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Bolloré quitte (en partie) l’Afrique

par Akram Belkaïd, Paris

La rumeur était insistante depuis plusieurs semaines et avait même été relayée par des informations de presse (1). Elle était fondée et c’est désormais officiel : le groupe français Bolloré envisage, bel et bien, de se retirer (en partie) d’Afrique.
Lundi 20 décembre, l’entreprise a ainsi annoncé être entrée dans des discussions exclusives pour céder ses activités de transport et de logistique sur le continent (Bolloré Africa Logistics) au groupe italo-suisse de fret maritime MSC, deuxième transporteur maritime au monde. L’acquisition serait totale pour un montant proposé de 5,7 milliards d’euros. L’exclusivité des négociations est valable jusqu’au 31 mars 2022.

Présence dans les médias

Si cette vente se confirme et que les deux parties s’entendent tout en obtenant l’aval des autorités de concurrence, cela signifie que Bolloré abandonnera une bonne partie de son activité sur le continent africain (35% de son résultat opérationnel en 2019 et 27% en 2020). Pour MSC, qui possède déjà des activités au Togo et en Côte d’ivoire, récupérer ces actifs permettrait une plus grande verticalisation de ses opérations et d’avoir une part plus prépondérante dans une région considérée comme l’un des futurs pôles de croissance du XXIe siècle.

De son côté, Bolloré continuera d’être présent en Afrique grâce à la télévision payante, Canal étant le premier opérateur de télévision payante dans la zone francophone.

Cela sans oublier sa présence dans le capital de Multichoice, principal acteur de ce secteur en Afrique anglophone.

Pourquoi Bolloré cède-t-il ce qui a longtemps été présenté comme un joyau du groupe, voire une poule aux œufs d’or ? Il y a d’abord une stratégie de recentrage sur les médias qui a été entamée en Europe depuis longtemps et qui se poursuit donc en Afrique. Ensuite, les perspectives peuvent sembler moins enthousiasmantes pour l’avenir du transport maritime et de la manutention. La pandémie de Covid-19 a quelque peu désorganisé le secteur, provoquant certes la hausse des tarifs (et donc des revenus potentiels) mais induisant dans le même temps une congestion au niveau des terminaux tandis que de nombreux États et multinationales réfléchissent à rapatrier certaines de leurs activités pour ne plus dépendre de sous-traitants lointains fussent-ils plus compétitifs en matière de salaires.

Retraite

Enfin, l’Afrique francophone change. Elle n’est plus un pré-carré français où le mélange des genres entre politique, économie et défense des intérêts de la France était chose fréquente. Bolloré est confronté à des critiques récurrentes sur sa gestion et doit faire face à une concurrence de plus en plus forte, notamment celle de groupes du Golfe et d’Asie. Signe des temps, ses relations avec les dirigeants de certains pays ne sont plus aussi... cordiales que par le passé (2).

En France, la presse assure que Vincent Bolloré envisage de prendre sa retraite en 2022 et de passer la main à ses enfants. Peut-être juge-t-il qu’il est préférable de désengager son groupe d’une activité, certes lucrative, mais désormais plus incertaine.
(1) Isabelle Chaperon, « Vincent Bolloré prêt à vendre ses activités logistiques en Afrique », Le Monde, 15 octobre 2021.
(2) Fanny Pigeaud, « Concurrence, démêlés judiciaires en cascade, possible rachat... : Fin de partie pour Bolloré en Afrique ?», Le Monde diplomatique, décembre 2021.