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Le royaume du Maroc, une caution supplémentaire pour l'Etat sioniste !

par Youcef Dris

En signant des accords de sécurité avec Israël, le Makhzen ne fait que renforcer la position d'Israël dans le monde arabe et aujourd'hui, en Afrique du Nord, le rêve du grand Israël et du sionisme va se réaliser avec la bénédiction de Mohamed VI. Mais, peut-il y avoir vraiment la paix avec le sionisme ?

Le Maroc ne peut pas ignorer, lui qui a toujours eu des relations, certes discrètes, mais réelles avec Israël, que dès le début, la colonisation sioniste et la création de l'Etat d'Israël se sont accompagnées d'un négationnisme total (nous employons intentionnellement ce mot qui est très chargé symboliquement dans l'Histoire juive) vis-à-vis des Palestiniens. Dès le départ, pour les futurs Israéliens, la Palestine n'existe pas.

Dans les livres scolaires israéliens, on va jusqu'à nier l'existence d'un peuple palestinien. Ceci ne pouvait être ignoré par le Maroc, puisque les relations entre Israël et le Maroc existent depuis la création de l'État hébreu en 1948.

Une relation secrète s'est développée entre les deux États, et que vient de renforcer ouvertement Mohamed VI qui n'a fait que perpétuer les engagements de son père Hassan II.

Les mensonges fondateurs des sionistes pour assoir leur suprématie en terre palestinienne sont (l'idée proférée par Zangwill) qui décrète : « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». On y ajoute quelques énormités comme l'idée que les Juifs auraient toujours vécu en « Eretz Israël » ou qu'ils sont majoritaires à Jérusalem depuis les années 1800, et la boucle est bouclée. Bien sûr, les dirigeants sionistes avaient bien conscience à leur arrivée que les Palestiniens représenteraient un obstacle à leur projet de « civilisation ». Les futurs dirigeants Ben Gourion et Ben Zvi pensaient (ils l'ont écrit en 1918) que ces « fellahs » qui vivaient en Palestine accepteraient le projet sioniste, mais ils se trompaient.

À l'époque, même des pays européens avec à leur tête la France avaient utilisé cette théorie dans les pays colonisés, en Afrique du Nord et plus particulièrement en Algérie. Le colonialisme est considéré et même décrété plus tard comme un phénomène positif, le monde européen apportant la civilisation à des peuples moins développés. Mais dès l'arrivée des premiers colons sionistes, ce qui est mis en place, c'est une dépossession progressive des Palestiniens, comme avec les Algériens, de leurs propres terres et donc de leur pays. Le KKL (Fonds national juif) s'approprie par tous les moyens des terres pour les Juifs.

L'Agence juive crée les embryons d'un futur Etat juif dans lequel les Non-juifs n'ont aucun droit. Quand les Palestiniens réalisent ce qui est à l'œuvre, c'est alors la première grande révolte (Hébron 1929). Dès cette époque, le courant « révisionniste » du sionisme dont le dirigeant est Vladimir Jabotinsky élabore la théorie du transfert. Puisque les Palestiniens sont décidés à résister, il faut élever entre les Juifs et eux une muraille infranchissable.

Le concept de ce qui deviendra 70 ans plus tard le Mur (de l'apartheid) est né. Il propose de déporter les « Arabes » au-delà du Jourdain. Le Maroc en bon élève en fit pareil pour le Sahara Occidental en érigeant lui aussi un mur des sables appelé également « mur marocain » avec l'affirmation du Maroc sur sa souveraineté sur l'ancienne colonie du « Sahara espagnol », en opposition aux revendications d'indépendance portées par le Front Polisario. Ce mur est gardé par environ 100.000 soldats marocains. Dans l'idée de transférer les Palestiniens, les dirigeants sionistes ont reçu une aide précieuse de la part du colonisateur britannique quand celui-ci a réprimé la révolte palestinienne de 1936 (plus de 12.000 morts et toute « l'élite » palestinienne exilée). En 1948, le transfert (l'expulsion des Palestiniens) était programmé avec le plan Dalet.

La préméditation de cette entreprise, constamment proclamée par les Palestiniens a été confirmée par les historiens israéliens (entre autres Ilan Pappé) au moment de l'ouverture des archives, et appuyée discrètement par le roi du Maroc, président du Comité Al Qods, sachant que le roi Mohamed VI du Maroc a hérité de son père Hassan II la présidence du Comité «Al Qods» (Jérusalem). Une minorité de Palestiniens a échappé à la Naqba (la catastrophe) et a pu rester. 50 ans plus tard, l'historien sioniste Benny Lévy qui a pourtant reconnu les crimes de guerre de la guerre de 48 estime qu'il aurait fallu tous les expulser. Pour gagner les élections de 2001, Ariel Sharon a fait campagne sur le mot d'ordre « achever la guerre de 48 » et donc expulser tous les Palestiniens, y compris ceux qui ont la nationalité israélienne. En 1967, la conquête et la colonisation étaient programmées. Aujourd'hui en Israël et c'est tragique, une majorité de l'opinion pense que, tout comme les Amérindiens des Etats-Unis ou les Aborigènes d'Australie, les Palestiniens deviendront à terme totalement marginalisés et incapables de réclamer leurs droits. Les seules nuances portent sur la façon d'en finir (déportation, encerclement dans des bantoustans, Etat palestinien croupion, institutionnalisation de l'Apartheid?).

Pour cette opinion, la « légitimité » d'un Etat juif allant de la Méditerranée au Jourdain est indiscutable et les Palestiniens sont des intrus et des terroristes. Les mots d'ordre mille fois répétés « les Palestiniens veulent continuer l'œuvre des Nazis ») deviennent des évidences à force d'être martelés. Et Mohamed VI ne peut ignorer cette situation, lui qui est entouré de conseillers de confession israélite. Il faut lire les sites sionistes pour mesurer l'étendue de la névrose collective actuelle. D'authentiques néonazis regroupés dans une délégation de 35 parlementaires européens d'extrême droite visitent Israël et sont reçus à la Knesset sans aucune protestation. Même Jean-Marie Le Pen lorsqu'il était candidat est arrivé en troisième position aux élections présidentielles françaises dans le vote des Français vivant en Israël. Alors comment s'étonner que le Makhzen puisse signer des accords de défense avec l'Etat sioniste, accords qui ne font que cautionner des crimes évidents et avérés pourtant niés en Israël comme celui du jeune Mohamed tué dans les bras de son père devant la colonie de Netzarim à Gaza, et que tout le monde a vu, même le peuple marocain ! L'idée que des Juifs et Non-juifs ne peuvent pas vivre ensemble est une théorie sioniste qui se met en pratique chaque jour en Palestine !

Décrété Comité d'El Qods, ce Comité sous l'égide de Mohamed VI ne s'est pas réuni une seule fois pour savoir de quoi il en retourne. De nombreux observateurs décryptent l'inertie de Mohamed VI comme un soutien tacite à Israël. Dans son livre « Comment le peuple juif fut inventé », Shlomo Sand met à bas les mythes fondateurs du sionisme : il n'y a eu ni exil, ni retour. Aujourd'hui en Israël, le « mal absolu », c'est l'Arabe, c'est l'Islam, et ce qu'approuve le Makhzen en signant les accords de la honte avec Israël. Pourtant, avant le sionisme, il n'y a eu en pays musulman rien de comparable aux pogroms qui se sont multipliés en Europe contre les Juifs. Les sionistes ont inventé l'idée que les communautés juives du monde entier, des Polonais aux Falachas, des Marocains aux Baltes formaient un même peuple. Ils se sont acharnés à effacer les langues, les cultures et les traditions pour imposer une identité unique, une langue unique, un « homme nouveau » avec les clichés colonialistes du pionnier se battant et défrichant son pays.

Ils ont utilisé la religion et une idée de race pour définir qui était juif et avait donc tous les droits dans le futur Etat juif et qui ne l'était pas. Ils ont cultivé le « complexe de Massada » selon lequel les Juifs ont été, sont et seront toujours des victimes. Au nom de ce complexe, la souffrance et l'identité de « l'autre » n'existent plus.

Mais d'où vient l'impunité d'Israël? Face à l'opinion publique mondiale, la légitimité d'Israël vient de deux idées. Le sionisme serait un mouvement de libération national et l'idée d'un Etat juif en Palestine serait indiscutable après le génocide nazi.

Après la 2ème Guerre mondiale, il y a eu un consensus mondial pour la création de l'Etat d'Israël. Pour l'Europe, il y a l'idée de la « fin du problème juif », puisqu'ils auront désormais un pays. Ainsi donc, l'Europe s'est débarrassée de son crime sur le dos du peuple palestinien qui n'avait pas la moindre responsabilité dans le génocide. Dès la fin des années 50, l'Etat d'Israël voit le profit à tirer d'une récupération complète de la question du génocide. C'est l'époque de la création du musée Yad Vashem (sur le territoire du village martyr Deir Yassine) et du procès Eichmann. Israël se présente comme un havre de paix pour les Juifs du monde entier. Il est vrai que beaucoup de Juifs ne savaient pas où aller. Aujourd'hui, s'il y a bien un pays où les Juifs sont en insécurité, c'est Israël et il en sera ainsi tant que durera la destruction de la Palestine. Aujourd'hui, c'est au tour du Maroc de vouloir installer les sionistes au Maghreb, destination offerte par Mohamed VI aux sionistes comme l'ont fait les Européens avant lui. Mais eux, c'était pour se débarrasser du problème chez eux, à l'inverse du roi du Maroc en mal d'expansion territoriale et qui a besoin d'Israël pour concrétise ses lubies du grand Maroc.

Israël est devenu, ce qui n'était pas inéluctable, une tête de pont occidentale au Proche-Orient, et maintenant, grâce au Makhzen, une tête de pont en Afrique. Avec la normalisation avec le Maroc, c'est aujourd'hui une caution supplémentaire du fait que, quels que soient les crimes commis, il n'y a jamais de sanctions de cet Etat d'Israël surarmé, dépensant l'essentiel de son budget dans l'armement et les technologies de pointe qu'il met de nos jours à la disposition de Mohamed VI et du Makhzen qui comptent l'utiliser contre ses voisins. Le Maroc a déjà tenté un « sociocide » contre l'Algérie. Une tentative vaine de destruction du lien social en parlant de l'indépendance de la Kabylie en vue de détruire l'unité territoriale, et économiquement en noyant notre pays de drogue, comme l'occupation israélienne qui a fait éclater la Palestine en 5 entités distinctes.

Le Maroc de Mohamed VI espère que ses amis israéliens puissent reproduire en terre algérienne le massacre de Gaza (l'opération «plomb durci»), où il y a eu 1400 morts et de nombreux crimes de guerre. Ces violations du droit international ne sont pas les premières que l'Etat sioniste commet depuis sa création.

La première violation flagrante et impunie de l'Etat d'Israël a été de ne pas appliquer la résolution 194 de l'ONU (décembre 1948). Applaudissant à ces décisions de fait, le Maroc, en signant des accords avec Israël espère en faire pareil, aidé en cela par les sionistes, contre les Sahraouis qui se battent pour la libération de leurs territoires.

Pour arrêter cet expansionnisme effréné de l'Etat sioniste, compte tenu de l'absence durable de sanctions de la part des Etats, les citoyens du monde doivent répondre à l'appel de 172 associations palestiniennes qui date de 2005 : BDS (boycott, désinvestissement, sanctions). Boycott total : commercial, économique, politique, scientifique, culturel, sportif? de l'Etat d'Israël tant que durera l'occupation, et tant que des valets comme le roi du Maroc ouvrent leurs pays au sionisme. Il faut se ranger derrière l'anticolonialiste israélien, comme l'a décrété l'universitaire Neve Gordon qui a dit: «je suis pour le boycott, c'est la seule façon de sauver mon pays».