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Espace public : en fonction des rapports de force, lieu d'aliénation ou agora d'émancipation

par Khider Mesloub

Depuis quelques années, à la faveur de l'amplification des manifestations populaires et des mouvements sociaux de protestation internationaux, l'espace public est devenu une source de préoccupation majeure pour les classes dirigeantes.

Sans conteste, quelle que soit la configuration gouvernementale du pays, à structure institutionnelle démocratique ou despotique, l'espace public revêt aux yeux de la classe dominante une dimension politique hautement symbolique et stratégique.

Dès le 19e siècle, les architectes de la politique antisubversive conçoivent l'urbanisation comme un espace de pacification politique et de désamorçage des conflits sociaux. En effet, avec la naissance du capitalisme, le développement exponentiel des villes induit une politique architecturale et urbanistique soucieuse prioritairement du maintien de l'ordre établi. Pour ce faire, tout le territoire urbain est configuré dans le dessein de restreindre les relations humaines, d'entraver les rencontres collectives, paralyser l'expression de la spontanéité sociétale (artistique, ludique, politique), dans l'espace public désormais privatisé par l'État totalitaire tentaculaire, ce Léviathan, unique «détenteur du monopole de la violence légitime», protecteur des intérêts des classes dominantes contre le peuple atomisé, aliéné.

Historiquement, il existe une corrélation entre rapports de production capitaliste et processus d'urbanisation. Le développement des villes est lié à l'éclosion du capitalisme. Par ailleurs, la ville favorise l'émergence d'un espace politique. La politique s'organise autour d'un nouvel espace institutionnel formé par la nouvelle formation économique et sociale dominante, la bourgeoisie.

Cet espace organise la politique par la production de représentations sociales idéologiquement orientées vers la défense des intérêts du capital. L'urbanisme, espace répressif et aliénant, pétri d'idéologie bourgeoise fondée sur la sacralisation de la propriété privée, constitue une superstructure du capitalisme.

Avec le triomphe du capitalisme, autrement dit de la bourgeoisie, la ville comme l'habitat, c'est-à-dire l'espace où la société se produit et se reproduit, seront organisés désormais par l'État qui structure et rationalise la production, la circulation et la reproduction sociale. Aussi, l'espace est un produit social. L'espace fait l'objet d'enjeux politiques et de luttes entre les différentes formations sociales en conflit, car, dans la production capitaliste de l'espace social, il existe des espaces dominants et des espaces dominés. Des espaces réservés aux classes privilégiées, et des espaces dévolus aux classes populaires et ouvrières.

Au sein du capitalisme, l'espace, valeur marchande, s'articule autour de la production de la plus-value et de la consommation des marchandises. Par ailleurs, l'espace ne se résume pas aux constructions matérielles (habitat, édifices, entreprises), c'est surtout une construction sociale vectrice de représentations idéologiques. Tout espace est producteur d'idéologies, de représentations sociales dominantes, en l'espèce, celles de la classe dominante : la bourgeoisie.

L'espace, c'est-à-dire l'urbanisme et l'architecture, vise la préservation de l'ordre social existant. Aussi, la maîtrise de l'espace permet la préservation du pouvoir (économique, politique et militaire), la reproduction de la domination, le maintien des divisions sociales. L'ordre urbanistique ne fait qu'entretenir et pérenniser cette domination de classe et ces divisions sociales dans l'espace. L'urbanisme ne vise pas seulement à entretenir le fonctionnement du système capitaliste et les hiérarchies sociales dans et par l'espace, il permet également d'agir sur la société par le contrôle social, la standardisation des modes de vie, la rationalisation des sociabilités réduites à leurs mécaniques expressions productives et consommatrices.

Dans la conception étatique de l'organisation urbanistique, plus que jamais l'espace public doit demeurer une zone de non-droit pour ses habitants.

En dehors de leur lieu d'exploitation réduit à l'entreprise et aux temples de la consommation incarnés par les centres commerciaux et les boutiques, les «citoyens» sont sommés de confiner leur existence dans leur habitation carcérale bâtie dans ces édifices immobiliers (cités-dortoirs érigés loin des centres urbains, excentrés des centres névralgiques des instances du pouvoir) verticaux ravagés par la pollution sonore et atmosphérique, dévastés par la vacuité existentielle et la solitude pathologique.

Ainsi, dans le souci d'harmoniser le capitalisme par l'instauration forcée d'une paix sociale par essence hypothétique et la neutralisation coercitive des velléités de révoltes subversives, l'aménagement urbanistique et architectural est conçu dans l'optique de contrôle social de l'espace public, d'injonction de manière de vivre et de restriction de la circulation par ailleurs mise sous surveillance via les caméras et encadrée par les forces de l'ordre surarmées.

Au reste, les urbanistes et les architectes ont toujours eu pour fonction primordiale de concevoir un espace public totalement policé, chloroformé, cautérisé. Une architecture urbaine où la bonne «conscience citoyenne» effacerait toutes les aspérités sociales. Un espace où l'opposition de classe serait artificiellement annihilée. Une agglomération où les citoyens sans distinction sociale partageraient dans un esprit de civilité mercantile les mêmes espaces de travail aliénant et de consommation individualiste débridée.

Un espace urbain censément «harmonieux», «citoyen», construit pour l'apaisement social (mais en vrai un cadre social violemment miné par les morbidités chroniques générées par les conditions de vie pathogènes, la précarité et la paupérisation); bâti pour la neutralisation des conflits sociaux, la pacification des rapports sociaux et la sécurisation des biens (des riches); la protection des gens honnêtes (entendu gens de Biens) et de la propriété (par essence apanage de la minorité privilégiée). Un espace où les distinctions sociales seraient diluées, les clivages de classe jugulés, les crispations communautaristes désamorcées.

Néanmoins, un espace urbain où la stratification sociale imprime son empreinte géographique de classe. Dans lequel chaque quartier abrite une classe sociale spécifique. Dans lequel seuls les univers de travail et les surfaces de consommation sont partagés en commun avec cette frange opulente de la population à la solvabilité ostentatoirement exhibée pour signifier son arrogante puissance et se distinguer par son indécente prospérité. Dans lequel les agglomérations publiques sont astreintes à la réglementation, soumises à l'interdiction de toute manifestation ou ordinaire rassemblement sans autorisation préalable. Un espace public où seules les forces de l'ordre, bras armé des classes dominantes, sont autorisées à occuper sans limitation, à coloniser de manière visible et violente, au besoin, pour dissuader tout regroupement, intimider et terroriser la population par les contrôles, humiliations, verbalisations, arrestations, bastonnades.

À cet égard, il est utile de souligner que la violence et la répression ne constituent plus l'unique instrument de domination : l'idéologie «citoyenne», cette religion du capital aux commandements dévotement observés par les adeptes de la soumission, pourvoit aisément au maintien de l'ordre par la servitude volontaire, l'intériorisation psychologique des règles dominantes. Dans le capitalisme High Tech triomphant, les individus, selon le concept de la fausse conscience réifiée popularisée par le philosophe George Lukacs, intériorisent les normes sociales et semblent asservies, dépossédés de leur existence par une forme d'aliénation participative et de participation aliénante. Avec leur mentalité de colonisé, les hommes et femmes participent spontanément à leur propre asservissement pédagogiquement façonné, à leur aliénation médiatiquement fabriquée.

De manière générale, dans cet espace public où règnent l'anonymat, la séparation, la relégation et la distanciation sociale (termes d'une sinistre actualité marquée, depuis l'apparition de la pandémie, par les récurrents confinements pénitentiaires instaurés par le despotisme étatique dans le dessein de l'habituation à la militarisation de la société), les relations sociales sont soumises à des règles de socialisation symboliquement codifiées, socialement normalisées, dictatorialement imposées. Ces relations sont régies par des «conduites citoyennes» fondées sur la «civilité», qui rime dans la société de classe avec servilité, autrement dit le respect de l'ordre. Les citoyens doivent certes vivre ensemble, mais en ordre géographique et social dispersé et clivé, et surtout dans le respect de l'ordre dominant existant. La citoyenneté et la civilité constituent une forme de code de l'indigénat réservé aux indigènes de la Cité, espace urbain, véritable univers concentrationnaire, régi par les normes restrictives imposées par la classe dominante.

Au demeurant, il est de la plus haute importance de souligner que, dès le début du capitalisme, la construction «sociale urbanistique» œuvra à l'éclatement des structures traditionnelles de socialisation populaires et à la dislocation des solidarités villageoises millénaires, aux fins d'anéantir toutes les relations humaines qui ne sont pas fondées sur des rapports marchands, l'atomisation mercantile, en résumé sur l'individualisme, le chacun pour soi incarné par l'esprit de prédation et le culte de la performance chers à l'idéologie libérale -libertaire. Toute forme d'humanité devait être bannie de la nouvelle cité perverse capitaliste dominée par le culte de l'Argent, ce Dieu du capital.

De fait, pour pacifier l'espace public, l'État, par le truchement des institutions éducatives incarnées par l'école et la famille (contrôlées par les autorités sociales gouvernementales), impose les bonnes conduites citoyennes bourgeoises dispensées par l'éducation, la pédagogie et l'instruction civique, mais aussi instaure le contrôle social et la répression policière.

Quoi qu'il en soit, l'espace public, dans toutes ses dimensions, de la simple rue au parc en passant par la place, est soumis aux mesures restrictives de circulation. Aussi, toute occupation en bande organisée (sous-entendu collectivement) de ces lieux publics est-elle sévèrement condamnée par la loi édictée par l'État, autrement dit par la classe dominante soucieuse du maintien de son ordre établi, entendre : de sa tranquillité et de ses privilèges. À plus forte raison, toute agitation sociale opérée dans les espaces publics est-elle perçue comme une perturbation, une atteinte à l'ordre public (dominant) et appelle par conséquent une réponse répressive de la part des forces de l'ordre, bras armé des classes dirigeantes.

En tout état de cause, l'espace public ne doit jamais devenir un lieu d'expression de liberté, exercée par des collectifs autonomes, dans le cadre d'une activité ludique ou artistique, ou, a fortiori, lors du déclenchement de luttes sociales ou de manifestations politiques. Car toute occupation de l'espace public favorise, outre la renaissance de l'authentique sociabilité humaine despotiquement éclipsée par le capital, l'émergence de la vraie démocratie, et corrélativement l'éclosion d'un contre-pouvoir susceptible d'ébranler le pouvoir dominant. De là s'explique la propension instinctivement atavique et animale des gouvernants à déloger violemment toute occupation de l'espace public, à réprimer toute manifestation organisée dans une agglomération. L'État a pour mission d'empêcher la constitution pérenne de rassemblements, d'attroupements, de regroupements, propices à la fermentation politique subversive et à la création de collectifs autonomes alternatifs émancipateurs librement organisés.

Historiquement, longtemps, sous la houlette des partis politiques populistes affidés du pouvoir, à l'époque flamboyante de la domination des organisations ouvrières et populaires staliniennes et réformistes socialistes, les contestations étaient structurellement organisées. Elles respectaient les bonnes conduites citoyennes de l'espace public et de l'ordre établi. Or, la particularité des nouveaux mouvements sociaux, à l'instar des Gilets jaunes et des activistes anti-pass (et du premier Hirak algérien), est d'avoir concrétisé leur rejet de toutes les formes organisationnelles classiques de lutte cornaquées par les formations politiques ou centrales syndicales stipendiées, mais surtout leur répudiation des règles de bienséance et de civilité urbaines.

Dépourvus de toute affiliation doctrinale et de quelque structuration pérenne, dénués de tout projet politique de transformation sociale, ces mouvements anarchiques échappent en apparence à tout contrôle et emprise des autorités étatiques. De nos jours, ces mouvements occupent désormais l'espace public de manière spontanée et anarchique. Pollués par l'apolitisme (à différencier du consciencieux antipolitisme), les contestataires contemporains, biberonnés à l'émolliente idéologie citoyenniste aphasique, sombrent par désespoir dans un activisme musculeux processionnel ponctué de violences gratuites et futiles, ou versent par pusillanimité dans les palabres aseptisées entre gens de bonnes compagnies pour obtenir quelques réformettes négociées dans les salons du pouvoir.

Portés par la petite bourgeoisie intellectuelle paupérisée en congruence idéologique avec les classes dirigeantes, les mouvements sociaux contemporains s'insèrent parfaitement dans le paysage politique dominé par l'idéologie consensuelle citoyenne pour laquelle la concertation consensuelle prime la contestation radicale insurrectionnelle, la révolte irrationnelle sans fin -en Algérie illustrée par les sempiternelles marches festives du vendredi animées par les révolutionnaires du week-end ; en France avec les rituelles manifestations hebdomadaires organisées par un mouvement interclassiste-, prime la Révolution consciente ayant une fin (le renversement du système capitaliste, non d'un système abstrait tel qu'il était irrationnellement revendiqué en Algérie).

Nul doute, les contemporains mouvements de contestation (les Gilets jaunes, les Hirakistes), hormis les processions festives hebdomadaires, ne proposent aucune alternative, encore moins une société alternative.

Cet activisme soi-disant apolitique, sans perspective révolutionnaire et résolument réformiste, se modèle en vrai sur l'individualisme consumériste dominant contemporain. Il est le produit d'une société anomique où domine le chacun pour soi. Il n'est pas étonnant que ces mouvements valorisent plutôt les réseaux sociaux dans lesquels triomphent le règne du narcissisme atomisé, la culture irréfléchie de l'instantanéité et de l'utopie prédatrice. Ces adeptes de l'idéologie citoyenne-populiste de gauche comme de droite véhiculent l'idée d'une société pacifiée au sein de laquelle la lutte des classes aurait disparu, donc où toute transformation sociale est impensable, tout bouleversement radical politique inenvisageable, toute mutation profonde économique inconcevable. Globalement, en petits-bourgeois en voie de déclassement social et de paupérisation absolue, ils rêvent du retour de l'État-providence.

Or, cette accidentelle et furtive période historique, fondée sur le compromis entre capital et travail initié par les forces bourgeoises étatistes et les organisations ouvrières réformistes au lendemain de la seconde boucherie mondiale, est définitivement révolue. Aucune solution keynésienne, social-démocrate ou stalinienne n'est possible. Nous sommes rentrés dans l'ultime ère de : Révolution ou Barbarie.

Ainsi, cette petite bourgeoisie intellectuelle, dominante au sein de toutes les structures politiques, syndicales et associatives, impose non seulement son idéologie, mais elle s'évertue de faire passer ses intérêts spécifiques de classe précarisée pour l'intérêt général. Par son discours dominant, elle opacifie et occulte les antagonismes de classe, et, par conséquent, retarde l'issue salutaire révolutionnaire. En butte à une crise économique et sociale profonde, cette petite bourgeoisie précarisée et paupérisée, en phase de prolétarisation avancée, occupe l'espace public pour exprimer ses revendications qu'elle présente comme l'intérêt général, ce qui arrange bien le pouvoir dominant.

Assurément, aujourd'hui, la reconquête de l'espace public urbain devrait devenir l'objectif principal du peuple opprimé, non pour individuellement quémander quelques réformes politiques, mais collectivement affirmer son droit à des conditions de travail et de vie digne, incluant le droit à la ville (selon le titre du livre du philosophe Henri Lefebvre), à l'espace de vie. La mobilisation devrait permettre de changer les conditions de travail et de vie dans la ville, pour réenchanter le monde urbain dans une perspective économique et sociale émancipatrice en rupture avec le capitalisme. Et aussi dans le dessein d'une purification écologique et du ressourcement des valeurs humaines détruites et taries par le capital.

Le droit à des conditions de vie meilleures n'émane jamais du Ciel des religions ni des Cimes du pouvoir. Il se conquiert par l'action politique (la révolution sociale). Seules les révoltes, les occupations des espaces de travail et de vie, des espaces publics, les assemblées de quartier et de ville, favorisent la réappropriation de la politique émancipatrice. Tout autre action politique, conduite dans une optique réformiste au sein d'institutions officielles bourgeoises obsolètes, ou réduite aux sempiternelles promenades de protestation de rue, est vouée à pérenniser la misère sociale et existentielle, comme la récente expérience du mouvement des Gilets jaunes l'a éloquemment illustrée.

Toujours se rappeler que sans le contrôle du pouvoir économique, il n'y a pas de pouvoir politique possible. Les espaces de travail sont par conséquent les premiers lieux à occuper, à contrôler, à monopoliser par le peuple opprimé en révolte. Entre l'aménagement de l'existant et le dépassement révolutionnaire de l'ordre existant, deux perspectives s'opposent. Deux voies radicalement divergentes se dessinent pour les classes populaires en lutte.

Cependant, à examiner les mouvements de révolte internationaux, notamment les Gilets jaunes en France, on relève des mutations au plan de la lutte des classes. En effet, l'entreprise n'est plus l'unique espace d'expression de la conflictualité sociale. Pour la nouvelle génération de salariés nucléarisés, du fait de la précarisation sociale et de l'atomisation professionnelles, du chômage massif endémique, il est devenu difficile de s'organiser au niveau de l'espace de l'entreprise. De surcroît, le capitalisme englobe toutes les sphères de l'existence. De nos jours, le capital façonne l'espace public et l'urbanisme pour imposer des manières de circulation, de vie et de rencontres. Dès lors, la lutte -la Résistance-, la révolte doit s'élargir à l'ensemble du capitalisme (sous tous ses aspects systémiques), et non se cantonner à un de ses aspects opéré par la rénovation de sa «démocratie» moribonde, la réforme de son économie sénile, l'institutionnalisation de l'égalité des sexes, le développement écologique, et autres projets sociétaux parcellaires qui ne visent qu'à segmenter et à cliver les différents groupes en révolte contre le système.

Incontestablement, la petite bourgeoisie domine les instances politiques capitalistes et ouvrières : c'est l'héritage légué par les organisations politiques de la gauche réformiste et stalinienne.

La petite bourgeoisie demeure très attachée à l'imposture de la démocratie représentative des riches et à la pérennité bureaucratique mafieuse des organisations politiques, sources d'emplois et d'enrichissement pour son élite. Il n'est pas étonnant qu'elle condamne sans appel le rejet de la politique traditionnelle bourgeoise exprimé par la majorité des classes populaires paupérisées, symbolisé par son abstentionnisme militant. Sans conteste, ce rejet de la démocratie des riches (de l'imposture des mascarades électorales) dévoile la maturité de la conscience de classe. Cet abstentionnisme est un signe de lucidité politique.

Une chose est sûre, lors des prochaines inévitables contestations sociales, les mouvements de révolte devraient expérimenter de nouvelles organisations politiques et sociales autogestionnaires horizontales. Car seule une radicale transformation sociale peut produire une profonde transformation spatiale.

Seul un nouveau mode de production aboutira à la production d'un nouvel espace urbanistique et architectural. Le nouvel espace sera approprié aux nouveaux rapports sociaux fondés sur l'appropriation collective de la production, et la satisfaction des besoins humains.

Pour autant, «la révolution fera l'urbain, et non pas «l'urbain» la révolution, par le renversement radical des conditions de l'urbanisation, induisant la subordination de l'économie (l'industrie) à la ville, et cette dernière répondant prioritairement aux exigences humaines des habitants collectivement maîtres de leur destin social, propriétaires des moyens de production.

En résumé maîtres de leur Temps, libéré des contraintes productivistes capitalistiques, et de leur Espace, arraché aux forces spoliatrices et dominatrices du capital.

Ainsi, par l'occupation pérenne des espaces de travail et des espaces de vie publics, le peuple opprimé pourra se réapproprier son pouvoir de contrôle et de décision sur son destin collectif. L'espace public deviendra une véritable agora d'élaboration politique, un chantier social de construction d'une nouvelle société bâtie par l'ensemble des forces vives du pays, où les modèles économiques dominants et les modes de gouvernance hiérarchiques et autocratiques seront révolutionnés, radicalement transformés.

Par ces formes horizontales d'organisation sociale et politique authentiquement démocratiques, donc populaires (et non populistes), une révolutionnaire structure de gouvernance tendra à s'affirmer et à s'affiner, aussi bien dans le monde du travail qu'au sein de l'univers politique, sans esprit de commandement autoritaire ni esprit de prédation, ces pernicieux modes de pensée inhérents au capitalisme, à toute société de classe.