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A Eric Zemmour, un vieux fennec, bien singulier

par Pr El Hassar S.

Aujourd'hui, Monsieur Zemmour, vous me rappelez des souvenirs d'enfance. Pourquoi pas ? En ce temps-là, les parents étaient plus près de leurs enfants et même de ceux qu'ils ne connaissaient pas. Quand l'un de ces enfants était instigateur, provocateur, méchant voire même délinquant, les parents se portaient garants pour le ramener à la raison, quand bien même était-il un lourd inconvénient. S'ils ne parvenaient pas à leurs fins, ils disaient alors, à haute voix, publiquement, «enlevez de mon regard, ce vulgaire garnement». Prononcé en arabe du moment, cela devenait : «Baadou alleya hada z'mmar»

N'étant pas amateur des exercices à trous, je préfère vous l'écrire d'une autre manière, parce que c'est vous, et vous conter sans trompettes ni tambourins, l'histoire de ce contemporain.

Au nord du désert de Numidie vivaient de nombreuses familles venues de partout et même d'Andalousie. Un vent comme un ouragan de sable et de pierres souleva la région où naquirent son père et sa mère et qui devenait mortifère. On apprenait aussi que beaucoup de ceux qu'ils côtoyaient avaient déjà connu l'enfer.

Ils se déplacèrent en masse vers un ciel plus clément. De leur union naquit un petit fennec tout gris. Ses parents vêtus de leur habit traditionnel fêtèrent cette naissance si peu habituelle. Ils avaient espéré pour leur enfant plus de clarté dans ses yeux et plus de blondeur dans ses cheveux. Ils manifestèrent cependant, ce jour-là, en ce lieu, beaucoup de joie et usèrent comme de coutume de la Ghaïa et de la Zemmara que certains appelaient de la Zemmoura pour animer leurs danses folkloriques.

Tous ces instruments de musique étaient bien connus. Ils étaient très aiguës et bruyants à la fois. Sans doute qu'un peu plus tard, tout comme autrefois, le prêtre qui le baptisa inscrivit en lettres incompréhensibles pour certains ignorants, le nom de cet instrument, le plus bruyant mais qui égayait quand même leurs chants et danses du moment.

Dès lors, ce nom de baptême ne le quittait plus, même si souvent il devenait gênant pour ce petit fennec, voire inconvenant. Il chercha sur-le-champ un certain apaisement en choisissant le prénom le plus accommodant.

Sa mère depuis ce temps surveillait son enfant et lui apprit très tôt comment parler sans accent. Elle lui conseilla sans cesse de se méfier de son entourage du quartier et surtout de ne pas parler leur langage, si peu châtié. Il devait se taire même près de son père et surtout de sa mère, disait-il plus tard quand il devenait plus grand et qu'il était projeté sur le petit écran.

Mais comment faire quand on est un petit fennec et gris à la fois et que tous les cirques de l'asile vous réclament pour vos exhibitions et savoir-faire. De savoir-faire, il connaissait bien le sujet, puisqu'il alla à l'université.

Certains organisateurs hors pair lui offrirent même une chaire et tous les jours, à la même heure, il distillait son venin et sa haine comme s'il les avait inscrites dans ses veines et qu'il ne pouvait s'en défaire pour continuer à plaire ou à faire des affaires. Il avait, il est vrai pour l'accompagner, une belle statue d'Ebène et une Egérie rien que pour lui.

Cet épisode de protection rapprochée lui permit d'éviter la captivité, d'autant que les cirques qui le cherchaient n'étaient plus d'actualité et que les animaux dorénavant ne devaient plus servir d'amuseurs d'enfants.

Il ne restait plus à ce jeune fennec que devenir plus blanc que blanc, un peu comme les anciens francs mais le pouvait-il vraiment et la science pouvait-elle faire ce que le baptême ne voulait pas, les décrets et les lois pouvaient-ils être plus forts que la foi.

Ce fennec poivre et sel aujourd'hui apprenait sa récitation pour mieux défendre l'assimilation. Il décida pour être convaincant d'oublier la Numidie de ses aïeux, le sable chaud, la clémentine du père Clément, les oranges amères de sa mère, près d'une Méditerranée qu'il ne pouvait fréquenter sans se mélanger à d'autres congénères ni tremper près d'eux son museau et son corps de la tête aux pieds, et encore, et encore.

Il aurait voulu parfois se teindre les cheveux comme l'avait fait un acteur du sud de l'Italie, allé un jour en Germanie pour goûter leur pain et chocolat mais qui très vite se révisa, lui, et pour cause. J'aurais pu vous la raconter, cette histoire belle et éloquente si j'en avais eu davantage de temps.

Il n'aurait jamais pu plaider longtemps la cause des rois francs qui d'ailleurs ne l'auraient pas reconnu même s'il avait voulu s'intéresser à eux quand ils étaient couronnés et leurs enfants couronnés à leur tour mais jamais à ce qui leur était advenu, devant l'adversité, cette grande inconnue. Vos élucubrations sur l'Islam sont aujourd'hui une provocation superflue et pleine d'imprévu. Les trois religions monothéistes vous ont doté d'une conscience. Il faut croire en quelque sorte que vous n'en faites aucun usage.

La laïcité, survenue après des guerres de religion monstrueuses, avait fini par tracer une voie apaisante et rassurante, prévue comme pour l'éternité. Elle avait aussi inclus la liberté du culte si chère aujourd'hui à tous les terriens épris de liberté, d'égalité et de fraternité.

La liberté de conscience fut inscrite dans la Constitution française au détour d'une révolte voire d'une révolution. Cette liberté de conscience aux vertus inégalées protège la liberté de pensée et la liberté d'expression sous réserve cependant d'avoir une conscience sans faille pour protéger leur âme, vaille que vaille.

L'assimilation a déjà été traitée de mille et une façons, décourageant tous les prétendants à cette machination et leurs auteurs ont dû abandonner par un calcul facile à faire pour les plus expérimentés. Un de vos amis de l'université de Paris, dont j'ai lu un article paru dans un quotidien de la Numidie d'aujourd'hui a écrit combien vous aviez changé. Il ne vous reconnaissait plus et même a-t-il écrit que vos maîtres communs du passé se seraient retournés dans leurs tombes et auraient à l'unisson crié à la trahison. Vous ne pouvez pas, cher Monsieur, exister partout selon votre bon vouloir et continuer de brutaliser vos gènes, fussent-ils déjà modifiés, sans savoir que vous rejoignez cette horde de mutants et de variants (á, â, Ä,.....Ze) et la sanction qui les attend.