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Quand Microsoft verrouille le marché informatique

par Mohamed Rachid Cheriti*

La problématique de la souveraineté numérique est devenue un enjeu central dans plusieurs pays. Selon ce nouveau paradigme, quelques gouvernements ont lancé une politique de promotion du développement des logiciels libres pour faire concurrent au système d'exploitation Windows de Microsoft, en dépit que la conduite du changement est coûteuse et méconnue, car évidemment la migration de Windows à autre chose semble opaque chez plusieurs utilisateurs.

La sécurité nationale ne peut se limiter aux domaines militaire, santé, éducation, alimentation, protection du patrimoine et ressources naturelles, et de la qualité de vie collective des citoyens, mais comprend aussi les secteurs de l'informatique et cybernétique. De ce conteste, la sécurité numérique est devenue l'une des préoccupations les plus importantes de plusieurs pays, voire même qu'un rapport sur l'économie numérique 2019 des Nations Unies stipule que la géographie de l'économie numérique est fortement concentrée dans deux pays les États-Unis et la Chine. Les États-Unis sont toujours dominants, pour les logiciels et services informatiques, avec une part des bénéfices américaine de 76% contre 10% en Chine, et pour le matériel informatique et les équipements technologiques, la part des États-Unis étant de 63% contre 6% en Chine, et pour l'électronique de 43% et 10 % respectivement, tandis que d'autres pays, tels que la Corée du Sud, le Japon, et Taïwan, sont souvent mieux lotis que la Chine dans ces catégories.

A l'heure actuelle, nous remarquons que la majorité des institutions et entreprises en Algérie et à travers le monde utilisent Windows comme système d'exploitation dans leurs outils informatiques, dont la présence du même système d'exploitation sur la plupart des appareils informatiques dans un pays quelconque est exactement le même que mettre tous les œufs dans le même panier.

Entre autres, des gouvernements commencent sérieusement à s'intéresser au concept des logiciels libres, ces derniers ouvrent une alternative à la domination de Microsoft dont un certain nombre d'acteurs cherchent à s'affranchir.

En revanche, la pieuvre de Seattle (Etats-Unis) Microsoft apparaît avec un monopole quasi total du marché mondial avec son puissant système d'exploitation Windows, elle parvient à s'adapter rapidement aux nouvelles donnes du monde logiciel. Par ailleurs, les produits de Microsoft sont nombreux et couvrent presque tous les domaines de la technologie moderne, s'étend ainsi dans des domaines de la vie informatique aussi variés que les systèmes d'exploitation clients, elle opère aussi dans le domaine des jeux vidéo avec la fameuse console de salon de prédilection XBOX lancée en 2001 pour concurrencer la PlayStation2, des jeux exclusivement pour PC comme Flight Simulator (un incontournable jeu de simulation d'aviation), en plus d'autres produits Microsoft à la pointe de la technologie, les lunettes Hoolens de réalité augmentées, destinées à simuler un espace totalement virtuel, le bracelet sportif Le Band (un outil permettant d'interagir avec un assistant virtuel appelé Cortana), la Game Cube et la Dreamcast. Elle met en œuvre une stratégie évolutive pour réduire les coûts de changement au sein de sa gamme de produits et renforcer le verrouillage du marché du secteur des systèmes d'exploitation dans plusieurs pays. D'où des questions se posent : qu'est-ce qui incite un pays à utiliser un seul système d'exploitation en créant un monopole, plutôt qu'il y a des logiciels libres concurrents ? Que se passe-t-il si les frais de ce système deviendront exagérant ? Et peut-il cela changer à l'avenir ?

Les systèmes d'exploitation les plus connus actuellement à travers le monde sont Windows et Mac OS, certes, il existe d'autres comme Linux qui sont très utilisés. Chacun de ces systèmes d'exploitation sert et s'utilise en fonction du besoin de l'utilisateur, ce qui justifie le fait que certains soient plus populaires que d'autres. Les données de StatCounter, basées sur le nombre de pages vues, montrent que le marché des systèmes d'exploitation pour ordinateur est toujours largement dominé par Microsoft. Son système Windows continue de dominer le marché mondial des ordinateurs bureautiques et personnels avec 74.27% des ordinateurs de bureau ou portables, c'est un nouveau recul annuel par rapport à 2020. En Novembre 2021, Windows était crédité de 74.27%, son plus proche concurrent Mac OS est à 16.05% de parts de marché, quant au Linux il occupe la 5e place avec 2.09 %, Chrome OS occupe aujourd'hui 2.59%, et 4.99% de parts de marché pour autres systèmes d'exploitation inconnus.

En outre, Windows 10 est le système d'exploitation le plus utilisé avec 82.45% de part devant Windows 7 qui est de 12.76%, 4.06 % pour Windows 8 et 8.1. Chez Apple, Mac OS Catalina culmine à 80.8%, loin devant Mojave 6.55% et High Sierra 5.88%. Sur le mobile, Android développé par Google est le premier système d'exploitation mobile sur mobile, il est crédité de 70.75% des terminaux en circulation, devant iOS à 28.53%, KaiOS compte pour 0.14%, et Samsung avec 0.38%, les chiffres sont un peu stables d'une année à l'autre. Pour les versions d'Android, elles avancent toujours en ordre très dispersé, 34.7% pour Android 11, 27.71% pour Android 10, 13.9% pour Android 9 et encore 7.44% pour Android 8.1. Android 6 compte encore pour 3.37%, et marshmallow 6.0 pour 3.37%. Sur tablette, Android occupe toujours la 2e place, avec un score moins élevé que sur smartphone, 44.01%. iOS et iPadOS cumulés font 55.90% du marché classés premier, alors que Windows occupe 0,05%, Linux 0,02% (0,01% en 2020) quant au Blackberry OS avec 0.01%.

En Algérie, selon les mêmes statistiques en novembre 2021, Windows est le système le plus utilisé et le plus dominant avec 81.12% suivi par des logiciels inconnus avec 15.77%, OS X occupe 1.88%, Linux 1.16%, et Chrome OS avec 0.07%. Dans la même optique, il fut établi que Microsoft détenait un pouvoir de monopole sur le marché mondial des systèmes d'exploitation pour ordinateurs compatibles, avec sa famille des Windows. L'entreprise a plutôt bien réussi sa reconversion en passant d'un modèle dépendant de la vente par unité à un modèle basé sur les licences, les entreprises payent pour chaque utilisateur, ce que nous allons le voir avec Windows11. Lorsque l'on achète un logiciel on n'acquiert pas un bien mais un droit d'usage plus ou moins étendu en général défini par le contrat de licence et déterminé par l'éditeur dudit logiciel. D'ailleurs, la franchise Office est encore extrêmement lucrative et prédominante, en partie parce que Google, Apple et les autres entreprises plus tournées vers internet n'ont que très peu investi dans leurs produits de productivité. En effet, avec la présence des rendements croissants d'adoption, ce monopole peut non seulement perdurer dans le temps mais entraîner un véritable verrouillage de marché.

Cependant, la dépendance au commerce extérieur et précisément à un marché informatique monopoliste et non concurrentiel d'un pays à un autre, entraînait une réduction inacceptable à la puissance de l'Etat, tandis que le contrôle total sur toute forme de transmission et de traitement de l'information est formellement délicat, aussi bien dans l'éducation que les transmissions bancaires, les médias, et jusque dans l'intimité de notre vie privée, rend notre vie très contrôlée et très complexe, ce qui a créé un sentiment d'insécurité auprès des citoyens et des nations. D'ailleurs, les écoles, les universités et la société civile sont un excellent terrain pour que les grandes entreprises technologiques étendent leur contrôle sur les marchés numériques, où les gouvernements ou les grandes entreprises leur faire un financement gratuit, ce qui les rendent dépendants d'eux afin de décider quel logiciel utiliser.

Dans une vision sur le long terme, il est important de pouvoir disposer d'assurance face au futur de nos logiciels. Certes, la montée en puissance d'un sentiment anti-Microsoft, nourri par la stratégie de plusieurs gouvernements pour une souveraineté numérique. Si les logiciels libres peuvent engendrer une reconfiguration de l'industrie des logiciels, ils restent principalement produits par des communautés, la question est alors celle du cadre de viabilité d'une production communautaire face au marché.

Depuis la crise de la globalisation et l'essor de la pandémie du Coivd-19, il semble que quelques pays constatent de nouvelles menaces à la sécurité nationale à travers cette monopolisation et commencent leur migration vers les logiciels libres, considérant que cette pandémie a mis en évidence l'incapacité des Etats à trouver des solutions rapides aux dépendances économiques des autres Etats. Et in fine, il faut par tous les moyens essayer de rétablir un débat, afin de sortir des pensées uniques qui se sont ancrées. Il y a une règle d'or, ne jamais avoir un seul fournisseur, l'informatique est devenue stratégique, et le souci est de savoir si nous contrôlons et nous maîtrisons notre technologie informatique ou si c'est quelqu'un de l'autre côté du globe qui le fait.

*Ingénieur spécialisé