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ALGERIE, La Problématique Economique et L'Impératif Mondial

par Amar Tou

Je présenterai ci-après, l'avant-propos, les centres d'intérêt des chapitres et la conclusion de l'ouvrage que je viens de publier aux «Clic Editions-Mohammadia-Alger» en 639 pages, sous le titre :

L'avant-propos

Comparativement, et sans moyens financiers et humains suffisants, le Président algérien Houari Boumediene, mort le 27 décembre 1978, réussit, en moins de douze ans, à doter l'Algérie d'une base industrielle lourde et assise sur quelques soixante dix grosses entreprises publiques gérant de colossaux complexes industriels.

Comme il réussit l'entame effective d'un tissu d'une industrie légère diversifiée et assise, elle, sur plus d'une centaine d'usines de taille moyenne couvrant toutes les filières industrielles connues à l'époque et réparties sur la quasi-totalité des wilayas du pays du moment.

Accusées, abusivement, de failles profondes quant à la conception, à la réalisation et à la gestion et, indûment victimes d'options imprécises et improvisées ou dictées, après la mort de H. Boumediene, ces usines furent mises en difficulté, bradées ou réduites au silence par divers procédés et ce, de manière systématique, à partir de 1979.

Mais devant les impasses économiques répétitives, l'on n'hésitait pas, épisodiquement, à y faire recours, dans le discours ou comme bouée de sauvetage politique de circonstance, tout en poursuivant, par les mêmes procédés, leur démentiellement en règle, entamé juste après la mort de H. Boumediene.

La vision et le discours ?'Boumediénistes'' qui n'eurent pas le temps de prendre, furent lamentablement relayés par des alternatives économiques qui s'ingénièrent à avorter le modèle d'industrialisation bien engagé, sans pouvoir lui substituer un autre modèle à conception claire et rassurant quant à ses perspectives.

Heureusement que l'impératif de Sécurité Nationale, après l'épreuve dramatique des années 1990, ait su déjouer tous les calculs ?'de salons mondains'' et pu s'épargner les ?'économismes'' primaires pour bénéficier des ressources nécessaires à sa prise en mains graduellement mais sûrement.

Mais le niveau relativement bas et la structure déséquilibrée du Produit Intérieur Brut (PIB) du pays constituent le handicap majeur qui se dresse contre la volonté d'aller plus vite simultanément vers un meilleur bien-être de la population et un renforcement permanent de la Sécurité Nationale au plus haut niveau.

Le présent essai a la prétention de circonscrire ces questions sans, par contre, avoir la prétention de leur apporter toutes les réponses attendues, même s'il s'y exerce, avec grande conviction, pour tenter de leur proposer, au moins partiellement, des éléments de solutions.

La pérennité de l'impératif de Sécurité Nationale, dans son acception la plus large, ne saurait être pleinement servie que par une économie largement diversifiée et fortement en constante croissance, vainement brandie en slogan.

L'ambition de cet essai n'est pas de se substituer au déploiement engagé par ailleurs dans le domaine, mais d'y contribuer, humblement.

Centres d'intérêt des chapitres

- Dans le premier chapitre, nous traiterons des théories ou stratégies de développement et des expériences typiques en matière de politique industrielle.

- Dans le deuxième chapitre, nous dresserons un tableau de l'industrie algérienne arrêtée à 1966. C'est-à-dire à la veille de l'ère de planification pour pouvoir, ensuite, mieux mesurer les résultats de l'étape subséquente.

- Dans le troisième chapitre, nous tenterons une évaluation des résultats des choix faits dans les domaines de production, d'intégration et d'emploi, limités à la période de planification (1967-1977).

- Dans le quatrième chapitre, nous traiterons des résultats en matière de financement de l'industrialisation, de la rentabilité financière des entreprises nationales et de l'inflation avec ses impacts sur les investissements durant la même période de planification. Nous y traiterons, également, des réserves ou erreurs commises dans la mise en œuvre du modèle de développement choisi entre 1967 et 1977, notamment dans la nature du capital, de l'organisation, des outils de mise en œuvre, du management et des perspectives d'exportation.

- Dans le cinquième chapitre, nous traiterons des dérives, de l'avortement en règle, à compter de 1979, du modèle de développement choisi, imposant ainsi, entre 1980 et 1998, un tournant désastreux qui a causé un effondrement de la politique économique, industrielle et sociale du pays et qui déteindra profondément sur l'Algérie entière de 1980 à 2021 et se prolongera au delà et ce, en dépit des tentatives de redressement controversées en cours depuis 1999.

- Le sixième chapitre sera consacré aux tentatives incohérentes et instables engagées pour le redressement de la politique industrielle engagé depuis 1999 et qui était projetée se poursuivre durant le plan quinquennal (2015-2019), dans le cadre d'une démarche confondant assemblage et industrie, fort hésitante, très controversée, sacrifiant l'intégration stratégiquement programmée au profit d'un «small is beautiful» consolidant un secteur privé sans ambition telle que retenue dans la planification des années 1970 et devant consacrer la sociale économie de marché:

Nous nous y intéresserons à la vision, aux fondements, aux objectifs, à l'organisation et aux outils de mise en œuvre : le redéploiement industriel sous-tendu, l'effort colossal jamais consenti dans le développement des infrastructures et le soutien d'une politique sociale qui suscite des avis controversés, retiendront particulièrement notre attention.

Nous y traiterons, également, des dogmes, toujours discutables, liés à l'investissement du secteur public marchand et non marchand, du partenariat public/privé, du partenariat entre entreprises algériennes et entreprises étrangères, de l'investissement direct étranger, des modes de financements, du financement sur endettement extérieur dans une conjoncture profondément marquée par un effondrement des prix de pétrole, de la rationalisation des dépenses, de l'austérité et de l'entreprise compétitive. Nous y consacrerons un intérêt particulier aux conflits d'agendas qui ne semblent pas réussir à l'Algérie dans une conjoncture de disette financière qui s'installe dans la durée en dépit des relèvements épisodiques des cours de pétrole, face à des besoins qui, eux, vont régulièrement croissant sous le poids d'une démographie qui n'est pas projetée au calme de sitôt.

- Dans le septième chapitre, nous oserons nous hasarder dans des questions fort controversées liées à la place que l'Algérie, dans sa vision industrielle à moyen et très long terme, devrait se ménager au sein de l'économie régionale et mondiale eu égard à la polarisation, en gestation, qui est étendue à de nouveaux ensembles économiques, aux autres pays émergeants et à d'autres pays. Autrement exprimé: le non-alignement s'accommoderait-il toujours des besoins économiques de l'Algérie en rapport avec ses grandes ambitions militaires et économiques ?

- Dans le huitième et dernier chapitre, nous discuterons des menaces qui pèsent sur l'Algérie en rapport avec des géopolitiques défavorables et de géostratégies concurrentes imposant à l'Algérie une stratégie d'anticipation complexe et coûteuse tenant compte de ses impératifs sécuritaires et économiques et devant aboutir à se définir les voies et moyens d'une conciliation idoine entre ces impératifs et devant permettre, aussi, d'arbitrer dans le choix des partenaires dans le domaine économique et dans celui de la sécurité nationale.

La conclusion

La longue et pénible marche de l'économie et de l'industrie de l'Algérie depuis le recouvrement de sa souveraineté nationale en 1962, connut audace, dérives, errements, grands espoirs vite désenchantés et maladroits calculs de Pouvoirs.

Les espoirs en un salut à terme renaissent à présent dans les pires difficultés qu'autorisent le discours politique, le programme d'actions affiché et les premiers actes majeurs en projets structurants revus et relancés : en infrastructures portuaires, en exploitation et transformation minières, en récupération d'usines industrielles publiques autrefois bradées et abandonnées et en dynamique novatrice de création de start-up.

Des espoirs que permet la constance dans la construction des leviers d'une Sécurité Nationale déjà confortablement rassurante et prometteuse au regard des grandes ambitions organisationnelles et industrielles déjà réalisées ou en phase de concrétisation dans tous les domaines de fabrications militaires s'y rapportant ; toujours en respect de sa neutralité géniale constante depuis 1962 entre l'Ouest et l'Est et dont paraissent s'accommoder, dans leur congénitale adversité, les deux ensembles antagonistes. Neutralité que traduit merveilleusement bien la visite à Cuba du premier Président algérien A. Ben Bella, le 15 octobre 1962, venant d'une visite aux Etats-Unis d'Amérique sur invitation du Président américain démocrate John F. Kennedy, par avion cubain autorisé, pour la circonstance, par les USA. Lequel geste que A. Ben Bella voulut annonciateur d'une décrispation de la guerre froide qui faisait rage entre les deux blocs antagonistes : l'Ouest capitaliste et l'Est socialiste. Cette neutralité ou non-alignement se veut désormais s'exprimer par le haut sur la voie d'une large diversification économique et d'une émergence auto-entretenue dans l'industrie, dans l'agriculture et dans l'agro-industrie et dans les technologies avancées.

Les expériences de pays, prises pour exemples comparatifs, connurent aussi de pires difficultés spécifiques ou comparables à celles que connut la marche de l'économie de l'Algérie et son projet d'industrialisation ; mais elles surent les surmonter aux prix forts en temps et en argent, n'hésitant pas à alterner, au besoin, dans leur progression vers leurs niveaux de développement actuels, les visions et les applications les plus contradictoires. Cependant, elles n'ont jamais ?'cassé'' l'outil industriel de production dont elles héritaient à chaque alternance politique. Elles surent toujours l'adapter aux nouvelles visions et aux nouveaux impératifs économiques.

En Algérie, rien de prohibitif n'empêche les bonnes volontés de se relever d'un revers si catastrophique soit-il, afin de mieux redresser les torts et ressouder les cassures pour repartir de nouveau en caressant les espoirs les plus rêveurs.

Cependant, devant des besoins incompressibles et régulièrement croissants, en face d'ambitions légitimes de grandeur, mais contrées par des ressources financières propres encore très limitées et nullement à l'abri d'autres effondrements ravageurs des cours de pétrole, le réalisme n'autorise plus aucune marge de manœuvre quant à l'impératif d'utiliser intelligemment l'argent des autres, associant les technologies avancées, l'innovation et des parts de marchés extérieurs ; maintenant que la règle limitative 51/49 % est levée (depuis 2019) et ce, en attendant des ressources propres alternatives, complémentaires et ou de substitution, hypothétiquement attendues.

A cet égard et en attendant les effets à long terme des actions à engager en profondeur, les hésitations et les frilosités dogmatiques devront impérativement céder devant l'inévitable prise de risques mesurés en matière d'Investissements Directs Etrangers, moyennant au besoin vital, le recours légal au droit de préemption; le pragmatisme recommandant d'offrir de grands projets viables, rentables, incitatifs et susceptibles de lever les financements adéquats pour des investissements étrangers plutôt que de disposer au préalable d'argent propre, sachant que les richesses prouvées et potentielles du pays, y compris en matière agricole, le garantissent en vertu d'une législation adéquate à inventer. Les grands projets stratégiques annoncés lors du Conseil des ministres du 27 février 2022, en coopération avec le Qatar et le Koweït dans les laits, les viandes, les oléagineux, les cultures sucrières, le chemin de fer, en constitueraient, éminemment, s'ils s'inscrivaient dans une vision constante, la continuité des grands projets structurants déjà en cours de mise en œuvre en coopération avec la Chine, tels le port de Cherchell, le fer de Tindouf et le phosphate de Tébessa que nous avons largement présentés plus haut.

D'évidence, ceci devra naturellement s'exécuter en concomitance avec la relance immédiate, en mieux, du Secteur Public Marchand Industriel, et l'entame volontariste d'une promotion aidée mais ciblée du secteur privé industriel national vers des tailles supérieures, des filières socialement plus utiles, technologiquement plus ambitieuses, des statuts juridiques plus bancables et vers des start-up en rupture totale avec les Très Petites Entreprises (TPE) actuelles à tares handicapantes qui ?'surpeuplent'' le tissu industriel privé algérien actuel.