inclurait tous les acteurs concernés. Sa mission serait de travailler sur le thème la REFONTE de l'Ecole Algérienne. Le TASK FORCE par le biais de brainstorming (à différentes étapes) devrait «d'abord» identifier les problèmes et les besoins de l'éducation en Algérie, développer des spécifications pour répondre à ces besoins, générer un grand nombre de concepts afin de satisfaire ces spécifications, et de sélectionner les meilleurs et les réalisables à développer, comme montré sur la figure ci-dessous.

Comme pour toute réforme, il y a des défis importants dans le développement et la mise en œuvre des idées nouvelles (challenges) ... Certains d'entre elles sont propres à l'Algérie. Le processus visant à générer les challenges peut être la technique «diagramme d'affinité» qui a été promue dans le « the Value Analysis/Value Engineering field » [Fowler, Theodore C].

Il convient de mentionner que, pour les réformes éducatives en Algérie, les challenges sont significatifs et exigeraient de la créativité, les compétences et une excellente organisation afin de trouver les solutions adéquates. En fait, certains de ces challenges ne peuvent être résolus dans le cadre des contraintes existantes (ces contraintes sont à déterminer).

Une fois les challenges clairement identifiés, le Task Force devrait passer à l'élaboration d'un ensemble de spécifications du concept.

Ces spécifications peuvent être organisées en 4 catégories, à savoir, les contraintes, les contraintes du produit, les objectifs (buts), et les axiomes [Webster online] (qui sont des vérités évidentes).

Les objectifs ou les buts peuvent être considérés comme des espaces d'aspiration. Ils stipulent ce que devrait être les caractéristiques et les propriétés de la solution idéale.

Évidemment, les objectifs ne peuvent être atteints dans leur totalité car ils représentent le plus souvent des quêtes irréalistes envers des limites inaccessibles.

Une fois les spécifications clairement identifiés, le Task Force devrait passer à l'élaboration de concepts pour répondre aux challenges en développant un ensemble d'objectifs. Ensuite, le Task Force doit énumérer tous les produits délivrables dans l'ordre de priorité ; de la plus haute à la plus basse en fonction des objectifs importants et bien précis. Ces priorités peuvent être mises en action à entreprendre: actions immédiates, ainsi que dans le temps : à court, moyen-et à long termes.

Quant aux actions immédiates je suggère :

- Les inspecteurs doivent contrôler la qualité au lieu de la quantité. L'inspecteur ne devra pas insister uniquement sur le respect et l'état d'avancement du programme. Que faire quand des élevés n'arrivent pas à assimiler et comprendre certains sujets difficiles ?

- La réduction du programme (de 20% - 25%), surtout pour les premières années de l'école primaire, ils ont besoin de plus de temps pour la compréhension, ...... .

Aussi il y a lieu de commencer par une réflexion immédiate sur :

- Le nombre de matières / année / niveau selon l'âge

- Le nombre des unités / jour selon l'âge

- L'accomplissement des objectifs pédagogiques appropriés

- Le système d'évaluation au niveau des premières années primaires et au primaire, moyen, secondaire, ......

- Engager une réflexion sur l'examen du Bac (La réduction de la durée du Bac et les matières en fonction de la filière): 5 jours c'est trop ! Pourquoi ne pas passer une 1ère partie du Bac en 2eme année secondaire et garder que les sujets importants selon la filière pour la terminale (2eme partie du Bac)

- Fournir le matériel éducatif/pédagogique approprié

- Assurer la cohérence entre les différentes écoles et régions

- Maintenir la motivation des élèves

Finalement, la méthode systématique que j'ai proposée parmi tant d'autres pourrait éventuellement convenir pour la réforme de notre système éducatif. Elle peut être appliquée en premier lieu à trouver les objectifs, idées ?challenges .....Et puis une fois déterminés, cette méthode peut être appliquée pour les 3 différents cycles (primaire, moyen et secondaire). Idem pour les différentes années de chaque cycle et pour les différentes matières sélectionnées.

Conclusion

Lors d'un un colloque national à Oran le 19 et 20 novembre 2011 sur : « les écoles préparatoires et les grandes écoles, quelle formation pour quelle stratégie? » ; où il y'avait des étrangers, en particulier les français et bien sûr mes confrères enseignants Algériens et étudiants. Les français avaient parlé du système français et il y avait une question concernant le système anglais à laquelle j'avais répondu car les français n'avaient pas d'idée sur ce système. Puis lors de ma conférence ou j'avais parlé du système Algérien et japonais. Après plusieurs questions de l'audience, un enseignant algérien me demande : « Alors quel système choisiriez-vous pour l'Algérie? »

Ma réponse était : « c'est à nous les Algériens de trouver notre propre système qui s'adapte à notre propre société. Je ne critique aucun système, car ils sont conçus pour leurs propres sociétés. Par contre, pour trouver notre propre système, je travaillerai de prêt avec les collègues français, britanniques, japonais, allemands, Finlandais, Singapouriens, ...... pour apprendre de leurs expériences et partager avec eux nos idées, nos expériences....... »

La clé de la réussite passe en premier lieu par la volonté politique, elle exige ensuite la participation de tous avec sérieux et dévouement, car on sait que le chemin est long et sera plein d'obstacles.

Références

NYTimes, From Finland, an Intriguing School-Reform Model, By JENNY ANDERSON, Published: December 12, 2011

Fowler, Theodore C. (1990), Value analysis in design, Van Nostrand Reinhold, N.Y.

Webster online, http://work.ucsd.edu:5141/cgi-bin/http_webster?isindex=axiom& method-exact

*Docteur. Professeur, Génie Civil - Université des Science et de la Technologie d'Oran ? Mohamed Boudiaf