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CANNES-CHRONO (1/8) - L'UNIVERS, SA MÈRE ET SON PÈRE

par T. H.

Les humeurs de notre envoyé spécial à Cannes, entre fictions documentées et réalités augmentées.



Les supporters de foot, ces grands nigauds qui se prennent parfois pour des poètes, ont inventé la formule «Si L'Egypte est Oum Eddounia, l'Algérie babaha».

Maintenant que le père comme la mère de l'univers sont éliminés de la prochaine Coupe du Monde de Foot-ball le truc fait enfin sourire, un peu.

Les deux grands pays arabes n'iront donc pas au Mondial du ballon (oui, l'Algérie est un pays arabe, n'en déplaise à ceux qui ne le sont pas), pas plus qu'ils ne mettront les pieds à Cannes, où là aussi ils ont été implacablement éliminés : aucun des films proposés par l'Algérie et l'Egypte n'a été retenu par les différentes sélections de la grande manifestation cinématographique.

Pas de Qatar, pas de Cannes, pas de chance, mais les deux grands perdants à tous les niveaux pourront se consoler en se persuadant mutuellement qu'au moins au niveau des droits de l'homme ils sont les champions de la région, du monde même, et d'abord de l'univers père et mère.

A contrario des pays sans grande importance, prenez par exemple nos voisins, à l'est comme à l'ouest y en a pas un pour sauver l'autre n'est-ce pas, et bien non seulement ils réussissent à se qualifier pour le mondial de foot, mais décrochent de surcroit leur ticket pour le festival de Cannes où les places sont tout aussi chères.

Que doit-on en conclure ? On garde ça pour nous, rien qu'entre nous, tout en souhaitant une longue vie au Maréchal Sissi et à notre petit pharaon national de Champiny-sur-Marne, Djamel Belmadi.

Sans eux, où en serions-nous ?

Et si on s'amusait à organiser le match des éliminés, c'est qui le plus loser des deux perdants, l'Égypte ou l'Algérie ?

Sur le terrain cannois, si l'on excepte son troupeau de journalistes excités/accrédités, l'Algérie est totalement invisible. L'Egypte à bien y regarder ne l'est pas tant que ça. D'une part le réalisateur Yousry Nassrallah est président du jury pour le court-métrage, ce n'est pas grand chose mais ce n'est pas rien non plus. Ensuite et surtout parce qu'en compétition officielle il y a bel et bien un film égyptien ! Le très attendu Boy from Heaven, de Tarik Saleh. De nationalité suédoise, le réalisateur s'est fait bannir de son pays d'origine l'Egypte après avoir réalisé e 2017 Le Caire Confidentiel, excellent film noir autant inspiré d'un fait-divers égyptien mêlant des grands responsables politiques que des codes du thriller américain de James Ellroy. Grand succès dans le monde, prix au festival de Sundence et interdiction en Egypte. La gloire, quoi. Les relations de Tarik Saleh avec les autorités égyptiennes ne vont sans doute pas s'arranger de sitôt si l'on se fie au synopsis de son film sélectionné: «Boy from Heaven». Une histoire de passation de pouvoir houleuse entre deux cheikhs d'Al-Azhar !

On pourrait suggérer à Djamel Belmadi de récupérer l'artiste dissident Tarik Salah et dans le même élan salvateur fourguer l'artiste dissident Ferhat Mehanni aux Egyptiens. S'il réussit ce transfert, on lui pardonnera tout, y compris ses insupportables manières de petit caïd des banlieues tièdes.